Marche des fiertésTrois activistes LGBT font condamner la Russie pour sa loi anti-"propagande gay"

Par Julie Baret le 21/06/2017
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Grâce à leur acharnement, toute personne visée par cette loi pourra saisir ce jugement de la Cour européenne des droits de l'homme.

Coïncidence. Exactement quatre ans après l'adoption, par la Douma, de la tristement célèbre loi anti-"propagande gay", trois activistes LGBT russes ont gagné une première manche contre l'homophobie d'état de Vladimir Poutine.

Trois défenseurs de la cause gay contre l'homophobie d'état

Nikolay V. Bayev, citoyen russe, avait brandi deux bannières devant un lycée de Riazan, au sud-est de Moscou, en mars 2009 sur lesquelles il avait écrit "L'homosexualité est normale" et la seconde "Je suis fier de mon homosexualité". Il était condamné à une amende pour sa responsabilité administrative dans une "action publique promouvant l'homosexualité auprès des mineurs", interdite dans la région depuis 2008.
En janvier 2011, Aleksey A. Kiselev et Nikolay A. Alekseyev, deux autres militants, tinrent une manifestation devant une bibliothèque pour enfants à Arkhangelsk, ville portuaire du nord du pays. L'argumentaire est similaire : leurs pancartes hurlent la normalité de l'homosexualité, dénoncent le plus haut pourcentage de suicide chez les jeunes détenu par la Russie, et accusent les députés russes d'être des "tueurs d'enfants". Ils sont emmenés au poste et condamnés par la même législation, adoptée dans cette autre région en 2011.
Déboutés en appel, les trois activistes se tournent vers la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie : réponse négative du plus haut pouvoir judiciaire en 2013, sous prétexte que la loi prévenait "une impression déformée d'équivalence sociale entre les relations maritales traditionnelles et non traditionnelles" ainsi que l'orientation des enfants vers l'homosexualité. La même année, la Russie étend sa législation "anti-propagande de relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs", assortie d'amendes et de peines de prison, à l'échelle fédérale.

La CEDH porte le premier coup

Or face à la Cour européenne des droits de l'homme, saisie par la suite, l'affaire Bayev et autres contre la Russie a obtenu gain de cause. La juridiction internationale a conclu que le pays avait porté atteinte aux droits des militants LGBT; c'est la toute première condamnation du genre contre le texte de loi.
À six votes contre un, les juges ont ainsi estimé qu'il y avait eu violation de la liberté d'expression des requérants (article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme) et discrimination (interdite par l'article 14 du même texte), et ont ordonné à la Russie de verser 43.000 € aux trois activistes LGBT au titre d'un dédommagement moral, rapporte l'AFP.
La CEDH ne s'est pas non plus montrée dupe face à "l'imprécision de la terminologie utilisée [dans la loi] et sa portée potentiellement illimitée", facteur "d'abus" et "incompatible avec les notions d'égalité, de pluralisme et de tolérance inhérentes à une société démocratique." Surtout, les magistrats européens ont rappelé que Moscou n'a jamais pu démontrer l'influence du discours LGBT sur l'orientation sexuelle des mineurs...

Et maintenant ?

Bien-sûr, rien ne dit que ce jugement fasse trembler le Kremlin, mais il a le mérite "d'envoyer un message clé aux militants d'autres pays qui se battent contre des propositions législatives restrictives", salue Evelyne Paradis, directrice exécutive d'ILGA-Europe.
Selon l'association, qui s'est exprimée durant l'audience à l'instar du Russian LGBT Network (très actif dans le secours des homosexuels tchétchènes) et de l'organisme Coming Out, le jugement pourra être utilisé par chaque individu accusé des mêmes charges administratives.
 
Couverture : Pride de New York en 2013 - crédit photo Kasya Shahovskaya/Flickr
 

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