Au lendemain de l'annonce du gouvernement de Michel Barnier, les associations LGBT+ craignent des reculs sur les droits ou les moyens alloués à la lutte contre les discriminations.
La plupart des militants LGBTQI+ se sont réveillés groggy de ce week-end marqué par la nomination, par le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, d'un gouvernement encore plus marqué par la droite qui a soutenu La Manif pour tous (LMPT) que celui de Gabriel Attal, qui avait pourtant déjà fait fort en la matière. Au premier rang duquel on trouve Bruno Retailleau, sénateur de Vendée devenu ministre de l'Intérieur, qui fut notamment un fervent opposant à la loi Taubira et à l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. "Je savais qu'on aurait un gouvernement de droite, mais à ce point, c'est affligeant", souffle Benoît Berthe, porte-parole du collectif Rien à guérir qui a milité pour l'interdiction des "thérapies" de conversion, votée le 25 janvier 2022 et à laquelle s'étaient opposés plusieurs membres du nouveau gouvernement.
Ce dimanche 22 septembre, au 20h de France 2, Michel Barnier a voulu montrer un visage rassurant, affirmant que les "grandes lois" "de progrès social ou sociétal" seront "préservées". "Je serai un rempart pour qu'on préserve l'ensemble de ces droits acquis pour les hommes et les femmes de France", a promis celui qui avait voté contre la dépénalisation de l'homosexualité en 1981 et contre le pacs en 1999. Mais du côté des associations LGBTQI+, cette déclaration de principe ne rassure guère.
Le sens des priorités
"Michel Barnier nous affirme qu'il conservera nos droits, encore heureux ! On a compris qu'on était entré en période de quasi-austérité : est-ce que les associations seront financées ?" demande Clément Messence, président de Saint-Denis LGBTQI+. Depuis fin juin, la Dilcrah, organe du gouvernement chargé de piloter la lutte contre les LGBTphobies et de subventionner une partie des assos, n'a plus personne à sa tête, Olivier Klein ayant été appelé pour devenir recteur de l'académie de Strasbourg. "Le secrétariat d'État à la lutte contre les discriminations dépend désormais du ministère de l'Intérieur, quand l'Égalité était jusqu'à présent sous la direction du Premier ministre", relève Anaïs Perrin-Prevelle, directrice de l'association OUTrans. C'est donc Bruno Retailleau qui devra nous protéger, lui qui, outre son opposition au mariage et à la PMA pour toustes, a voté contre l'interdiction des "thérapies de conversion" et a limité, plus récemment, la proposition de loi de reconnaissance des condamnées pour homosexualité…
"Une mesure qui aurait pu être mise en œuvre facilement, c'est la simplification des démarches de changement d'état civil pour les personnes transgenres. Comment cette mesure pourrait-elle advenir alors que plusieurs membres du gouvernement ont déjà pris des positions transphobes en votant la proposition de loi de sénateurs LR limitant les transitions de genre des mineurs ?" interroge Julia Torlet, présidente de SOS homophobie. Avec de tels ministres, cette proposition de loi pourrait, elle, trouver sa place à l'agenda parlementaire… La militante est d'autant plus déçue que la simplification du changement d'état civil faisait partie du programme du Nouveau Front populaire, l'union des partis de gauche arrivée en tête à l'issue des élections législatives en juillet.
AME menacée
Avant de céder le ministère de l'Éducation à la macroniste Anne Genetet, la sortante Nicole Belloubet devait signer un décret pour mettre en œuvre de nouveaux programmes d'éducation à la sexualité, enjoignant aux enseignants de respecter les trois séances par niveau prévues dans la loi. "Nous avons cruellement besoin que les élèves reçoivent une éducation à la sexualité, non seulement pour qu'ils apprennent les notions de santé sexuelle, mais aussi de consentement, à prendre de la distance par rapport au porno..." soutient Florence Thune, directrice générale de Sidaction. "À cette heure, nous ne savons pas si le nouveau gouvernement va encourager ou non les interventions que les associations LGBTQI+, dont SOS homophobie, font en milieu scolaire", note Julia Torlet, peu optimiste sur ce point.
Si le nouveau Premier ministre a annoncé vouloir faire de la santé mentale une grande cause de son action, l'aide médicale d'État (AME) pourrait à nouveau être menacée, Michel Barnier ayant reconnu dans son interview à France 2 n'avoir aucun "tabou" en la matière. Or Les Républicains, le parti auquel appartient le Premier ministre, a déjà tenté de supprimer le dispositif qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. "Nous avons dépensé une énergie folle pour leur expliquer en quoi l'AME est une mesure nécessaire pour limiter la propagation du VIH en France et tous nos arguments ont été balayés en un revers de main", regrette Florence Thune.
Au-delà de tous les dossiers, les militants sont découragés. "On passe d’un gouvernement avec des ministres homophobes et transphobes, mais qui faisait du pinkwashing, à un gouvernement avec des homophobes et transphobes, mais qui l’assume", se désole l'Organisation de solidarité trans (OST). "C'est terrible de savoir que Bruno Retailleau, qui s'est opposé avec force contre l'interdiction des 'thérapies' de conversion, et qui avait refusé d'entendre des personnes qui sont passées par là, est désormais une pièce importante du gouvernement", dénonce Benoît Berthe. Anaïs Perin-Prevelle résume le sentiment général : "Le gouvernement cherche à singer le Rassemblement national, pensant reconquérir ses électeurs, mais cela ne fonctionne jamais. En installant les idées d'extrême droite... on installe l'extrême droite au pouvoir." Monsieur Macron avait promis…
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