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rencontreLiam Payne : "Les One Direction se reformeront jeunes, ou pas du tout"

Par ROMAIN BURREL le 10/01/2020
Liam Payne, ex-One Direction

[Rencontre à retrouver dans le numéro 221 de TÊTU] Liam Payne, ancien membre du groupe One Direction, se jette à son tour dans la mêlée en solo avec un premier album aux accents très Timberlake, LP1. Rencontre avec un chanteur pour adolescentes qui veut aussi plaire aux garçons.

Photographies : Luc Coiffait pour TÊTU

Pas facile d'être une popstar aujourd'hui. Pour commencer, il faut chanter à peu près juste, se frayer un chemin à travers les charts, se fader les questions de Nikos Aliagas, nourrir votre Instagram comme la dernière des influenceuses, etc. Bref, c'est une tannée. Prenez Liam Payne. Le chanteur s'apprête à sortir un premier album solo, LP1, trois ans après la séparation (annoncée comme "on fait une pause") des One Direction. Il doit exister de toutes ses forces pour capter un peu de la lumière qui se déverse déjà sur ses ex-complices Harry Styles et Zayn Malik. Dans un studio photo de Kentish Town, au nord de Londres, où on le retrouve, une équipe d'une dizaine de personnes s'affaire à bâtir une popstar à part entière, autonome.

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À vrai dire, on l'avait presque oublié. Bien sûr, il y a eu quelques singles sympathiques avec Zedd, Quavo ou Rita Ora, mais rien n'avait réellement accroché nos oreilles ni les radios. Puis, en juillet, Mert Alas, le photographe des ultra-stars (de Madonna à Kate Moss), publie sur Instagram une photo de Liam Payne assis, de dos, les fesses à l'air. Quelque 140.000 likes plus tard, il récidive en publiant une autre photo du chanteur à poil, les parties intimes à peine cachées derrière un rideau. "C'était pas prévu, assure l'ancien One Direction en riant. On faisait un shooting pour une ligne de sous-vêtements. J'étais particulièrement à l'aise avec Mert et on a fait ces photos. Ça m'a fait rire. Lui et Marcus [l'autre moitié du duo de photographes] sont devenus des amis. Je les adore." On ne gobe qu'à moitié l'histoire de ces clichés pris "par hasard". Surtout à la veille du lancement d'une ligne de sous-vêtements en collaboration avec Hugo Boss et d'un nouvel album.

Liam Payne, ex-One Direction

LP1 est un disque oscillant entre balades pop ("Remember"), RnB lascif ("Heart Meet Break") et tubes mondiaux en puissance ("Hips Don't Lie"). Tandis que Harry Styles croque dans la pomme d'une pop-rock Oasis et que Zayn Malik court après les compositeurs de Rihanna, Liam, lui, a une autre icône en tête : Justin Timberlake. "Il a eu une influence décisive sur moi, confirme le chanteur. Quand j'étais ado, j'ai écouté à n'en plus finir Justified, son premier album. C'est grâce à lui que j'ai compris que, moi aussi, je pouvais chanter en falsetto. J'ai dû chanter "Gone" [tube du boys band N'Sync] des milliers de fois. Je n'ai jamais cessé de l'écouter." Timberlake reste l'exemple à suivre pour qui souhaite s'extraire d'un boys band. Plus encore que George Michael ou Robbie Williams. Remplacez le nipplegate (Timberlake dévoilant en plein concert un sein de Janet Jackson) par un nude négligemment jeté sur Instagram, et la rupture avec Britney par une séparation plus douce avec l'ex-Girls Aloud Cheryl Cole (avec qui Liam Payne a eu un enfant), et la formule du début des années 2000 reste applicable en 2020.

Pour réussir son album, Liam a fait appel aux suspects habituels : de Ryan Tedder (de OneRepublic) à DannyBoyStyles, compositeur pour The Weeknd et Nicki Minaj, en passant par sa majesté Ed Sheeran. "Ed avait déjà écrit quelques chansons pour les One Direction, explique-t-il. C'est probablement le songwriter le plus demandé et le plus important dans le monde aujourd'hui. J'ai toujours pensé qu'il me composait des choses qu'il ne pourrait pas chanter lui-même. Il se sert de moi comme d'un personnage." Voire une version plus sexy de lui ? "Pas nécessairement", répond le chanteur avec un clin d'œil complice.

Fantasmes de fans

La popstar ne néglige pas sa sexyness. Entre deux photos, on le retrouve à faire des pompes en slip sur le sol du studio. Liam a investi sur son physique. Après quelques remarques de fans moquant sa tendance à l'embonpoint, il s'est jeté à corps perdu dans le sport : "C'est vrai que j'étais un peu rondouillard. Sûrement parce que je picolais un peu trop, plaisante-t-il. Le sport m'a apporté un bien-être. Je fais six semaines d'entraînement intensif – surtout lorsque j'ai des séances photos –, puis je laisse mon corps se reposer." Pour aguicher les fans, la recette n'a pas vraiment changé depuis les corps bodybuildés et imberbes des Worlds Apart.

Mais d'où vient notre fixette sur les boys band, de Wham! aux 2Be3, d'Alliage aux One Direction ? Au milieu des adolescentes, cibles naturelles de ces groupes, se trouve un public gay, attiré par une masculinité idéalisée, complice et non menaçante, espérant plus ou moins secrètement que l'un des membres aime aussi les hommes. De George Michael à Lance Bass de N'Sync en passant par Stephen Gately de Boyzone ou Gérald des G-Squad, cette supposition s'est souvent révélée juste. Ce qui est nouveau, c'est qu'une partie de ces adolescentes fantasment aussi sur la possible homosexualité de leurs idoles. Récemment, la série de HBO Euphoria a mis en scène la fan fiction d'une de ses héroïnes : une scène de sexe façon yaoi entre les deux One Direction Harry Styles et Louis Tomlinson. Liam jure ne pas l'avoir vue. "Mais ça devait être quelque chose !" admet-il avant d'éclater de rire.

Pour un ex-membre de boys band comme Liam Payne, accorder aujourd'hui une interview à TÊTU est une façon de soigner son auditoire. Hier, il suffisait de poser nu et de faire des déclarations ambiguës. En 2020, il en faut plus pour avoir les faveurs du public LGBT+. Obtenir notre attention en étant super friendly, c'est une chose. La rechercher en jouant sur notre faible pour les jolis garçons tout en laissant planer des doutes sur sa sexualité, ça s'appelle le "queerbaiting". "Je ne connaissais pas cette expression, avoue le chanteur. Mais évidemment on veut que les garçons chantent autant nos chansons que les filles. Il n'y a pas de public plus fidèle."

Liam Payne, ex-One Direction
Crédit photo : Luc Coiffait

Chez les One Direction, les clins d'œil à la communauté LGBT+ ont commencé dans les concerts du groupe. "Je ne me souviens pas exactement quand les drapeaux arc-en-ciel sont apparus, mais on en a eu assez tôt dans nos tournées", estime le chanteur. Était-ce une démarche consciente ? Voire marketing ? "Pas vraiment, assure-t-il. Je crois que ça venait surtout d'Harry. Ça lui tenait à cœur. Il aimait se balader avec un rainbow flag sur scène. Et ça faisait vraiment plaisir au public, donc j'imagine que c'est grâce à lui si le groupe est apparu plus friendly."

Il y a des artistes que ce fantasme homo embarrasse, que les rumeurs dérangent. Lorsque les allusions sur son orientation sexuelle sont devenues trop insistantes, le chanteur canadien Shawn Mendes (boys band à lui tout seul) a tenu à prouver qu'il n'était pas gay en apparaissant avec une femme à son bras pour faire taire les rumeurs – ce qui ne l'a pas empêché de s'afficher en boxer le paquet en avant dans une campagne de publicité Calvin Klein. 

Alors qu'une vidéo d'une nuit de sexe entre deux garçons – dont l'un lui ressemblait fortement – faisait le tour des réseaux sociaux, Liam Payne a cru bon d'expliquer sur Twitter qu'il était "100 % pas homophobe, mais aussi 100 % pas gay". Appelons ça un faux pas. Conquérir le cœur de ses fans LGBT+ nécessite un savant équilibre d'engagement et de séduction, parfois difficile à trouver. Mais Liam l'assure, cela ne veut pas dire qu'il a un problème avec l'homosexualité. Bien au contraire : "J'ai toujours eu des amis gays, raconte-t-il. Quand j'avais 14 ans, j'avais deux potes gays. On faisait des fêtes de dingue chez eux. J'adorais leur flamboyance et leur sens de la fête."

Si l'ancien One Direction se réinvente, c'est qu'il n'a pas le choix : comment survivre à un succès aussi monstrueux ? à 50 millions d'albums vendus dans le monde ? à des millions de fans qui hurlent chaque soir votre prénom ? Dès leurs débuts en 2010, les One Direction ont vécu une bulle d'hystérie. À tel point que Liam estime que les feux des projecteurs ont bien failli avoir sa peau : "J'étais épuisé. On ne s'arrêtait jamais, se rappelle-t-il. La plupart des artistes prennent une année pour écrire un album. Nous, on avait seulement quelques semaines. Je ne pense pas que j'aurais pu continuer comme ça très longtemps. Quand on a mis le groupe sur pause, j'ai ressenti une immense part de soulagement." Malgré la folie et les ambitions solo, le chanteur assure ne pas avoir perdu le contact avec les autres membres du groupe. "J'étais en train d'échanger des textos avec Louis [Tomlinson] pendant le shooting", pointe-t-il. Faut-il pour autant compter sur une reformation des One Direction ? "Une chose est sûre, je ne veux pas qu'on se réunisse à 50 balais, assène-t-il. Hors de question. Les One Direction se reformeront jeunes, ou on laissera tomber." On saura le lui rappeler.​

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