Un juge libanais a refusé d'engager des poursuites contre un militaire accusé "d'activité homosexuelle" et estimé que l'article du code pénal condamnant l'homosexualité était "d'un autre temps".
Un allié courageux. Le juge militaire Peter Germanos a refusé pour la seconde fois d'engager des poursuites contre un officier de l'armée pour "activité homosexuelle", alors que le ministre de la Défense le lui avait demandé. Une source judiciaire a révélé au Daily Star que le ministre de la Défense Elias Bou Saab avait "explicitement demandé" au juge Peter Germanos de porter plainte pour "acte criminel d'homosexualité", en vertu de l'article 534 du code pénal. L'armée avait ouvert une enquête sur l'officier après avoir découvert qu'il était en contact avec quatre autres soldats sur l'application de rencontre Grindr.
Mais Germanos en a décidé autrement, et a classé le dossier, en expliquant que le sergent accusé s'était engagé dans une activité de même sexe consentie, et qu'elle n'était de fait pas hors la loi. "Si l'activité sexuelle n'est pas consentie, on portera systématiquement plainte, que l'activité soit hétérosexuelle ou homosexuelle" aurait déclaré le juge. "La mentalité au Liban est toujours contre l'homosexualité" aurait déclaré le juge Germanos, "et l'opinion publique est souvent en faveur de la criminalisation."
Une "loi d'un autre temps"
Le ministre de la Défense a démenti avoir fait pression pour engager des poursuites contre l'officier, expliquant avoir simplement fait suivre une requête du chef des armées "en accord avec les procédures militaires." Il dit également soutenir les droits des personnes homosexuelles et le mariage civil pour les couples de même sexe, et affirme même avoir fait pression pour réformer cette "loi d'un autre temps".
Pour Germanos, cet incident prouve une nouvelle fois la nécessité d'abolir l'article 534, qui établit que "tout acte sexuel contre-nature est punissable d'un an de prison". Selon le procureur, cet article n'est pas clair sur ce qui constitue une telle activité. Comme beaucoup d'autres lois condamnant les actes homosexuels dans les pays d'Afrique par exemple, elle est issue de l'ingérence européenne. En effet, elle est héritée de l'époque où la France avait un mandat sur le pays du Moyen-Orient, entre 1920 et 1943. C'est évidemment une loi fortement combattue par les associations LGBT et les activistes des droits de l'Homme.
La justice contre l'article 534
En avril 2019 déjà, Germanos établissait un précédent en décidant de ne pas poursuivre quatre militaires accusés de relations homosexuelles. Les personnes LGBT au Liban devront toutefois se passer de cet allié de poids, puisque ce dernier a démissionné le 7 février dernier, pour des "raisons familiales". Il était par ailleurs visé par une enquête pour corruption.
La communauté LGBT au Liban a constaté une très relative amélioration de sa situation durant les dix dernières années. Plusieurs décisions de justice, en refusant de faire appliquer l’article 534 du Code pénal, ont ouvert la voie à une dépénalisation de l'homosexualité. Mais la police libanaise mène régulièrement des descentes dans les boîtes de nuit et autres lieux fréquentés par les LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels).
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