Pointant notamment les difficultés auxquelles sont confrontés les maires, en particulier ruraux, ainsi que la violence de l'exposition politique aggravée par les réseaux sociaux, Marie Cau, première maire ouvertement trans, a annoncé quitter sa fonction d'édile de Tilloy-lez-Marchiennes, un village du département du Nord.
"Malgré un bilan dont je suis fière, j’ai pris la décision d'écourter mon mandat et de ne pas me représenter en 2026." Par un long post publié sur X (Twitter) ce mardi 14 janvier, Marie Cau, devenue en 2020 la première maire ouvertement transgenre de France, a démissionné de son mandat d'édile du village de Tilloy-lez-Marchiennes (Nord). Cette ingénieure de 59 ans avait été élue en 2020 à la tête d'une liste se revendiquant apolitique.
Malgré un bilan dont je suis fière, j’ai pris la décision d'écourter son mandat et de ne pas me représenter en 2026.
Cette décision repose sur sept causes principales, qui sont malheureusement partagées par de nombreux maires de villages ruraux et dont la situation n’est pas…
— Cau Marie (@Cau_Marie_) January 14, 2025
Cette démission est officielle depuis mardi, l'élue ayant, avec "un grand soulagement", signé le document notifiant au préfet sa décision, a-t-elle précisé à l'agence France-Presse (AFP), expliquant que sa décision vise à provoquer une "réaction politique" pour davantage soutenir les maires ruraux. Dans son message d'explication, elle donne "sept causes principales" à sa démission, notamment "la précarité du statut de maire" malgré une "charge de travail importante 24/7", ainsi qu'une "exposition croissante aux incivilités et violences verbales" : "Les menaces, diffamations, et les harcèlements sont constants. Ils sont aggravés par l’impunité des réseaux sociaux."
Le mal-être des maires de France
"La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est que j'ai déposé une troisième plainte qui n'a pas du tout été suivie d'effets", explique-t-elle à l'AFP. Au lieu de l'aider, estime-t-elle, les plaintes qu'elle a déposées pour diffamation et menaces verbales "aggravent le problème, elles excitent les gens et, puisqu'elles ne sont pas traitées, leur donnent un sentiment d'impunité". À ses yeux, la vie de maire se fait "aux dépens de sa santé, de sa vie professionnelle et personnelle" et "tous les maires ruraux s'en plaignent", déplore-t-elle, craignant une épidémie de renoncements aux prochaines élections municipales prévues pour 2026.
De fait, selon une étude de l'Association des maires de France (AMF) parue en novembre, 83% des maires estiment que leur mandat est "usant" pour la santé, et 86% souffrent ou ont souffert de troubles du sommeil. Le Centre de recherches politiques de Sciences po (Cevipof) a recensé 450 démissions par an sur la période 2020-2023, contre 350 durant la mandature précédente.
Dans une lettre distribuée aux habitants de Tilloy-les-Marchiennes, Marie Cau a aussi évoqué d'autres raisons à son départ, dont la nomination à des postes ministériels de "personnalités ouvertement transphobes" et la réforme des retraites, qui la contraint à envisager un autre emploi pour assurer sa "sécurité financière". Elle a aussi invoqué un "climat particulièrement toxique" au sein du conseil municipal de sa commune. Mme Cau a par ailleurs accusé la loi Zéro artificialisation nette (ZAN) d'être "mal adaptée aux communes rurales", et de se retourner contre les maires, "vus comme responsables de décisions gouvernementales".
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Crédit photo : François Lo Presti / AFP