Hanne Gaby Odiele, top model : "Je suis intersexe et j'en suis fière"

Par Julie Baret le 25/01/2017
Hanne Gaby Odiele intersexe

La top model Hanne Gaby Odiele a déclaré être intersexe. Une manière d'utiliser sa notoriété pour combattre l'ignorance et le tabou autour de l'intersexuation.

Hanne Gaby Odiele est Belge, elle est mannequin et elle a 28 ans. Dans l'univers de la mode, c'est presque une vétéran. Elle a déjà travaillé avec Alexander Wang, Marc Jacobs et Christian Dior. Elle a défilé pour Chanel, Louis Vuitton, Miu Miu, Yves Saint Laurent, Givenchy, Balenciaga, Prada, Calvin Klein, Jean-Paul Gaultier, Valentino... Et lundi, la jeune femme a décidé de mettre en lumière un trait de son identité.
Hanne Gaby est intersexe. C'est-à-dire qu'elle est née avec des caractéristiques sexuelles (morphologiques, hormonaux ou génétiques) qui ne correspondent pas aux strictes définitions de sexe "homme" ou "femme". Dans son cas, il s'agit du syndrome d'Insensibilité aux Androgènes Complet - ou syndrome de Morris - soit à une paire de chromosomes sexuels XY que l'on retrouve généralement chez les individus de sexe masculin.

Hanne Gaby Odiele intersexe
Crédit photo @hannegabysees/Instagram

"Je suis fière d'être intersexe mais je suis furieuse que de telles opérations se poursuivent"

D'après les Nations-Unies, 1,7% de la population naît avec des caractéristiques intersexes, "c'est aussi commun que de naître avec des cheveux roux" souligne le mannequin. D'ailleurs, naître intersexe n'est pas dangereux pour la survie de l'enfant. Pourtant, dès la naissance, la plupart des enfants intersexes subissent des opérations très lourdes demandées par les médecins afin de correspondre le plus possible aux normes sexuées. Alors même que l'on ignore encore à quel genre l'enfant va s'identifier. Les militants intersexes dénoncent ces assignations sexuée comme des mutilations qui entraînent de multiples complications, tant sur le plan physique que psychique. Généralement, les parents acceptent ces opérations à cause de la pression sociale, mais aussi à cause du discours médical.
C'est ce qui est arrivé à Hanne Gaby Odiele. Elle raconte à USA Today qu'on lui a retiré des testicules internes ("non descendues") à l'âge de 10 ans car les médecins avaient indiqué à ses parents qu'elle pourrait développer un cancer et qu'elle ne pourrait pas "grandir comme un fille normale" (sic).

J'ai su après l'opération que je ne pourrais jamais avoir d'enfant, je n'avais pas mes règles. Je savais que quelque chose clochait chez moi.

A l'âge de 18 ans, Hanne Gaby Odiele subit une seconde opération, une reconstruction vaginale qu'elle décrit comme pénible et traumatisante ; au même moment, sa carrière dans le mannequinat décolle après qu'elle a été repérée dans un festival de musique en Belgique.
"Je suis fière d'être intersexe, mais je suis furieuse que de telles opérations se poursuivent" dénonce la jeune femme sur son compte Instagram. "Comme la plupart des enfants intersexes, on m'a imposé des opérations inutiles et irréversibles. Les gens veulent mettre ça dans des boîtes : homme ou femme. Mais en réalité le sexe est un large spectre et les intersexes en sont simplement la preuve. C'est important pour moi de parler haut et fort aujourd'hui : ces opérations ont trop duré et je veux qu'elles cessent."

Hanne Gaby Odiele intersexe
Crédit photo @hannegabysees/Instagram

"Il est temps de briser ce stigmate"

Pour lutter contre ces dérives, Hanne Gaby Odiele fait équipe avec InterACT Advocates for Intersex Youth, une association qui lutte pour les droits des personnes intersexes. Porte-parole d'une minorité ignorée, elle s'adresse directement aux jeunes intersexes, affirmant qu'être intersexe ne la définit pas, mais que c'est juste une partie d'elle-même qui ne l'a jamais empêchée de faire ou d'être qui que ce soit.
Elle exige des médecins qu'ils entendent le témoignage d'individus intersexes, "pour qu'ils leur racontent comment les décisions d'adultes ont impacté leur vie" lorsqu'ils étaient enfants.
Elle demande aux parents d'aimer leurs enfants, de s'informer, de rencontrer d'autres parents dans la même situation et surtout de ne pas se précipiter vers des décisions drastiques sans avoir entendu le désir de l'intéressé.
Elle propose enfin au grand public de partager son histoire car "il est temps de briser ce stigmate".
Son époux, le top model John Swiatek se dit "incroyablement fier et heureux" devant cette prise de parole, l'une des seules portées par une personnalité de premier plan.

Je suis très impressionné devant sa décision de militer pour que les enfants intersexe puissent avoir l'opportunité de se faire leur propre idée de leur corps, contrairement au manque d'option et d'information que Hanne et sa famille (et plein d'autres) ont eues à l'époque.

Hanne Gaby Odiele intersexe
Mariage de Hanne Gaby Odiele et John Swiatek - Crédit photo @hannegabysees/Instagram

Et dans l'Hexagone ?

En France, la visibilité des personnes intersexes est encore très marginale, même au sein des associations LGBT. Néanmoins on observe un mouvement d'inclusion de la part des associations représentant les personnes trans, à l'instar de l'Existrans qui partageait sa marche annuelle avec les revendications intersexes en octobre dernier.
En début d'année, Arte consacrait un reportage à cette "communauté invisible qui ne bénéficie d'aucun véritable statut légal, social, voire médical", dénonçant par la même occasion les 2.000 enfants qui, chaque année en France, subissent des chirurgies irréversibles.
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Couverture : Crédit photo onabbotkinney.com