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billetHarry Styles doit-il un coming out à la communauté LGBTQI+ ?

Par Florian Ques le 29/04/2022
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Cultivant un savant flou artistique autour de sa sexualité, Harry Styles balaie, dans une interview au magazine Better Homes and Gardens, le sujet de son éventuel coming out gay ou bi comme une question "dépassée". Mais l'est-elle vraiment ?

Rarement l'identité sexuelle d'une célébrité aura été autant sujette à débat que celle de Harry Styles. Face au flou qu'alimente, toujours plus ouvertement, le chanteur américain autour de sa sexualité, bon nombre de membres de la communauté LGBTQI+ réclament qu'il apporte un brin de clarification. Harry Styles est-il gay ? bi ? pan ? queer ? ou même, soyons fous, hétéro ? Une question "dépassée", a rétorqué l'intéressé au cours de la seule interview accordée jusqu'ici pour la promotion de son nouvel album, Harry's House, au magazine de décoration Better Homes and Gardens.

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"J'ai toujours été très ouvert là-dessus avec mes potes mais c'est mon expérience personnelle, développe l'ex-leader du groupe One Direction. Ça m'appartient. On doit se diriger vers un monde qui est acceptant de tout le monde et qui est plus ouvert. Tout ça n'a alors pas d'importance, il ne s'agit pas de coller une étiquette sur tout ou de devoir clarifier quels critères on coche." Sur le papier, envisager un tel futur est une idée séduisante. Très, même. Mais notre présent est-il si avancé pour qu'on puisse d'ores et déjà décréter que la visibilité LGBTQI+ peut se passer des étiquettes ? Et qu'un coming out médiatique du calibre de Harry Styles n'aurait pas, justement, un poids considérable pour tendre vers cet avenir idyllique ? La question fait débat.

Deux camps autour de Harry Styles

Sur les réseaux sociaux, les fans du chanteur s'écharpent. D'un côté du ring, d'aucuns affirment que les étiquettes – sexuelles ou de genre – contribuent à diviser les populations. Les envoyer valser s'apparenterait selon eux à une démarche presque politique. Et c'est bien ce que semble avancer Harry Styles dans son interview : refuser de se définir, c'est œuvrer pour un monde plus tolérant où les discriminations fondées sur le genre ou la sexualité tombent avec les étiquettes.

D'un autre côté, beaucoup estiment que ce discours relève de l'utopie. Même en 2022, les LGBTphobies continuent de susciter des drames partout dans le monde. Sans aller très loin de Harry Styles, les projets de loi anti-LGBT à la "Don't Say Gay" pullulent actuellement aux États-Unis.

L'autre argument qui suscite la controverse est celui de l'"expérience personnelle". Si Harry Styles, comme tout un chacun, est libre de se déterminer comme il le souhaite et quand il le souhaite, l'argument de la "vie privée" est aussi utilisé par les conservateurs pour invisibiliser les questions LGBTQI+. Souvenons-nous par exemple de Nicolas Sarkozy qui, revenant en 2016 sur le débat sociétal autour de la légalisation du mariage pour tous, avait lancé cette considération : "Jamais je n’aurais pu imaginer qu’on parle autant de la vie sexuelle dans le débat politique."

De là à conclure que la démarche de Harry Styles participe à l'invisibilisation des personnes queers, comme le font certains de ses détracteurs, il y a toutefois un pas à ne pas franchir. C'est même le contraire : dans son clip pour "Lights Up" paru en 2019, le chanteur se met en scène dans une foule presque orgiaque où des corps masculins et féminins se frottent à lui. L'année suivante, il casse les codes de genre en enfilant une robe pour sa couverture de Vogue. En septembre dernier, il s'empare du drapeau bisexuel, lancé depuis le public, et le brandit en plein concert, geste qu'il a réitéré cette année au festival Coachella. "Si tu es gay, si tu es hétéro, si tu es transgenre. Quoi que tu sois, qui tu aies envie d'être. Je te soutiens. J'aime chacun d'entre vous", a-t-il encore lancé lors d'une prestation live en 2017. Qu'il soit queer ou non, avec des alliés comme Harry Styles, la cause progresse.

Le coming out, étape toujours obligatoire ?

Alors quelle différence ferait un coming out de Harry Styles ? En termes de visibilité, nous l'avons dit, il aurait un impact fort. Si les droits LGBTQI+ progressent dans les sociétés occidentales, ils ne sont pas acquis et surtout, ne suffisent pas à transformer les esprits. Pour lutter contre les LGBTphobies, la communauté a besoin d'avoir des personnalités ouvertement queers qui occupent l'espace public et prennent la parole. Montrer au monde qu'on est là et qu'on compte, voire qu'on pèse dans le cas de stars.

Reste la question du queer-baiting, terme désignant ces situations où des personnes ou œuvres culturelles utilisent des codes identifiés comme queers à des fins de marketing, pour toucher une cible LGBTQI+. Harry Styles n'échappe pas à ce reproche, soulevé par une internaute sur Twitter : "On dirait plus une stratégie marketing qu'autre chose. Il bénéficie de cette ambiguïté sexuelle. S'il fait son coming out gay ou bi, il suscitera moins d'intérêt car il n'y a rien de novateur chez une personne queer qui porte une robe ou se vernit les ongles." Où l'on revient au dilemme entre utopie et réalité : est-il vraiment si normalisé en 2022, dans nos sociétés et dans toutes les strates de celles-ci, qu'un garçon se peigne les ongles et porte une robe ?

Et si, finalement, les pressions de fans LGBTQI+ pour que Harry Styles fasse son coming out ne venaient pas d'un sentiment de trahison ? "Des personnes queers se font tuer chaque jour pour le simple fait d'être elles-mêmes. S'il ne comprend pas le besoin de visibilité, c'est tout simplement qu'il n'est pas queer", assène ainsi un twitto. Remarque légitime mais qui oblitère un principe devenu sacro-saint dans la communauté après les outing forcés de plusieurs stars – une violence dont a encore été victime récemment le rappeur Isaiah Rashad : nul·le, quel que soit son statut dans la société, ne peut être forcé·e à faire son coming out et chacun·e fait son chemin à son rythme. Rendre responsables, même indirectement, des personnes LGBTQI+ des LGBTphobies revient à une inversion des responsabilités vertigineuse.

Alors non, Harry Styles, ni plus ni moins que quiconque, ne doit de coming out à personne. En se positionnant comme il le fait, il dit cela à la jeunesse LGBTQI+ : soyez libres à votre manière. Mais oui, la communauté a aussi besoin de visages et de voix fortes, fières et assumées, comme Lil Nas X ou Hoshi, Angèle ou Bilal Hassani. Peut-être que, sans être arrivées à éradiquer les LGBTphobies, nos sociétés ont tout de même atteint ce point où il y a de la place pour tout le monde ? Pour les déclarations en grande pompe comme pour les combats discrets, pour les queer queen assumées... et pour Harry Styles.

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Crédit photo : Harry Styles via Instagram