Mercredi, le Parlement européen a adopté une résolution visant à condamner les "zones sans LGBT", instaurées dans plus de 80 localités polonaises depuis le début de l'année. Le chef de file de la droite, François-Xavier Bellamy, s'est abstenu... comme une partie de l'extrême-droite.
Mis à jour le 19 décembre 2019 à 17:16, avec la justification de François-Xavier Bellamy, en fin d’article.
Une abstention qui sonne comme un silence coupable. Mercredi 18 décembre, au Parlement européen, le député Les Républicains François-Xavier Bellamy, chef de file de la droite aux élections européennes de mai dernier, s'est abstenu lors d'un vote condamnant les "zones sans LGBT" ("LGBT-free zones" en anglais) qui surgissent depuis quelques mois en Pologne. C'est ce qu'indique, à la page 12, le compte-rendu de la session. Le reste du groupe LR s'est prononcé en faveur de la résolution. 8 députés Rassemblement national ont tout simplement voté contre (dont la tête de liste Jordan Bardella et le transfuge ex-LR Thierry Mariani), et 10 se sont abstenus.
Tous nos eurodéputés RN ont voté CONTRE condamner des 80 zones "LGBT-free" de Pologne ou se sont ABSTENUS
Tous les députés LR ont voté POUR
Un seul LR s'est ABSTENU : @fxbellamy qui ENRAGE chaque fois qu'on ose le sonder sur les "questions de société" qui "ne sont pas le sujet" pic.twitter.com/koSYEP1lV5
— Claire Underwood (@ParisPasRose) December 18, 2019
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80 localités polonaises "sans LGBT"
À Strasbourg, le texte a été approuvé par une large majorité d'eurodéputés : 463 voix pour, 107 contre et 105 abstentions, dont celle de François-Xavier Bellamy. Le texte vise des localités bien précises en Pologne. Comme le rappelle le communiqué de l'Intergroupe LGBTI, rassemblement transpartisan de députés engagés pour le droits LGBT+, depuis le début de l'année, plus de 80 régions comtés et municipalités ont adopté des résolutions se déclarant libres de toute "idéologie LGBT" ou bien des "chartes régionales de droits de la famille", discriminatoires envers les parents seuls et les familles homoparentales. Des services privés peuvent par exemple être refusés à des personnes LGBT+ pour des motifs religieux. Des commerces ont ainsi affiché sur leur façade des autocollants représentant un drapeau arc-en-ciel barré d'une croix noire et indiquant "Strefa wolna od LGBT" ("zone sans LGBT").
Les mesures visées n'ont certes pas de valeur juridique contraignante. Cependant, rappelle la résolution du Parlement européen, elles incitent les élus locaux "à s'abstenir de toute action visant à encourager la tolérance à l'égard des personnes LGBTI et à ne pas fournir d'aide financière aux ONG qui œuvrent en faveur de l'égalité des droits". Les eurodéputés à l'initiative du texte, membres des groupes social-démocrate, conservateur, libéral, écologiste et de gauche radicale, demandent notamment à la Commission européenne de contrôler avec plus de rigueur la destination des fonds émanant de l'Union, pour s'assurer qu'ils ne servent pas à financer de tels dispositifs.
.@TerryReintke holds the map of "LGBTI-free zones" spreading in Poland.
"We cannot tolerate this to go any further. This should be included to the art. 7 procedure against Poland" pic.twitter.com/P4E59A0CNZ
— LGBTI Intergroup (@LGBTIintergroup) November 26, 2019
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Un gouvernement lié à l'Église
L'instauration de ces "zones sans LGBT" intervient dans un contexte de montée de la haine anti-LGBT+ en Pologne, depuis le retour au pouvoir, en 2015, du parti ultraconservateur Droit et justice (PiS), très lié à l'Église catholique. "Ce sont des communes pauvres et parmi les plus conservatrices, explique Marc Peirs, correspondant en Pologne de la chaîne belge flamande VRT. En juillet, il y a eu une grande Gay Pride, qui a été attaquée par un groupe de hooligans. Des dizaines de personnes ont été blessées sous les yeux de la police. C’est comme ça que le gouvernement donne le champ libre à l’extrême droite."
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Mi-novembre déjà, le Parlement européen adoptait à une large majorité une résolution demandant au gouvernement polonais de retirer une loi "criminalisant l'éducation sexuelle". En effet, un projet de loi déposé au Parlement, officiellement sur la pédophilie, vise à sanctionner d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement les enseignants dispensant des cours d'éducation sexuelle. Le texte a été initié par une puissante association anti-avortement, la Fundacja Pro - prawo do życia, persuadée que ces cours d'éducation sexuelle apprenaient la masturbation aux enfants et encourageait la pratique de l'homosexualité...
Crainte du mariage pour tous
Interrogé par nos confrères de Libération, François-Xavier Bellamy explique son abstention par l'ajout au texte initial d'un amendement demandant à ce que "le mariage pour tous soit adopté dans tous les pays européens". Effectivement, dans sa sixième recommandation, la version finale de la résolution "invite les États membres à mettre en place des lois reconnaissant de manière égale le mariage et les partenariats entre personnes de même sexe, afin de garantir le plein respect du droit à la vie privée et familiale sans discrimination".
"À titre personnel, je me suis opposé à cette réforme en France, qui conduisait nécessairement à l’extension de la PMA par exemple, contre laquelle je me suis encore récemment exprimé, ajoute l'eurodéputé auprès de Libération. Par ailleurs, j’ai toujours dit que l’Europe ne devait pas se substituer à la vie démocratique des pays de l’UE pour imposer des réformes sociétales. Il m’était donc impossible de soutenir le texte ainsi modifié, et c’est la raison pour laquelle je me suis abstenu sur le vote final."
Du côté @fxbellamy, on brandit comme raison d'abstention à cette résolution la crainte du mariage pour tous, et on jure ne jamais avoir eu "la moindre ambiguïté concernant la lutte absolument nécessaire contre lâhomophobie."https://t.co/tgqW2mFrqw
— Claire Underwood (@ParisPasRose) December 19, 2019
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Il précise également avoir, lors du débat sur cette résolution, voté en faveur des paragraphes condamnant les "zones sans LGBT". "Il n’y a jamais eu la moindre ambiguïté de ma part concernant la lutte absolument nécessaire contre l’homophobie", affirme-t-il au quotidien.
Crédit photo : François-Régis Salefran / Wikimedia Commons