[Candidat... et LGBT+ ! 3/4] Ex-championne olympique de canoë, Sandra Forgues, 50 ans, a rejoint la liste d'union de la gauche de Nadia Pellefigue à Toulouse. Chargée du projet sur le sport, elle entend aussi faire porter une voix LGBT+ et rendre visible la transidentité en politique.
Si les candidats homosexuels sont de plus en plus nombreux à s'afficher en politique, les personnes transgenres restent, elles, extrêmement rares. Sandra Forgues, 50 ans, en a conscience. "Il est important qu’il en soit de même pour la transidentité, explique-t-elle à TÊTU. On est des gens complètement normaux, compétents. La transidentité n’altère en rien nos capacités à diriger, à gérer, nos compétences techniques et sociales."
L'ex-championne olympique de canoë biplace a été approchée fin 2019 par Nadia Pellefigue, vice-présidente PS de la région Occitanie, pour figurer en cinquième position sur sa liste pour l'élection municipale à Toulouse. La rencontre s'est faite au Sportup Summit, le rendez-vous régional de l'innovation sportive. "J’ai eu cette chance inouïe, se réjouit Sandra Forgues avec son accent chantant. Nadia est venue me chercher, elle a fait complètement fi de ma transidentité, elle a voulu une personne compétente en sport."
"Quand on est sportif, on n'a pas peur de perdre"
La liste "Une nouvelle énergie pour Toulouse", soutenue par le Parti socialiste, le Parti radical de gauche, le Parti communiste français et le think tank de Pellefigue Une nouvelle énergie (UNE) était donnée en troisième position dans un sondage récent, à 14 %, loin derrière la liste LR-LREM du maire sortant Jean-Luc Moudenc (41 %) et la liste EELV-LFI d'Antoine Maurice (25 %).
"Quand on est sportif, on n'a pas peur de perdre si on veut gagner", ironise Sandra Forgues. Elle qui n'a jamais fait de politique a été séduite par l'approche "pragmatique" sans être "utopique" de Nadia Pellefigue, notamment dans son domaine de prédilection où elle veut "relocaliser les initiatives et l'économie du sport".
"J'ai cru que j'avais une déviance"
Arrivée à Toulouse pour ses études à l'âge de 18 ans, Sandra Forgues a grandi dans la petite commune de Gerde, à côté de Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Son père est professeur de mathématiques, sa mère d'EPS. Dès l'âge de 5 ans, elle monte sur un canoë et n'en redescendra jamais vraiment. C'est à peu près à la même période qu'elle prend conscience de sa différence, sans encore y mettre les mots.
"Transgenre, le terme n’existait pas dans les années 1980, on n'en parlait pas du tout, se souvient-elle. Vers 6 ou 7 ans, j'ai pris conscience que j’étais attirée par tout ce qui était féminin. J’ai cru que j’avais une déviance, quelques chose qui n'était pas normal chez moi et qu’il fallait que je cache. J’ai essayé de me persuader que ça allait me passer. Je repoussais à l’année d’après le moment où j’allais arrêter de mettre des robes et des jupes en cachette."
Transition en 2016
De ses 15 à ses 30 ans, elle est kayakiste de haut niveau, décrochant même une médaille d'or aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996. Tout en étant perçue socialement comme un homme. Ce n'est que fin 2016 qu'elle commence sa transition de genre et fait son coming out à ses parents. "Je leur ai dit très rapidement, leur première réaction a été de l'inquiétude pour moi. Il a fallu qu’ils voient que ça ne changeait rien, que je n’allais pas me désocialiser, sombrer, pour qu’ils fassent un cheminement d’acceptation. Maintenant, on est tous très soudés, la vie est repartie de plus belle."
Aujourd'hui, elle est depuis dix ans présidente du conseil d'administration du centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) de Toulouse. Elle continue le canoë "pour le plaisir", et est en train de se sélectionner pour les championnats de France avec son équipier... en biplace mixte. Elle constate avec joie l'acceptation grandissante de la transidentité dans la société. "Je suis très optimiste. Pour les générations qui vont suivre, ce n’est même plus un sujet."
"La majorité ne montre pas de politique volontariste"
Son père, ancien responsable de la section PS dans son département, l'avait "dégoûtée" de la politique, constatant que les projets s'effaçaient bien souvent derrière les querelles d'ego. Sandra Forgues, elle, n'est adhérente d'aucun parti. "Je ne pensais pas du tout m’engager en politique, affirme-t-elle. C'est la sollicitation de Nadia Pellefigue, que je connaissais bien, qui m’a convaincue de l’accompagner avec mon expertise sport. Ça fait 40 ans que je baigne dans le sport, j'ai des compétences."
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Si elle a initialement fait son arrivée sur la liste pour construire les projets sur le sport, elle a depuis rejoint le volet LGBT+ du programme, "parce que j'ai quand même mon mot à dire, et mon expérience". Dans ce domaine, tout reste à faire. Le maire sortant, Jean-Luc Moudenc, était très présent lors des manifestations contre l'ouverture du mariage aux couples de même en 2012 et 2013. "Je ne veux pas dire que la majorité est contre le monde LGBT, tempère Sandra Forgues. Mais ils ne montrent pas non plus de politique volontariste pour que les incivilités cessent."
Alors, la liste "Une nouvelle énergie pour Toulouse" travaille à des propositions concrètes pour remédier à la situation. La kayakiste évoque par exemple l'idée que la Ville puisse se porter partie civile en cas d'agression LGBTphobe, ou encore la création d'une "maison d'accueil" qui puisse abriter les associations et prendre le relais du Refuge, par exemple, pour "réinsérer" les jeunes LGBT+ une fois qu'ils sont sortis de l'isolement.
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