D'après un tabloïd britannique, des milliers d'Iraniens homosexuels seraient obligés par le régime à suivre des chirurgies de réassignation sexuelle, dans un pays qui criminalise l'homosexualité mais pas la transidentité. Une situation qui inquiète fortement Amnesty International.
C'est une information présentée comme "exclusive". D'après le tabloïd britannique The Sun, l'Iran forcerait des milliers de personnes homosexuelles à suivre des opérations normalement réservées aux personnes transgenres pour "nettoyer" le pays de l'homosexualité. L'activiste LGBT+ iranienne Shadi Amin, exilée en Allemagne et coprésidente de la branche asiatique d'ILGA (Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes), a expliqué au Sun que, dans le régime des mollahs, l'homosexualité était vue comme une "maladie" : "Le gouvernement pense que si vous êtes gay, votre âme est celle d'une femme et vous devez changer de corps. [...] Le régime donne aux homosexuels deux choix : être arrêté en tant qu'homosexuel et être même puni par exécution, ou bien changer de corps. Ils essaient de nettoyer le pays des homosexuels."
En Iran, en effet, l'homosexualité est criminalisée mais la transidentité est légale depuis 1987. Le pays s'est même spécialisé dans les chirurgies de réassignation sexuelle, puisqu'il est le pays qui pratique le plus ce type d'opérations, derrière la Thaïlande. D'après le quotidien, 4.000 opérations seraient effectuées chaque année en Iran, financées pour la plupart par les autorités. Un chiffre sous-estimé d'après Shadi Amin. Elle dit avoir eu d'un médecin iranien l'information selon laquelle, rien que dans sa clinique, entre 30 et 40 chirurgies de réassignation sexuelle auraient lieu chaque mois. "Cela montre que c'est un fonds de commerce énorme pour certains médecins, alors que beaucoup d'entre eux ne sont même pas des spécialistes des personnes trans - beaucoup sont des chirurgiens esthétiques."
Le site Internet Iranian Surgery fait ainsi la promotion de diverses opérations de réassignation sexuelle, invitant les étrangers à se rendre dans les cliniques iraniennes. "Ce paradoxe de la société iranienne fait que c'est un des seuls pays dans cette région qui prévoit une procédure encadrée pour le changement sexe, souligne Sébastien Tüller, responsable de la commission orientation sexuelle et identité de genre à Amnesty International France. Il y a des personnes au Moyen-Orient qui vont en Iran pour accéder à ces procédures."
"Ils savent que le monde les regarde"
En réalité, plusieurs reportages avaient déjà montré que des homosexuels iraniens devaient recourir au changement de sexe pour éviter la peine de mort - punition maximale pour homosexualité inscrite dans le code pénal de la République islamique depuis 1991. La chaîne Euronews diffusait ainsi en 2015 un reportage intitulé "Iran : les homosexuels changent de sexe pour vivre dans la légalité". Le site britannique Middle East Eye écrivait en 2016 dans un article : "Si les homosexuels vivent dans le secret en Iran, comme on peut le comprendre aisément, beaucoup d’entre eux décident toutefois de passer à travers le processus de sélection pour recevoir une certification transsexuelle et ainsi satisfaire leurs parents ou disposer de documents officiels à montrer à la police. Obtenir une certification n’est pas difficile dans la mesure où les mêmes questions sont souvent répétées et où les réponses attendues se fondent amplement sur les stéréotypes liés au genre."
À LIRE AUSSI : Suède : cet adolescent iranien et homosexuel risque la mort s’il est renvoyé en Iran
Pour Sébastien Tüller, la nouveauté des révélations du Sun réside dans le passage d'un phénomène sociétal à un système organisé : "Ce paradoxe était déjà connu. Depuis 2012, on connaissait la pression sociale qui s'imposait aux personnes perçues comme homosexuelles pour qu'elles changent de sexe. Mais on n'avait pas pas les révélations sur les chiffres, ou une stratégie mise en place par l'État qui rappelle un peu la Tchétchénie." Le militant reste toutefois prudent : ces informations restent à vérifier et il est "trop tôt" pour les confirmer. Il a d'ailleurs envoyé une demande au chercheur d'Amnesty International en Iran pour procéder à des vérifications. En attendant, son organisation "s'inquiète fortement et demande aux autorités de faire la lumière sur ces violations horribles des droits humains". D'après Shadi Amin, interrogée par The Sun, cette stratégie du régime des mollahs viserait en quelque sorte à lisser l'image du pays concernant les droits LGBT+ : "Ils préfèrent effectuer des chirurgies de masse que des exécutions parce qu'ils savent que le monde les regarde."
Crédit photo : Elvert Barnes / Flickr