En à peine un mois, la Hongrie de Viktor Orbán, en fidèle disciple de l'internationale réactionnaire, a interdit la Pride et constitutionnalisé la LGBTphobie d'État. Face à cela, la Commission européenne se tait, le gouvernement français se tait. Les droits LGBT ne seraient-ils pas des droits humains comme les autres ?
Viktor qui ? LGB quoi ? Depuis un mois, le silence est assourdissant à Paris et à Bruxelles alors que notre Donald Trump européen, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, a mis les bouchées doubles dans l'édification d'une LGBTphobie d'État. En pleine Union européenne (UE), alors que le lobby réactionnaire multiplie les attaques contre la démocratie et l'État de droit qui sont au cœur du projet européen, le pouvoir orbanien pratique allègrement le saut de lignes rouges dans une indifférence générale qui confine à la complicité.
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Quand, le 18 mars, l'Assemblée hongroise vote l'interdiction de la Pride, le gouvernement français et les institutions européennes ne mouftent pas. Peut-être leur fallait-il du temps pour étudier leurs options… Mais lorsqu'un mois plus tard, ce lundi 14 avril, le Fidesz, parti de Viktor Orbán, modifie la constitution pour y inscrire notamment l'impossibilité du mariage homo et de la transidentité, nos dirigeants sont toujours aux abonnés absents.
En 2021, lorsque Viktor Orbán avait posé la première pierre de son édifice anti-LGBT par une loi interdisant la "promotion de l'homosexualité", la Commission européenne avait engagé une procédure d'infraction contre la Hongrie – laquelle a donné lieu en 2023 à une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) – et bloqué des milliards d'euros à destination de Budapest. La présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, avait alors su se montrer vocale. Faisant part de sa "honte", l'Allemande avait promis de "défendre la liberté d'être qui l'on est, d'aimer celui ou celle que l'on veut aimer". Quatre ans plus tard, où est passé cet "État de droit que nous entendons défendre" ? La Commission, pourtant chargée de faire respecter les traités, semble ignorer la fuite en avant du pouvoir hongrois, se contentant de laisser les procédures suivre leur cours et de garder bloqués les fonds européens.
L'Algérie plutôt que la Hongrie
Ne cherchez pas non plus un mot de la France, il n'y en a pas. Tout occupé à sarkozyfier son image en vue de la présidentielle de 2027, le ministre de l'Intérieur pointe l'Algérie, et tout le monde regarde le doigt obsessionnel de Bruno Retailleau plutôt que la Hongrie. Au lendemain du vote au parlement hongrois, on y croit pourtant : le ministre délégué en charge de l'Europe, Benjamin Haddad, est justement invité de la matinale d'Europe 1. "Vous parlez souvent, et à raison, d'unité européenne, pourquoi est-ce que l'UE ne se bouge pas davantage ?" l'interroge Sonia Mabrouk à propos… du bras-de-fer actuel entre la France et l'Algérie. Alors que la même question vaut pour le cas hongrois, qui concerne plus son portefeuille que le dossier algérien, le ministre n'en pipera pas un mot en 17 minutes d'interview. Et la question ne lui est pas posée, mais pouvait-on attendre mieux de la radio Bolloré au sujet du fidèle allié de Marine Le Pen ?
Ce mercredi 16 avril, nouvelle lueur d'espoir : Jean-Noël Barrot, le ministre de tutelle de Benjamin Haddad, chargé des Affaires étrangères, est l'invité de Sonia Devillers dans la matinale de France Inter. Heureusement qu'il y a le service public : dix minutes d'interview, toujours sans un mot ni une question sur la Hongrie. L'échange est monomaniaque : Algérie, Algérie, Algérie. Sans que personne ne semble remarquer qu'Alger, à qui l'on reproche à juste titre de fouler aux pieds les droits humains en emprisonnant l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, nous regarde dans le même temps fermer les yeux sur leur piétinement au sein même de l'UE. À moins que les droits LGBT ne soient pas des droits humains comme les autres ?
Dr Orbán et Mr Trump
En réalité, l'exécutif n'a pas dit un mot de la situation hongroise depuis le début de l'année. Pas un communiqué, pas même un tweet, ni des Affaires étrangères ni de la présidence de la République. Emmanuel Macron n'ignore pourtant rien des méfaits de Viktor Orbán, qu'il a d'ailleurs reçu à l'Élysée pas plus tard que le mois dernier, alors que la modification constitutionnelle était déjà annoncée.
Alors, pourquoi ce mutisme ? Le site d'information Euractiv en donne la clef : "Emmanuel Macron tente de raisonner Viktor Orbán sur l'Ukraine avant le sommet de l'UE sur la défense." Revoilà la realpolitik, qui consiste ici à brosser l'ogre Orbán dans le sens du poil en espérant sauver la situation ukrainienne fragilisée par le lâchage de son ami Donald Trump. Nous serions donc prêts à sacrifier les droits LGBTQI+ pour vaincre l'homophobe Vladimir Poutine, l'inspirateur du Premier ministre hongrois. Abdiquer les valeurs européennes au nom de la défense de l'UE, voilà la défaite.
Crédit photo : Ludovic Marin / AFP