Russie : un jeune gay témoigne de l'enfer que lui fait vivre sa mère

Par Nicolas Scheffer le 12/08/2020
Russie

Un jeune garçon témoigne avoir été drogué et enfermé dans un asile psychiatrique. Sa mère voulait le rendre "normal" après avoir découvert son homosexualité.

L'homophobie en Russie est une calamité dont la médecine et la police se font le bras droit. Egor Panin a été outé par sa mère alors qu'il n'avait que 17 ans, elle a fouillé ses conversations sur le réseau social VKontakte, l'équivalent russe de Facebook. Rapidement après, il a été battu, puis s'est fait prescrire des "médicaments" et des injections pour le rendre "normal". Aujourd'hui, il témoigne auprès de Open Democracy de la manière dont sa mère l'a enfermé dans un hôpital psychiatrique parce qu'il est gay en Russie.

Il s'est enfui de chez lui en 2015, mais un officier Russe qui s'est fait passer pour homo en ligne, l'a persuadé d'arrêter de se cacher. Il a été retrouvé dans un fast food. C'est à ce moment que des policiers en uniforme l'ont menotté et jeté à l'arrière d'un 4X4.

Enfermé dans un asile psychiatrique

Lorsqu'on l'a renvoyé auprès de sa famille, il a entendu sa mère préparer son transfert à l'hôpital. Il s'est échappé deux fois mais a été retrouvé à chaque fois. En définitive, sa mère l'a enfermé dans un asile psychiatrique.

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"Il y avait des médicaments et des médecins. Ma mère parlait de 'tendances homosexuelles' et 'd'amis imaginaires'. Au début j'ai pensé 'mais qu'est-ce qu'il se passe ?' et puis j'ai réalisé que c'était fini, je ne sortirai pas de cet endroit", raconte-t-il.

Sa mère ment dans les médias russes

Ses amis ont pris fait et cause pour lui, demandant à des journalistes et militants des droits des personnes LGBT+ de l'aider à s'échapper. Sa mère a empêché un avocat des droits de l'homme de l'approcher, avant de dire dans les journaux qu'elle a sauvé son fils de "l'esclavage gay" moscovite.

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De nombreux médias ont "confirmé" sa version, avançant que son fils a été violé à plusieurs reprise et qu'on l'a forcé à porter des vêtements de femmes, de prendre des oestrogènes. Sa mère répétait à l'envi que grâce à ses efforts, il était arraché de l'emprise de pédophiles.

Des médicaments

Quand le scandale a éclaté, Egor Panin a été obligé de donner une interview sur son supplice, mais les journaliste à qui il a parlé ont éludé qu'il était retenu contre son gré. Ensuite, les médecins lui ont prescrit des médicaments qui ont fait de lui un "légume", et ils n'ont accepté de le relâcher qu'après avoir signé un document selon lequel il était d'accord avec son hospitalisation.

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"J'ai craqué, j'avais de la salive partout, je ne comprenais pas qui j'étais et où je me trouvais", témoigne-t-il. Des mois plus tard, il a tenté de mettre de côté son passé et il a emménagé chez son frère à Moscou pour étudier le droit. Mais sa mère a ouvert un nouveau dossier criminel contre lui et il a dû répondre à de nouvelles questions.

Il a dû reconnaître un faux-crime

Le jeune homme a répété que la version de sa mère était un mensonge, qu'il n'avait jamais été kidnappé par des pédophiles. Il a ensuite été forcé de signer une déclaration selon laquelle il a été victime d'un crime, après quoi les forces de l'ordre ont refusé d'écouter sa version des faits.

Les années suivantes, il a tenté d'échapper à sa mère. À chaque fois, il a été retrouvé par la police et forcé de répondre à de nouvelles questions. Les autorités l'ont forcé à reconnaître de fausses preuves accréditant la version de sa mère.

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Il a été sauvé par les militants de Russia Behind Bars. Depuis, Egor Panin se cache et il a réussi à ce que sa mère ne soit plus sa tutrice légale. Mais son calvaire est loin d'être terminé : les enquêteurs refusent de clore son dossier, malgré le manque de preuves.

Rappelons que, l'OMS a enfin retiré l'homosexualité de sa liste des maladies mentales 1990. Mais la Russie n'a pas semble-t-il pas reçu le mémo.

Crédit photo : Pixabay