Marche des fiertés"Moi, je suis fière toute l'année" : dans les coulisses du film TÊTU

Par Élie Hervé le 20/06/2020
TÊTU

Pour le Mois des Fiertés, TÊTU a voulu mettre en avant des personnalités out et fièr.e.s de l'être. Le résultat : un film inspirant, dont on vous raconte les coulisses...

Dans l'intimité d'une loge, le temps du maquillage, les artistes et maquilleuses parlent Covid, annulation des concerts, et accès à la culture. "Les deux derniers mois ont été dingues. Dire que l'on ne peut plus sortir de chez moi, c'était très violent", raconte Mehdi Kerkouche, chorégraphe, comédien et danseur, dont les lives insta ont animé notre confinement. D’une voix douce et rieuse, il décrit son angoisse de ces derniers mois et le difficile retour à une vie normale. Les discussions s'animent et peu à peu les doutes laissent place à des échanges autour des envies de voyages et du désir de s'évader. Loin. 

"Allons-y les amis" lance un des membres de l'équipe du tournage. Sur le toit de la Philharmonie de Paris, la petite bande va enregistrer le clip de TÊTU pour le mois des Fiertés. Au total, plus de six heures de tournage vont être nécessaire pour cette vidéo d’une minute trente. Accompagnés d’un soleil de plomb, les artistes vont se succéder toute la journée. Enchaîner les pas de danse et se retrouver face à un miroir. Être fier.e d'être soi. De ne pas se cacher. Et porter haut les couleurs LGBT+. Le premier à se lancer est le danseur étoile de l’Opéra de Paris, Germain Louvet. 

"Faire bouger les lignes"

Sous le ciel bleu du début de journée, le danseur de 27 ans commence à s'échauffer, s'étirer avant d'enchaîner les premiers pas de danse sous l'œil attentif de la caméra. Pour accompagner ses mouvements, il a choisi une chanson de Nina Simone. "Ça va, j'ai bien marché ?", demande-t-il dans un rire. Avant de reprendre plus sérieux avec une nouvelle prise, face à un miroir cette fois-ci. Dans un souffle, il raconte être là pour "faire bouger les lignes. Être fier, ça permet de faire bouger les lignes auprès de mon entourage, mais aussi auprès du grand public. Tu peux changer la vie des gens en parlant, alors autant le faire". Une bouteille d'eau sous le bras, et le voilà dans l'ascenseur pour la seconde partie de la vidéo. L’enregistrement de la voix off. 

À sa place, sur ce toît qui domine Paris, Océane Belle alias Sônge enchaîne déjà les pas. "Je suis trop contente de faire ça", lâche cette musicienne, productrice et chanteuse dans un souffle. "C'est notre fête à nous tous.tes les LGBT+ ! Moi perso, je m'engage dans ce qui me semble juste. Et là, c’est juste parfait". Dans un rythme plus soutenu, elle va jouer avec la caméra, soutenir son regard et rire. La journée avance, et la nouvelle d'une Pride en novembre à Paris tombe. "Bon, on défilera en doudoune, mais on défilera quand même", souligne Sônge. C'est parfait, j'ai une doudoune Rainbow !" Au loin, la Tour Eiffel et le Sacré Cœur de Montmartre se dessinent entre les immeubles parisiens. 

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"Aujourd'hui, je suis fière toute l'année"

Pendant que les artistes se déhanchent face caméra, hors champ, Mehdi se déchaîne. À ses côtés, l’équipe s’amuse avec la musique et tente de transformer ce toit-terrasse en dancefloor le temps des prises. Puis, la musique se coupe, et les applaudissements résonnent. “On va la refaire avec un autre angle, mais c’était parfait !” Sur ce toit, c’est désormais l’actrice et réalisatrice Marion Seclin qui danse face caméra. “C’est important de montrer des visages de personnes qui s’acceptent”, explique cette dernière. “Moi, j’ai passé beaucoup de temps à me détester. J’étais toujours trop ou pas assez ceci ou cela. Mais je ne rentrais dans aucune case. Je me détestais vraiment. Réussir à se détacher du regard de la société pour vivre, c’est très important. Aujourd’hui, je suis fière toute l’année.

La matinée s’efface, le ciel se couvre. Déjà trois heures de tournage et autant à venir cet après-midi. Le temps d’une pause repas et voici la chanteuse Suzane et le Youtubeur Johann, alias Sparkdise qui arrivent. Derrière la caméra Mehdi guide les pas de Johann pendant que Suzane s’étire. “Ils m’ont demandé d’être là pour les aider si besoin avec la chorégraphie, explique Mehdi. Mais en vrai, on leur a dit danser comme vous kiffer, et comme ils kiffent bien, ben, ils n’ont pas vraiment besoin de moi”, ajoute-t-il dans un éclat de rire. En plus de son rôle de chorégraphe en coulisse de la vidéo, Mehdi fait partie des artistes qui vont passer devant la caméra. “Moi, j’ai fait mon coming-out publiquement”, explique Johann. “Et c’était important pour moi d’être présent aujourd’hui pour dire que oui, c’est ok d’être qui je suis. Et si ça peut en inspirer d’autre, j’aurai réussi quelque chose !”

"Un film joyeux"

C’est au tour de la chanteuse Suzane d’envahir l’espace. Sur un rythme, électro, les mouvements s’enchaînent. La caméra attrape ses gestes. D’abord de face, puis de côté avant carrément de changer d’angle. Le caméraman s’amuse à alterner des plans fixes serrés et à des mouvements de caméra plus saccadés. Derrière lui, sur un écran de contrôle, l’équipe se serre pour observer ses mouvements de jambes. À chaque geste technique des “whoua”, “oh”, “trop beau” se font entendre. “C’est typiquement ce que je défends, raconte Suzane légèrement essoufflée par sa performance, on m’a dit que c’était un film joyeux qui envoie de l’amour, donc oui je suis là. C’est tout simple”. 

La cinquième heure de tournage s’achève sous un ciel qui devient de plus en plus menaçant. Pour refermer cette journée, c’est au tour de Mehdi de danser avec la caméra. L’équipe descend du toit pour rejoindre les marches devant la Philharmonie. La musique rythmée et le matériel de tournage attirent les regards des passants. Téléphone à la main, ils ne loupent pas un instant de cette danse millimétrée. Les marches étroites deviennent une piste de danse escarpée. Aux pieds de l’escalier, l’équipe retient son souffle et redoute une chute. La musique s’arrête. “C’était parfait bravo !”. Les applaudissements résonnent. La fatigue commence à se faire sentir. L’enceinte dans une main, la caméra dans l’autre tous remontent les marches grises de la Philharmonie. La tête haute, évidemment.