Selon les informations de nos confrères du quotidien La Croix, le gouvernement aurait choisi de reporter la révision de la loi de bioéthique. Initialement prévu pour la fin novembre, le projet de loi serait finalement présenté en conseil des ministres en 2019. Une décision inquiétante.
Un report de plusieurs mois. C'est en tout cas ce qu'ont révélé nos confrères du quotidien La Croix, vendredi 9 novembre dernier. Une information confirmée à TÊTU par le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d’information bioéthique à l’Assemblée nationale.
Encombrement législatif
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, en avait pourtant fait la promesse en juillet dernier. « Le projet de loi de révision de la loi de bioéthique sera présenté en conseil des ministres avant la fin de l’année 2018 et débattu au Parlement au début de l’année 2019 », avait-il annoncé le 18 juillet dernier, à l'issue d'un conseil des ministres. Mais son dépôt sera bel et bien reporté au printemps 2019, selon des informations du quotidien La Croix, confirmées à TÊTU par Jean-Louis Touraine, le rapporteur de la mission d'information bioéthique à l'Assemblée nationale. « Le dépôt se fera en janvier, février ou mars 2019, je ne sais pas encore », nous indique-t-il, invoquant l'encombrement législatif comme motif de report.
« Il y a des sujets qui n'ont pas pu être traités juste avant l'été et qui ont été reportés. C'est le cas de la révision constitutionnelle. Cela encombre l'agenda législatif et le gouvernement se doit de tout traiter », explique le député du Rhône à TÊTU.
L'Assemblée nationale devait examiner mi-juillet dernier le projet de réforme constitutionnelle, mais il a été suspendu après un blocage de l'hémicycle survenu suite à l'affaire Benalla. L'examen du texte avait été reporté par le président de la République à janvier 2019, décalant ainsi l'ensemble de l'agenda législatif.
Un changement dans la méthode de travail pourrait aussi être à l'origine de ce report. Une « commission spéciale » devrait être créée, nous informe Jean-Louis Touraine, réunissant députés et sénateurs de tous bords pour « réfléchir à certaines formulations » qui seraient ensuite transmises au gouvernement qui se chargera de rédiger le projet de loi.
Mépris des lesbiennes
Un report qui inquiète les militants, mais aussi les familles concernées par ce texte de loi. Sur Twitter, l'Association des familles homoparentales a interpellé le Premier ministre, Edouard Philippe :
Cher @EPhilippePM Quel est donc le sens de ce décalage sur le calendrier prévu pour la révision des lois de bioéthique ? Est-ce de permettre à l'homophobie de s'exprimer encore plus, de blesser davantage ? #PMAPourToutes https://t.co/IbruS1f0al
— ADFH (@ADFH_asso) November 9, 2018
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Pour Alice Coffin, militante LGBT+ et journaliste, il s'agit d'un énième mépris de la part du gouvernement envers les lesbiennes : « Ce gouvernement, comme les précédents, continue à mépriser, à piétiner les vies des lesbiennes. Le rapport au temps est un révélateur de pouvoir. Pour eux, un peu plus tôt ou tard, cela ne change strictement rien », s'agace-t-elle sur Twitter. Une « reculade » du gouvernement que fustige également l'avocate Caroline Mecary sur le réseau social :
#Viedavocate #PMA encore 1 reculade de ce gvt avec 1 report du calendrier. Voila qui fait le lit des homophobes. Quelle inconséquence. @EPhilippePM https://t.co/kCIqhvaPuJ
— Caroline Mecary (@carolinemecary) November 10, 2018
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L'annonce étonnante d'Agnès Buzyn
De son côté, la ministre de la Santé s'est exprimée, ce dimanche 11 novembre, dans les colonnes du Journal du dimanche (JDD) sur les recommandations de Jean-Louis Touraine, présentées fin novembre. La ministre se dit favorable à la reconnaissance préalable de la filiation des mères d'intention. Une avancée des droits qui permettrait, d'une part, d'éviter à la mère qui n'a pas porté l'enfant de ne pas avoir à l'adopter pour avoir le statut légal de parent. D'autre part, aux couples de femmes qui ne souhaitent pas se marier de pouvoir être légalement reconnus comme parents dès la naissance.
En revanche, la ministre a annoncé vouloir reconnaître la présence d'un tiers donneur dans le cadre d'une procréation médicalement assistée pour un couple de femmes. « Je ne veux pas qu’on nie la présence d’un tiers donneur masculin, ce serait aberrant. Il faut faire apparaître que cette filiation est d’un autre type », indique-t-elle à nos confrères du JDD. Des propos inquiétants, qui résonnent avec ceux tenus un peu plus tôt la semaine dernière, dans une interview donnée à LCP : « La façon dont on va écrire la filiation va bien acter qu’il y a un père. On ne nie pas le père. Le père biologique existe évidemment, et si nous allons vers l’accès aux origines des enfants (…), si c’est voté et si nous allons dans cette direction, ça voudra dire que l’enfant pourra accéder à cette figure paternelle. » Reste à savoir si les conclusions de la mission menée par Jean-Louis Touraine iront ou non dans ce sens.
La ministre est favorable au remboursement de la PMA à tous les couples et se dit favorable à l'ouverte de l'accès aux origines pour les enfants âgés de 18 ans minimum.
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Il y a urgence
Le député et rapporteur de la mission d’information bioéthique à l’Assemblée nationale appelle le gouvernement à agir : « J'ai envoyé le message comme quoi nous sommes prêts. Il faudra aller relativement vite, avoir un résultat positif et que cela se passe en ayant le moins d'hystérie possible. On ne veut pas qu'une minorité d'opposants empêche le progrès indispensable dans notre société et la reconnaissance de valeurs humanistes de non discrimination ».
Et il y a urgence. Pendant ces « quelques mois de report », des familles homoparentales continuent de vivre sans encadrement législatif. Des couples de femmes continuent d'aller à l'étranger pour avoir recours à une procréation médicalement assistée. Le débat se poursuit et, avec lui, la parole portée par les opposants à la PMA continue de se répandre et de faire des dégâts.