La cour suprême du Brésil a décidé jeudi par huit voix contre trois de criminaliser l'homophobie. Une mesure importante pour les personnes LGBT+ du pays.
C'est une décision importante. Le Tribunal fédéral suprême (STF) a provisoirement criminalisé l'homophobie, décrétant qu'elle était équivalente au délit de racisme. Cette décision a été prise à huit voix contre trois dans l'attente que le Congrès - actuellement à majorité conservatrice et sous forte influence des Eglises évangéliques - élabore une loi spécifique pour réprimer ce type de discrimination.
"Tout préjugé est une violence", a déclaré Carmen Luzia, juge au STF, pour expliquer son vote favorable. "Toute discrimination est une cause de souffrance", mais "certains préjugés causent plus de souffrances que d'autres, parce que ce sont des blessures qui frappent la personne dans son foyer, qui séparent les parents des enfants, [qui séparent] les frères, les amis, pour le simple fait de tenter de vivre quelque chose qui se présente comme naturel", a ajouté cette juge.
Augmentation des meurtres et suicides
Selon l'ONG Grupo Gay da Bahia (GGB), qui collecte des statistiques nationales depuis quatre décennies, il y a eu en 2017, au Brésil, 387 meurtres et 58 suicides dûs aux LGBTphobies. Les chiffres donnés par GGB sont de 30% supérieurs à ceux de 2016. Ils impliquent la mort par meurtre ou suicide d'une personne LGBT toutes les 19 heures au Brésil.
Le Tribunal fédéral suprême a estimé que le pouvoir législatif était en défaut pour ne pas avoir adopté jusqu'à présent une loi réprimant les comportements LGBTphobes. Les juges qui ont voté pour la criminalisation de l'homophobie ont estimé qu'en l'absence d'action au Congrès à ce sujet, le STF pouvait se saisir de la question.
Mais les trois juges qui ont voté contre ont assuré que la décision de criminaliser l'homophobie incombait au Congrès et non au au STF. "Seul le Parlement peut approuver [la définition] des délits et des peines, seul le Parlement peut légiférer sur le pénal", a déclaré l'un de ces juges, Ricardo Lewandowski.
Les actes de racisme sont punissables au Brésil de un à trois ans de prison ou d'amendes. En conséquence de la décision du STF, ces peines seront désormais applicables aux actes d'homophobie.
Trouble au Congrès
L'annonce du STF a causé le trouble au Congrès, qui s'est senti dépossédé de ses prérogatives. "La Constitution attribue au Congrès national la capacité de légiférer", a souligné la présidence du Sénat dans un communiqué.
Le Parlement respecte la décision du STF "mais ne peut pas accepter l'interprétation selon laquelle il est en défaut, car il s'oriente en fonction du respect de la démocratie et de la pluralité des opinions", a ajouté la présidence du Sénat.
Les Eglises pentecôtistes, qui comptent de nombreux représentants au Congrès brésilien, ne sont pas favorables à des initiatives comme celle qui a été approuvée jeudi par le STF. Nombre de responsables de ces Eglises craignent que la criminalisation de l'homophobie ne restreigne la liberté d'expression de leurs pasteurs, qui rejettent les unions homosexuelles sur la base de textes religieux.
Depuis l’arrivée au pouvoir du très conservateur Jair Bolsonaro, le Brésil ne cesse de réduire les droits des LGBT+. En janvier dernier, le président à tout simplement retiré les questions LGBT+ du portefeuille de la ministre Alvès. Un mois plus tard il a annoncé vouloir éradiquer tous les contenus ayant traits aux questions liées à la communauté LGBT+ dans les manuels scolaires.
(Avec AFP)
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