justiceEnfants nés par GPA : quand la justice fait le job du législateur 

Par Alexandre Urwicz le 03/12/2019
GPA

TRIBUNE. La Cour d'appel de Rennes vient d'autoriser la transcription totale de l'état civil pour plusieurs enfants nés d'une GPA à l'étranger. Une preuve supplémentaire de l'échec des politiques à protéger les enfants... Par Alexandre Urwicz, président de l'Association des Familles Homoparentales.

Durant le mois de novembre 2019, au moins quatre arrêts ( dont trois obtenus par Caroline Mécary ) rendus par la cour d’appel de Rennes ont permis de protéger des enfants nés par GPA en reconnaissant, en France, l’état civil de leur pays de naissance. Ces enfants seront enfin mentionnés sur le livret de famille de leurs parents, comme tous les autres enfants français. Pour y parvenir, la voie retenue par les magistrats diffère de celle que la Garde des sceaux envisage.

Une démarche humiliante

Lors de l’examen de la révision des lois de bioéthique en première lecture à l’Assemblée Nationale, Nicole Belloubet avait ainsi précisé que « la transcription à l’état civil du père et l’adoption pour le deuxième parent, est une modalité tout à fait possible et conforme à ce qu’a proposé la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière demande simplement que la procédure de filiation soit effective et accomplie avec célérité ». En d’autres termes, la ministre préconise l’adoption par le second parent de l’enfant au lieu de reconnaitre son état civil dressé dans son pays de naissance.

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Cela revient à demander au second parent de renoncer temporairement à sa qualité de parent pour ensuite la retrouver via une procédure d’adoption. Cette démarche est humiliante pour le
parent d’intention, car elle lui dénie cette qualité et l’oblige à adopter son propre enfant pour retrouver son titre. Tout cela est délibéré, politique, et permet au gouvernement de ne pas être désigné comme un facilitateur de GPA, notamment auprès d’une droite conservatrice dont les électeurs sont convoités.

Une stratégie politicienne

Lorsque l’occasion permettant de reconnaître les états civils des enfants nés par GPA s’est présentée à l’Assemblée Nationale à l’occasion du vote de l’amendement porté par le député LREM Jean-Louis Touraine, cet amendement a été adopté, puis écarté à la suite d’un second vote intervenu le 9 octobre dernier et réclamé par le gouvernement, le temps pour lui de rappeler les troupes de la majorité et de les mettre en ordre. A cette occasion, la position exprimée par le député Gilles le Gendre, président de groupe des députés LREM était sans ambiguïté : « En aucun cas – M. Jean-Louis Touraine a eu raison de le spécifier tout à l’heure – son amendement n’ouvre la porte à la légalisation de la GPA en France. Mais dès lors qu’un doute était possible, ou que cet amendement pouvait être exploité par les uns ou les autres pour entretenir un tel doute, nous ne voulions absolument pas le laisser prospérer ».

Voilà la position de la majorité et du gouvernement : écarter la protection d’enfants au profit d’une stratégie politicienne. On aurait pu croire que l’intérêt supérieur des enfants puisse primer. On aurait pu croire que l’engagement d’Emmanuel Macron de reconnaître les états civils de ces enfants trouve enfin une voie de sortie, mais c’est une voie de garage qui a été empruntée. Un enterrement de première classe.

Une application protectrice

Les magistrats n’ont que faire de ces stratégies politiciennes, de ces mains tendues à la droite conservatrice par la majorité et des perspectives électorales. Les arrêts de la cour d’appel de Rennes précisent que l’adoption de l’enfant par le second parent – voie envisagée par la Ministre de la Justice – ne répond pas, dans les affaires qui lui sont soumises, aux impératifs de célérité et d’effectivité formulés par la Cour européenne des droits de l’homme dans son avis rendu le 10 avril 2019. Le 4 octobre dernier, la Cour de Cassation a, au vu de cet avis, fait droit à ces impératifs en ordonnant la transcription des états civils des jumelles Mennesson, en écartant alors la voie de l’adoption par le second parent.

Force est de constater que si cet arrêt de la plus haute juridiction française a été présenté comme un « cas d’espèce », la cour d’appel de Rennes en a fait une application libérale et protectrice des enfants. La procédure d’adoption par le second parent est en effet une procédure compliquée, longue, soumise aux aléas des tribunaux de grande instance dont certains font même de la résistance.

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Les enfants, premières victimes

Par ailleurs, elle est inapplicable pour les femmes célibataires, les veuves, les couples de femmes, les couples séparés où les relations se passent mal, car un consentement à l’adoption signé par le père biologique doit être obligatoirement produit. La circulaire promise par la chancellerie n’y changera rien. C’est en réalité la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation et la cour d’appel de Rennes qui ont été contraintes de se substituer au législateur paralysé en la matière, pour protéger ces enfants de la République.

A l’heure où plus de 2 français sur 3 (sondage IFOP juin 2019) sont favorables à la reconnaissance des états civils étrangers de ces enfants par la France, on s’oriente bien vers une solution rêvée pour le gouvernement : ne jamais avoir à prendre position, quitte à se faire condamner. Le politique n’en sort nullement grandi. Les enfants conçus par GPA en sont les premières victimes.

 

https://tetu.com/2019/06/07/gpa-femme-porteuse-experience-extraordinaire/