C'est la sortie cinéma à ne pas manquer cette semaine : avec Sebastian, son deuxième film en salles ce mercredi 9 avril, le jeune réalisateur Mikko Mäkelä brosse, dans le Londres contemporain, le portrait moderne et sensuel d'un jeune écrivain gay lancé à corps perdu dans le travail du sexe.
Quand Max écrit, c'est à l'ombre de Bret Easton Ellis, qu'il idolâtre. Si bien qu'à seulement 24 ans, cet aspirant écrivain se considère déjà en retard pour publier son premier roman. Afin de nourrir celui-ci, il se sert de Sebastian, son alter ego nocturne qui se livre au travail du sexe auprès d'hommes souvent plus âgés. Jusqu'où poussera-t-il cette plongée dans l'escorting au nom de son art ? Derrière l'enjeu apparent de son deuxième long-métrage (après Entre les roseaux, sorti en 2019), le jeune réalisateur finlandais Mikko Mäkelä, lui-même âgé de 36 ans, brosse le portrait moderne d'un jeune gay en quête de son désir, doublé d'un artiste en herbe qui cherche sa voix.
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Car au fil de ses plans cul, le héros – incarné par le jeune acteur écossais Ruaridh Mollica, qui crève l'écran par sa beauté et sa finesse – se trouve vite assailli par des questions existentielles : baise-t-il seulement pour nourrir son roman et financer sa vie d'étudiant ? "Ce n'est pas si simple", admet-il… Et si son activité d'escort est au centre du film, via notamment des scènes de sexe convaincantes, celui-ci ne propose pas une vision noire du travail du sexe, qu'il aborde ici à travers son prisme actuel, à l'ère de la PrEp et d'Onlyfans. "Je pense qu'on a l'habitude de voir des récits où le travail du sexe est un dernier recours et non un choix parmi un tas d'autres options", éclaire auprès de têtu· Mikko Mäkelä, qui n'a toutefois pas éludé les côtés sombres : "Je tenais aussi à montrer qu'il existe des situations à risque dans le travail du sexe, sans pour autant porter un jugement de valeur."
De l'importance de la transmission gay
De la même manière, le jeune cinéaste ne condamne pas, comme c'est aujourd'hui souvent le cas, la différence d'âge dans les relations gays. Max, qui s'est abreuvé de culture queer, en particulier héritée des années sida – il aime Les Nuits fauves, le roman autobiographique de Cyril Collard publié en 1989 puis adapté au cinéma trois ans plus tard –, comprend que "ces échanges entre les escort boys et leurs clients sont vraiment importants, et relient des générations de gays qui n'auraient peut-être rien eu à voir les unes avec les autres, et transmettent ainsi l'histoire et la culture gay".
Mais pour parvenir à écrire un roman aussi lu et aimé que ceux de son idole, et ainsi jouer dans la cour des grands, Max doit aussi, selon les mots de son éditrice, rendre son récit "bankable". Après être allé si loin dans son désir d'authenticité, acceptera-t-il de faire des concessions avec le système ? "Sebastian fait de son corps une marchandise pour le plaisir de sa clientèle tandis que Max utilise son roman, à savoir le produit de son esprit, comme une marchandise pour plaire à sa maison d'édition, note le réalisateur. Il y a un parallèle à faire. Et qu'importe les idéaux que Max peut avoir en tête, sa situation montre à quel point il est difficile d'exister en tant qu'artiste dans un système commercial."
Comme sources d'inspiration, le cinéaste cite encore les films de deux réalisateurs français : Peter von Kant, de François Ozon, et Sils Maria, d'Olivier Assayas. "Ils se sont tous les deux interrogés sur la façon dont on crée, développe-t-il. Je voulais clairement que mon film ait cette couche méta où il se regarde lui-même, en un sens." De fait, à travers celle de Max, c'est la voix de Mikko Mäkelä qui se révèle. Avec son regard résolument contemporain porté sur nos existences et nos tourments, Sebastian peut s'inscrire fièrement dans la filiation revendiquée par le réalisateur avec le cinéma gay réaliste, celui aussi de la transmission.
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