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livreHomosexualité, consentement... Marie Papillon répond en BD aux questions des enfants

Par Tessa Lanney le 12/11/2021
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Avec son personnage de Marinette dessiné par Blanche Sabbah, Marie Papillon apporte réponses simples et drôles aux questions des enfants qui mettent, souvent à tort, les parents mal à l'aise.

Drôle, curieuse et espiègle, Marinette est une petite fille tout droit sortie de l’esprit de Marie Papillon. Après. Instagram, la télé, l’humoriste lesbienne ajoute une nouvelle corde à son arc. Marinette, 20 histoires sur la vie compile, comme son nom l’indique, des tranches de vie ponctuées par les interrogations soudaines d'une enfant qui prennent sa mère de court. "Pour moi, c’est une lecture qui doit évoquer des souvenirs, faire sourire, se projette Marie Papillon. Ce n’est pas une BD sur laquelle on doit débattre, il s’agit de mon vécu tourné de manière amusante, de réponses que j’aurais aimé avoir aussi." Des réponses sur l'homosexualité, le consentement, la masturbation mais aussi le handicap ou le deuil… Les anecdotes viennent dédramatiser avec bienveillance certains sujets que l’on peine à aborder avec les marmots.

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Marie en est convaincue, "pour les enfants, il n'y a aucun sujet tabou. En revanche, si on décide d'en faire un malaise, ça en devient un". Elle-même se souvient d'avoir maintes fois entendu qu'elle était trop petite pour comprendre telle ou telle chose. Résultat, quand la jeune trentenaire observe sa génération, elle constate un manque de communication criant. "Nous, on est bourrés d’angoisses, de questionnements, on réfléchit à tout. Tous ces sentiments résultent de nos éducations, de l’absence d'informations sur certains sujets", déplore-t-elle. "Quand on ose dire les choses, on peut en parler de manière positive", avance au contraire l'humoriste. Inutile d'attendre que les mots justes nous apparaissent comme par enchantement, amorcer la discussion, c'est déjà un grand pas pour l'autrice.

Non, les enfants ne sont pas bêtes

Elle prend notamment l'exemple de la mort, un thème difficile qu'elle aborde avec justesse et une certaine légèreté. "Les couleurs de cette histoire-là sont plus solennelles sans être austères. Les tons sont plus doux, plus gris aussi mais les couleurs sont poétiques", explique-t-elle en applaudissant le travail d'illustration réalisé par Blanche Sabbah. C'est également le dessin qui donne toute sa puissance au passage sur le consentement. Marinette est nue dans son bain, au moment où elle est le plus vulnérable. "On comprend tout de suite l'idée." Un message simple, mais fort : ton corps t'appartient et toi seule a le pouvoir de décider qui a le droit de le toucher. La discussion n'est ni alarmiste, ni déroutante, mais le fond reste sérieux et le message sans équivoque.

La trentenaire insiste : "il faut arrêter de prendre les enfants pour des idiots, il peuvent même être plus logiques que nous". Ils se révèlent d'ailleurs souvent plus ouverts d'esprit que les adultes qui les entourent. "On vit dans une époque où deux hommes ensemble, où deux femmes ensemble, ça ne choque plus les enfants. Un enfant ressent des choses, vit des choses et ce n’est qu’au moment où un adulte lui dit que son comportement est anormal qu’il se met à le penser. Parce que si un adulte le dit, c’est qu’il a raison", résume Marie Papillon. Lorsqu'elle aborde le sujet de l'homophobie dans sa BD, elle pointe directement du doigt les incohérences de ceux parmi les adultes dont l'objectif est d'empêcher d'autres êtres humains de s'aimer.

Homosexualité, consentement... Marie Papillon répond en BD aux questions des enfants
Crédit photo : Blanche Sabbah

"À cinq ans, un adulte m’a dit : 'Marie, les petites filles vont avec les petits garçons. C’est comme ça, tu n’as pas le choix'."

Elle illustre son propos par son expérience personnelle. Malgré une famille ouverte et tolérante, d'autres membres de son entourages n'ont pas toujours adopté la même posture. "Jusqu’à mes cinq ans, j’étais convaincue de pouvoir aimer les filles, se souvient-elle. Puis à cinq ans, un adulte m’a dit : 'Marie, les petites filles vont avec les petits garçons. C’est comme ça, tu n’as pas le choix.'" Une phrase qui est restée longtemps ancrée dans un coin de la petite tête. "Ça m’a marquée. J’ai rejeté mon homosexualité d'un bloc et ça a été un vrai combat par la suite."

Marie Papillon, working girl dans une cabane en couettes

Comme vous l'aurez compris, cette bande dessinée ne s'adresse pas qu'aux enfants. Pour être plus exacte, "elle dit aux enfants : 'Vous pouvez vous construire comme vous voulez' et aux adultes : 'Vous pouvez aussi vous déconstruire'". Le personnage de Marinette ne cesse d'apprendre et d'évoluer au fil de ses réflexions, mais son propre cheminement met l'adulte qui le lit face à ses propres certitudes. "Marinette, en posant des questions, révèle aussi les absurdités de notre discours d’adulte", s'amuse sa créatrice. On peut penser au passage où Marinette ne remet pas en question l'identité de genre de Kevin, élève de sa classe qui lui annonce qu'elle est une fille. Sa mère, elle, reste sceptique et enchaîne des arguments de moins en moins convaincants pour prouver à sa fille qu'elle a tort. Finalement, tout ce qu'elle trouve à dire à Marinette, c'est que Kevin est forcément un garçon puisque pour être une fille, il faut porter des jupes. Sauf qu'elle-même porte un pantalon… ce que ne manque évidemment pas de souligner l'oeil perspicace de l'enfant.

Rassurez-vous, "Marinette, ce n’est pas un livre pour donner des leçons mais pour démarrer une réflexion". L'autrice se contente de donner à son lecteur "quelques clés", le but étant de "se les approprier pour, pourquoi pas, déboucher sur d’autres questions". Le tout avec l'humour et la douceur de l'enfance. Après tout, l'humoriste, actrice et désormais auteure a beau cumuler les projets, elle n'en reste pas moins une grande enfant. "Je n’ai pas envie de grandir alors qu’une partie de moi est mature et organisée… À côté de ça, j’ai une part très enfantine, très spontanée, assume-t-elle. Je fais encore des soirées pyjamas. D'ailleurs, à quel moment on s’est dit qu’il fallait arrêter d'en faire ?" Marie Papillon, une working girl déterminée dans une cabane de couettes.

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Crédit photo : Rita Braz