La nouvelle ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances a choisi Grégory Prémon comme conseiller dédié aux questions LGBT+. Un ancien prof, militant chez SOS Homophobie, qui connaît bien les cabinets des ministères...
D'abord, il y a eu eu un flottement. Le 6 juillet, à l'heure de l'happy hour, le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler prononce dans la cour du palais de l'Élysée le nom d'Élisabeth Moreno, ministre "chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances". Les associations qui traitent des sujets LGBT+ ne veulent pas y croire. La remplaçante de Marlène Schiappa ne porte plus dans son intitulé la lutte contre les discriminations.
Dans un univers aussi symbolique que le politique, "quand il y a un flou, il y a un loup", selon l'adage. D'autant qu'Élisabeth Moreno, dont le parcours professionnel est applaudi de tous, est inconnue sur les sujets qui concernent les discriminations en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Elle a donc besoin d'être rapidement crédible auprès de la communauté LGBT+.
À LIRE AUSSI : Qui est Élisabeth Moreno, la remplaçante de Marlène Schiappa ?
Un cador de l'Éducation
"C'est la première fois qu'un ministère de l'Égalité dispose d'un conseiller dédié aux personnes LGBT+ !", s'égosille le personnel de communication de la ministre lorsqu'on presse pour voir des preuves d'intérêt pour les discriminations des personnes LGBT+. Quelques jours plus tard, son nom est rendu public : Grégory Prémon est donc l'éminence arc-en-ciel de l'exécutif.
Si Grégory Prémon connaît par coeur les rouages de l'administration, sa nouvelle fonction représente un virage dans sa carrière : professeur d'histoire géo dans plusieurs collèges, chargé d'études au ministère de l'Éducation, directeur de cabinet du DGESCO, l'une des plus grosse direction en France, avec un budget de quelque 50 milliards d'euros. Après trois ans de bons et loyaux services, le voilà directeur académique adjoint en Seine-Saint-Denis, sorte de Graal dans l'administration des hussards noirs. Si l'on suit la logique, il aurait dû finir dans un placard doré. Mais il a choisi de changer de ministère pour défendre les personnes LGBT+.
"Des droits effectifs, réels, concrets"
Sur son CV, rien ne justifie a priori que Grégory Prémon, ne devienne le monsieur LGBT+ d'Elisabeth Moreno. "Dans un ministère comme celui de l'Égalité, c'est utile de connaître la machine administrative pour ne pas se faire balader. Impulser une politique publique, ça ne se découvre pas", élude un ami et interlocuteur quotidien du cabinet de Jean-Michel Blanquer. Pas de doute que les politiques pro-LGBT+ ont besoin de réalité effective après les effets d'annonce. "Notre objectif, c'est que les droits soient effectifs, réels, concrets", martèle en rythme l'intéressé. Son voisin de bureau est le nouveau conseiller aux discrimination, Slimane Laoufi, un ancien du Défenseur des droits. Le message est clair.
Moustache soignée, chemise impeccablement repassée, cravate sombre... S'il n'en a pas vraiment l'air, Grégory Prémon est aussi un militant. Il s'est engagé auprès de SOS homophobie le lendemain de l'ouverture du mariage à tous les couples, à un moment où les actes homophobes atteignent des sommets. "J'ai de la chance d'avoir une famille et des amis qui m'ont accepté tel que je suis", dit-il. Ado, il a été marqué par la crainte d'être rejeté quand il a réalisé qu'il est homo. Aujourd'hui, se sent-il d'autant plus compatissant envers ceux qui souffrent de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ?
Approche pragmatique
"Grégory Prémon a une approche très pragmatique des institutions et sait comment obtenir quelque chose d'un directeur de cabinet", salue Joël Deumier, ancien président d'SOS Homophobie. Sa connaissance des pouvoirs publics l'entraînent à la commission "relations institutionnelle", pour faire passer des messages auprès de l'exécutif. Auprès d'SOS, il s'engage naturellement dans la prévention en milieu scolaire avant de fonder le "groupe cartable". Ce groupe édite des kits à l'usage des enseignants qui ne savent pas comment aborder les sujets qui concernent les personnes LGBT+.
À LIRE AUSSI : SOS homophobie rapporte une hausse « alarmante » des LGBTphobies en 2019
Sa figure politique modèle ? "Certainement pas Guy Hocquengheim", coupe-t-il lorsqu'on lui souffle une réponse sulfureuse. Il élude. "Je n'en n'ai pas vraiment, on ne fait rien tout seul. Celles et ceux avec qui j'ai milité sont impressionnants parce qu'ils donnent de leur personne", lâche-t-il, sans même se rendre compte du niveau de langue de bois.
Pédagogue
Son fait d'armes militant, c'est la création de cartes de voeux qui mettent en valeur des familles homoparentales. Des cartes qui ont été envoyées à tous les parlementaires. "La société a besoin de modèles positifs de personnes LGBT+. On voulait montrer que quand on donne des droits aux personnes LGBT+, on rend des gens heureux, tout simplement", ose-t-il en admettant la touche de naïveté. "C'est quelqu'un de particulièrement pédagogue, c'est son côté prof, il fait de la maïeutique. Il dialogue et n'a pas besoin d'assener car il sait convaincre", distille son ancien collègue au cabinet. Pendant ses études d'histoire, il travaille sur les lieux de la conquête du pouvoir (un thème cher à l'histoire des militants LGBT+) puis à la défaite des députés de droite en 1981 "parce qu'en histoire, on s'intéresse rarement aux vaincus".
À Joël Deumier, Grégory Prémon offre une biographie de Jean Zay, ministre de l'Éducation, pièce maîtresse du Front populaire et résistant. Ensemble, ils vont au théâtre assister aux Damnés. Puis, ils voient la pièce une seconde fois tellement elle a fait vibrer en eux une corde sensible. Elle évoque l'arrivée au pouvoir des nazis alors que Marine Le Pen est à quelques mois d'arriver au second tour de l'élection présidentielle. Reste qu'en 2022, pour combattre le Rassemblement national, Emmanuel Macron va devoir défendre son bilan. Pour l'heure, côté LGBT+, il est plutôt mince. Certes, la PMA pour toutes va être votée et remboursée pour toutes les femmes. Mais les militants LGBT+ se souviennent surtout du retard (au moins trois ans !) et des reculs.
Une feuille de route ambitieuse
Sur son bureau, en haut de la pile, il y a le grand plan contre les LGBTphobies, annoncé par Marlène Schiappa dans le dernier numéro TÊTU. Un plan que le ministère ne compte pas abandonner, et dont la feuille de route ambitieuse sera détaillée en octobre : "Le sort des personnes intersexes est important. Le '+' de LGBT+ n'est pas dans mes attributions pour faire joli", dit le conseiller. Concernant les personnes trans, "il y a un travail à faire sur le prénom d'usage. L'utilisation du deadname (le prénom assigné à la naissance, ndlr), c'est un coup de poignard par jour". "Les personnes LGBT+ doivent pouvoir aller chez le médecin sans se sentir mal à l'aise en évoquant leur orientation sexuelle, notamment les lesbiennes chez leur gynécologue. Nous devons également lutter contre la sérophobie", égraine le conseiller. Le ministère devrait également se saisir la question de l'accès au logement pour les personnes LGBT+.
À LIRE AUSSI : En Pologne, la communauté LGBT entre résistance et résignation
Le ministère est déjà inondé de courriers de députés de la majorité comme Raphaël Gérard ou de Laurence Vanceunebrock qui demandent à la ministre de protéger les LGBT+ victimes de violences conjugales, et que le gouvernement tance la Pologne qui installe une homophobie d'État - le comble veut que l'ambassade de Pologne à Paris soit voisine du ministère de l'Égalité. Il faut aussi venir en aide à Eman Al-Helw et Hossam Ahmad, deux Égyptiens qui ont reçu des traitements dégradants dans leur pays, ainsi qu'aux Tchétchènes, sous le joug de Ramzan Kadyrov. Pour régler tous les sujets qui concernent les personnes LGBT+, Grégory Prémon aurait bien besoin d'être à la tête d'un ministère dédié...
Crédit photo : DR