Marche des fiertés"Nous avons peur pour les mois à venir" : inquiètes, les assos LGBT font leur rentrée à Paris

Par Élie Hervé le 13/09/2020
rentrée des assoces

Ce weekend, l’Inter-LGBT, le Centre LGBTQI+ ainsi que la Fédération sportive gaie et lesbienne (FSGL) organisaient la rentrée des Assoces. Et dans les allées, la joie de se retrouver dissimulait mal l'inquiétude. 


“Cette journée c’est un peu un souffle après des mois qui ont été un peu usant”, raconte Juliette cheffe de projet au Crips Ile-de-France. Avec son organisme de santé situé à Pantin, elle raconte une rentrée “un peu compliquée”, des formations qui continuent à se faire en visio et une crainte grandissante. “C’est vrai que nous avons un peu peur pour les mois à venir. On sait qu’avec le contexte actuel, les financements vont probablement baisser.” 

Inquiétude générale

A la Halle des Blancs Manteaux, dans le centre de Paris, stands et les drapeaux multicolores se côtoient. C'est là que les associations, les organisations et les syndicats LGBT ont fait leur grande rentrée, ce samedi. Et pour nombre d'entre elles, l'inquiétude des semaines à venir est palpable.

Pour tenter d'apaiser, plusieurs politiques avaient fait le déplacement, dont la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, et de la Diversité, Élisabeth Moreno. “Elle est là pour rencontrer les différentes associations et c’est très bien qu’elle prenne le temps de le faire, commente Clémence Zamora Cruz porte-parole de l’Inter-LGBT. Elle ne nous connaît pas tous. Maintenant, nous attendons des actions plutôt que des paroles, le bénévolat ne peut pas tout gérer. Nous avons besoin d’aide et de moyens financiers.”

A LIRE AUSSI : Qui est Grégory Prémon, l'éminence arc-en-ciel d'Elisabeth Moreno

Pour les actes, la ministre demande un peu de temps, et d’attendre octobre avec la présentation de la feuille de route pour lutter contre les LGBTphobies. Son ministère ajoute que quatre axes seront alors développés : la reconnaissance des droits pour les LGBT+, l’accès à ces droits, la lutte contre les violences à l'encontre des LGBT+ et la volonté de faciliter la vie quotidienne. Sur ce dernier point, le ministère laisse entendre qu’il pourrait y avoir une facilitation pour l’emploi du prénom d’usage sur les cartes d’identité. Aucun aménagement, en revanche, ne devrait être fait sur la mention de genre. “Nous avons pris en compte toutes les associations, continue une source du ministère entre deux visites de stands, et ce plan d’action tiendra compte des attentes qu’elles ont.”

Pertes financières

Mais en attendant sa présentation puis sa mise en place, beaucoup d’évènements associatifs sont annulés. “Depuis mars, nous n’avons fait aucune intervention dans les écoles, explique Laurent de Contact, l'association pour les parents d'enfants LGBT+. Et nos groupes de paroles et d’écoute pour les familles viennent à peine de reprendre.”

Seulement, avec le respect des règles sanitaires et les limitations de personnes, ces groupes de paroles ont été réduits. Les participants viennent de moins loin, sont moins nombreux et le recrutement de nouveaux bénévoles patine lui aussi. Et à terme, l’association redoute une perte financière importante. “Comme une partie de nos financements dépend des interventions que nous réalisons en milieu scolaire, mais aussi du nombre de personnes que nous accueillons dans les groupes de parole... Là, nous sommes assez inquiets d’une baisse de financements à venir”, continue Laurent. 

A LIRE AUSSI : Coronavirus : les assos de lutte contre les LGBTphobies doivent aussi s'adapter

Évènements en stand-by

Tous racontent cette volonté de continuer à se battre, de défendre la PMA pour toutes, et de lutter contre les LGBTphobies. Mais le Covid-19 douche aussi beaucoup d’espoir. “Nos pique-niques sont annulés, nos évènements aussi et le contact humain nous manque”, ajoutent les militants de l'Association Des Familles Homoparentales (ADFH). “Normalement, pour la Saint-Nicolas, notre association organise un Noël pour ses adhérents et c’est l’occasion de se retrouver et d’être ensemble. Mais là encore, pour l’instant nous ne savons pas si nous allons pouvoir maintenir cette rencontre.

Ces évènements sont aussi l’occasion pour les associations de récolter des fonds, d’être visibles et d’exister dans l’espace public et médiatique. “Pour l’instant, nos réunions et nos apéros sont en visio, ajoute Luka, co-président de Bi'cause. Et là, on ne sait même pas si on pourra faire notre rassemblement le 23 septembre pour la journée internationale contre la biphobie.”

A LIRE AUSSI : L'été est là, et la nuit queer ne sait toujours pas sur quel pied danser 

Même analyse du côté de l’Inter-LGBT. “On n’était pas préparé à cette pandémie, raconte Clémence Zamora Cruz, sa porte-parole. Personne ne l’était. Et pour la Pride parisienne, pour l’instant, la date est maintenue, mais le format pourrait évoluer dans les jours qui viennent. Mais une chose est sûre, nous ne négocierons pas avec la sécurité de nos militants.” Là encore, il faudra s'adapter. 

Garder le cap

Côté sport, en revanche, les associations LGBT+ parlent elles d’une belle reprise. “Le protocole sanitaire est très strict, les vestiaires sont fermés, mais on est là, raconte Kevin Aujard président de la FSGL. Nous avons même enregistré plus d’inscriptions que l’année précédente.” Lui raconte avoir limité la casse cette année. Ce qui l’inquiète, en revanche, c’est l’an prochain et l’organisation des évènements sportifs internationaux “Nous avons perdu 10.000 euros avec l'annulation du tournoi international de Paris (TIP) cette année. Donc, on verra l’an prochain pour les bilans financiers.

Kevin Aujard n’entend pas, pour autant, baisser les bras. Sa fédération continue, malgré le contexte, de développer de nouveaux projets à l’approche des JO de Paris en 2024. “On veut ouvrir des clubs dans les banlieues parisiennes. Pour l’instant, nous sommes surtout présents à Paris avec 50 clubs, Montpellier, Marseille, ou encore Nantes… Mais là, on voudrait passer le périph”, lâche-t-il en riant.

A LIRE AUSSI : Théo Challande Névoret : “Je veux faire de Marseille une ville de respect”

Patience

Pour lui aussi, en tout cas, c'est un soulagement de voir ce weekend maintenu. Le beau signal aussi de voir des politiques dans les allées. Avec son masque Rainbow, le maire de Paris centre Ariel Weil, a lui aussi poussé les portes de ce salon. Pêle-mêle, il raconte soutenir les lieux LGBT+ via les subventions, des exonérations de loyers pour les locaux appartenant à la mairie et insiste “le montant des subventions aux associations devrait être maintenu cette année.”

Il demande, lui aussi un peu de patience, le temps que les budgets soient actés. Mais autour de lui, la musique peine à camoufler les anxiétés. 

Crédit photo : Crips Ile-de-France