Les salles de sport doivent fermer et avec elles, les saunas et hammams dès samedi. Mais le décret de fermeture n'a pas encore été publié.
"On a pu rouvrir le 23 juin et alors qu'on remontait la pente, on nous casse les deux jambes", souffle Juan Gaston-Boloque, le gérant du sauna Thiers à Bordeaux. Ce mercredi, Olivier Véran a annoncé la fermeture des salles de sport. Avec une conséquence inattendue : la fermeture des saunas gays. Ils bénéficient en effet de la même licence et ont pu réouvrir au même moment. Sauf qu'à l'heure où nous écrivons, le décret de fermeture n'a pas encore été signé et publié au Journal Officiel. Leur fermeture ne relève donc pour l'instant d'aucune obligation juridique.
Un acteur de la prévention
À Bordeaux, le sauna avait réussi à retrouver quelque 70% de son activité d'avant-Covid. "Il y a une véritable demande de lieux communautaires. Pendant le confinement, les personnes LGBT+ en particulier ont souffert de la solitude", insiste le patron. Sa clientèle est principalement constituée d'habitués qui "n'aiment pas trop les bars et les boites".
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D'autant que les lieux communautaires ont une fonction importante pour les personnes LGBT+. "Au delà de l'aspect social, nous faisons de la prévention en distribuant du gel et des capotes", dit le gérant du sauna. Les associations s'appuient également sur les lieux communautaires pour faire passer des messages sur l'usage des drogues. Difficile d'alerter sur les risques du GHB par exemple dans une soirée privée. Un protocole sanitaire a été mis en place avec gel hydroalcoolique distribué à l'arrivée, prise de température, et masque obligatoire en dehors des salles d'eau et des cabines.
Incertitudes
Le Sun city espère pouvoir rester ouvert. "Nous avons deux licences, une de salle de sport et une de débit de boisson", explique Michel Mau, directeur artistique du sauna et du Dépot et administrateur du Sneg & Co, syndicat des entreprises LGBT+ et alliées . Tant que le décret n'a pas été rendu public, il ne sait pas si la partie qui concerne le débit de boisson peut rester ouverte ou non. "Il arrive que les décrets ne soient pas pris dans les temps. Tant qu'il n'a pas été publié, l'établissement restera ouvert et on sera dans notre bon droit. D'autant qu'on a encore la corde autour du cou. Alors que notre clientèle est composée de beaucoup de touristes, les aides que l'on nous a proposées ne nous permettront pas de vivre", s'égosille-t-il.
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À l'entendre, il en va de l'image de Paris comme ville touristique. "Les clubs ont une importance considérable dans l'attraction touristique. Si on tue le secteur de la nuit, on tue le tourisme. Il faut réussir à dépasser les préjugés sur les boites de nuit : on peut organiser des soirées qui respectent un protocole sanitaire. Il vaut mieux que les personnes fassent la fête chez nous que dans le bois de Vincennes sans encadrement sanitaire", insiste-t-il.
L'importance de conserver au moins un lieu communautaire
Le Babylone, fermé depuis le 11 mars regrette un "désintérêt" des autorités pour "nos métiers". Cette boite de nuit avec un espace de cruising est le dernier lieux communautaire du Mans. "On est un maillage important de la sociabilité des personnes LGBT+. Celles qui ne veulent pas montrer leur visage sur Grindr, c'est ici qu'elles peuvent rencontrer des personnes qui leur ressemblent. Dans une ville, c'est essentiel d'avoir au moins un lieu communautaire", plaide Madani Benyahia, le gérant du lieu. D'autant que cette année, la Fierté a été annulée.
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S'il se dit confiant pour la pérennité de son établissement "grâce à une trésorerie saine", le gérant regrette des difficultés d'accès aux prêts garantis par l'État (PGE). "Les banques ne savent pas quand est-ce qu'on pourra rouvrir, elles utilisent ce motif pour nous refuser les PGE", déplore-t-il. Il espère que les municipalités s'engageront pour que les lieux communautaires ne disparaissent pas.
Crédit photo : SAUNA THE DEAD / Tom Frederic