"Suit up !" ("enfile un costume !"), répétait l'hétéro-sexiste Barney Stinson dans How I met your mother, en réalité interprété par le double papa par GPA Neil Patrick Harris.
#NotDressingMen
Suitstudio, marque de prêt-à-porter haut de gamme, n'habille que les femmes. Les hommes, dans les publicités de sa collection automne-hiver 2017 qui forment sa première campagne, sont nus et décoratifs. Ils incarnent un idéal masculin inaccessible et asservi à des femmes riches, puissante et altières. Cela ne vous rappelle rien ?
On serait tenté d'y voir là un manifeste, mais la patronne de cette marque néerlandaise ménage ses effets :
Décrire [notre collection] comme renversant les genres donne trop d'importance aux contraintes défectueuses qui ont été imposées aux deux sexes depuis trop longtemps.
Voyons-la donc plutôt comme une démonstration par l'absurde, une occasion rare où ce ne sont pas les femmes qui perdent leurs vêtements et leur visage pour mettre en valeur les hommes.
Oui, mais...
L'entreprise serait toutefois plus louable si sa "grande sœur" américaine, Suitsupply, n'avait pas justement produit en 2016 une énième publicité sexiste, où hommes blancs et souriants reposent allègrement sur des décolletés, des femmes bouches ouvertes et lascives, et bien sûr dénudées. La campagne est classée par Topito parmi les 14 pubs les plus sexistes de l'année, à la place numéro 6.
Toy Boys Campaign 2016 #SUITSUPPLY https://t.co/1x604tweAV pic.twitter.com/3WsMcdlZGo
— SUITSUPPLY (@suitsupply) 25 février 2016
D'autant que chez Suitsupply, on n'habille que monsieur. Plus qu'une opération soit-disant féministe, la campagne de Suitstudio apparaît davantage comme une opération marketing visant à conquérir les deux pans du marché en creusant encore un peu plus la dichotomie homme/femme. D'ailleurs, la patronne de Suitsupply ne le dément pas. Au Huff Post UK elle affirme que "tout dans cette campagne [de Suitstudio] est indépendant et coexiste, l'homme et la femme, Suitsupply et Suitstudio."
À contre-courant de la génération des millenials considérée comme "post-gender" (c'est-à-dire allant au-delà des étiquettes de genre) et des marques qui produisent des collections non-genrées (Levi's et sa collection unisexe, Zara), la campagne de Suitstudio semble plutôt alimenter les dynamiques qu'elle pourrait combattre. Or on ne connaît que trop bien les effets dévastateurs de l'objectivation et de l'unique représentation de corps minces et musclés sur l'ensemble de la société...
En ce sens, plusieurs sites (sexisteoupas.com, jesuisunepubsexiste.tumblr.com) répertorient régulièrement les publicités sexistes qui pullulent sur les panneaux d'affichage, les bannières du web ou les écrans de télé. En mars dernier, le Conseil de Paris imposait d'ailleurs à JC Decaux, unique leader en matière de mobilier urbain d'information, de s'assurer qu'aucune publicité à caractère sexiste ou discriminatoire ne soit affichée dans la ville.
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