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municipalesDelphine Bonamy, candidate à Nantes : "Être out en politique, c'est une façon de lutter pour nos droits"

Par Élie Hervé le 13/03/2020
Municipales

[Candidat… et LGBT+ ! 4/4]  À Nantes, une maman lesbienne et mariée est en troisième position de  la liste EELV aux municipales. Elle s'appelle Delphine Bonamy, et elle entend bien visibiliser les personnes LGBT, et particulièrement les lesbiennes. 

Sur la liste des municipales de EELV à Nantes, Delphine Bonamy, 41 ans, arrive en troisième position. Lesbienne affirmée, mariée et maman d’une petite fille de trois ans et demi, cette femme politique se lance dans la bataille pour un siège à la mairie. Ce qu’elle souhaite avant toute chose, c’est mettre un terme aux discriminations. S’engager au niveau de l'éducation, faciliter l’accès à la santé pour les personnes trans et les lesbiennes, former les agents municipaux pour mieux accueillir celles et ceux qui souhaitent changer le genre inscrit que la carte d’identité ou encore faciliter les démarches en cas d’adoption.


Un engagement visé au corps qui prend racine dans son histoire personnelle. Tout est parti d’une envie banale, celle de vouloir fonder une famille. “J'aurai adoré avoir le parcours PMA classique d’une hétéro cisgenre”. Mais étant lesbienne, impossible pour elle d’envisager d’avoir un enfant grâce à la médecine française. C’est d’abord sa femme qui a suivi un parcours PMA à l’étranger. Sans succès. Côté français, Delphine Bonamy tente alors de trouver une gynécologue qui accepterait de suivre son projet de grossesse. “Parce que oui, ça aussi, c’est fou, mais ma gynéco de l’époque a refusé de m’accompagner là-dedans”. 

PMA au Danemark 

Direction le Danemark. Un des pays européens où le don de gamètes est semi-anonyme. “Cela signifie que si notre fille veut savoir qui est son géniteur, quand elle aura 18 ans, elle pourra entreprendre la démarche”. Entre-temps, Delphine découvre qu’elle a des problèmes de fertilité. Là encore, elle doit se confronter à une nouvelle discrimination. “Ce n’était pas possible d’être accompagnée en France à ce sujet non plus”. Après sept tentatives, elle tombe finalement enceinte, au Danemark donc. “Le coût a été très élevé et nous, oui, on s’est débrouillée pour se le permettre. Mais clairement, ce n’est pas à la portée de toutes les bourses”. En parallèle, elle continue son travail d’indépendante comme vidéaste, mais aussi comme urbaniste. 

Une fois leur enfant née, un autre combat commence. Celui de l’adoption. “Cela a été une période très difficile, raconte Delphine Bonamy. Nous avons dû répondre à une enquête de police. Ma femme a été convoquée au commissariat pour parler de ses habitudes de vie avec moi. Ils ont étudié son casier judiciaire, vérifié si elle n’était pas violente”. Une hérésie pour ce couple qui ne comprend pas cette suspicion envers les lesbiennes. “Avec la loi de bioéthique en discussion actuellement, les couples hétéro et lesbiens ne seront toujours pas égaux. Un jour, j’aimerais vraiment que l’on devienne banales. Que plus personne ne nous regarde différemment dans les institutions étatiques comme dans la rue”. En attendant, leur fille grandit sans difficulté ni discrimination.

Réflexion sur le genre

En 2019, cette sympathisante écologiste s’engage en politique aux côtés d’Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV) “On s’est battue pour notre projet de vie. Et aujourd'hui, j’ai vraiment envie de m'engager pour que cela n’arrive plus aux générations futures”. Pour ce faire, sa liste propose de mettre en place une ou un adjoint.e qui sera en charge de l’égalité. Comment redéfinir l’espace public pour qu’il soit plus inclusif pour les femmes comme pour les minorités ? Comment former les agents municipaux pour qu’ils écoutent les victimes ? Comment éviter les agressions sexistes et sexuelles à l’encontre des femmes et des personnes LGBT+ ? “On veut lancer une réflexion sur le genre, les minorités et l’occupation de l’espace”

Pour éviter les agressions, par exemple, son parti propose “plus de présence humaine dans la ville”. Des médiateurs qui seraient là pour dissuader les agresseurs et agir en cas de problème. Cela passe aussi par un questionnement sur l’éclairage public ou encore une réflexion sur la mise en place des pédibus la nuit. “On réfléchit sur une autre manière de faire la ville. Une façon de rendre Nantes plus inclusive et plus respirable”.

"Out dans l'espace public"

Depuis son engagement politique, elle raconte ne pas subir de discriminations liées à son genre ou sa sexualité. “EELV a toujours été plutôt en avance sur ces questions, donc je pense que j’en suis un peu protégée, par rapport au monde de l’entreprise”.  Le seul moment où elle a senti une animosité envers elle, c’est lors d’un débat aux municipales, qui s’est tenu fin février. Là, sur une estrade de la Manufacture des tabacs, cinq des candidates à la mairie de Nantes ont échangé sur leur vision et leurs objectifs pour atteindre l'égalité femme-homme. C’est aussi, face à cette salle comble que Laurence Garnier (LR), est revenue sur la loi bioéthique, et s’est exprimée sur la PMA en reprenant les arguments développés par la Manif pour tous lors de leur audition au Sénat. “C’est très dur pour les enfants de ne pas connaître leurs origines”, lâche la candidate LR. Une petite phrase acide que Delphine Bonamy va recevoir comme une attaque personnelle. “Je lui ai répondu depuis la salle, et oui ça a été violent pour moi”.

Pour autant, cela n’a pas empêché l’écologiste de se présenter comme une femme politique en couple avec une femme. Si le terme “lesbienne” n’apparaît pas sur son profil de candidate, elle y raconte être en couple avec une femme et avoir une fille. “Nous sommes trop invisibles aujourd’hui. La lutte pour nos droits passe aussi par être out dans l’espace public et en politique. Il est nécessaire que des personnes se mettent sur le devant de la scène pour que peu à peu, nous devenions banales, normales et acceptées et que ce ne soit plus un enjeu. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas le cas.”

Alors, en attendant les résultats de dimanche, elle fait les marchés, milite, va chercher sa fille à l’école et partage les tâches domestiques avec sa femme. En somme, une vie tout ce qui est de plus classique pour une politique. 

 

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