Hussein Bourgi a été élu sénateur de l'Hérault ce dimanche 27 septembre. Depuis plus de 20 ans, ce montpelliérain gay d'origine libanaise défend les droits et la mémoire des personnes LGBT+.
C'est un militant de longue date qui siège désormais au Palais du Luxembourg, le temple des sénateurs. Hussein Bourgi a été élu parlementaire ce dimanche 27 septembre. Né à Dakar et d'origine libanaise, ce montpelliérain a trouvé dans son homosexualité "de l'énergie et de la force pour m'engager dans le monde associatif, syndical et politique". Dans son parcours militant, on l'a régulièrement accusé d'être dans une démarche communautariste, explique-t-il a TÊTU. Mais ces propos lui donnent d'autant plus d'énergie pour se battre.
De l'Unef à la région Occitanie
Son CV coche les cases du militant qui s'investit de plus en plus en politique. En 1993, lorsqu'il est étudiant en droit à l'université de Montpellier, il est président de l'Unef-ID. Quelques années plus tard, il co-fonde le collectif contre l'homophobie de Montpellier. En mai 2005, il devient vice-président du Réseau d'assistance aux victimes d'agressions et discriminations. L'année suivante, il devient président du Mémorial de la déportation homosexuelle. En parallèle, il est chargé de missions pour la ville de Montpellier puis du Conseil régional. Il devient ensuite colistier de Georges Frêche à la mairie de Montpellier.
En 2012, il devient attaché parlementaire, secrétaire fédéral du PS dans l'Hérault, conseiller régional. Et plus récemment, on l'a vu faire campagne aux côtés du nouveau maire de Montpellier, Michaël Delafosse. À 46 ans, le voilà donc sénateur.
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"La question de mon coming out ne s'est jamais posée puisque je me suis engagé dans des associations de personnes LGBT+. Lorsque je rencontre des personnes, elles sont étonnées que je puisse m'exprimer avec la même aisance sur d'autres sujets que ceux qui concernent les personnes LGBT+", s'agace-t-il. Dans son dos, ses adversaires le taxent régulièrement d'être à la solde d'un prétendu lobby. Mais depuis son élection au Sénat, ce sont les réflexions à caractère raciste qui prennent le pas avec des commentaires méprisants.
Des tag homophobes à la fac
Sa technique de riposte date de la fac. Le sénateur raconte que lorsqu'il était militant à l'Unef et que ses opposants taguaient des graffitis homophobes dans les amphis, le juriste en devenir les laissait visiblement pour montrer à tous l'homophobie dont fait preuve ses adversaires. "Ça ne m'atteignait pas du tout mais j'en parlais pour dénoncer les méthodes", se rappelle-t-il. Des propos qui font échos aujourd'hui au suicide de Doona, une jeune étudiante en psycho qui s'est donné la mort la semaine dernière. En tant que conseiller régional et membre de la commission jeunesse, c'est lui qui a la responsabilité des universités de sa région.
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Dans un premier temps, le sénateur sort sa langue de bois : "Nous mettons en place depuis 2004 des plans d'actions de prévention, d'information et de sensibilisation aux LGBTphobies. Ce travail de prévention doit être mené en milieu urbain et en milieu rural, la raison pour laquelle les politiques publiques qui sont mises en oeuvre par la région permettent de toucher à la fois le public du monde des grandes villes mais aussi les public du monde rural, je pense qu'il y a un sentiment d'isolement...", dit-il avant d'avoir une pensée pour Doona.
Selon lui, les militants se trompent d'adversaires
"Tout suicide et mort d'une personne est un drame. Je comprends l'émotion et l'indignation de ses amis et de ses parents. C'est un échec de la société dans son ensemble", avance-t-il calmement. Puis le jeune sénateur hausse le ton pour dénoncer les accusations de malveillance de la part du Crous. "Pour connaître très bien les personnes qui l'ont accompagnée, je trouve que le procès qui leur a été fait est injuste. Je peux vous assurer que les assistantes sociales du Crous de Montpellier, pour les avoir sollicitées dans des situations de LGBTphobies, ce sont des personnes qui ont toujours réservé un accueil bienveillant et empathique", insiste-t-il visiblement en colère.
Hussein Bourgi tient à rappeler qu'il a porté la proposition de reconnaître le nom d'usage à l'université, en place à Paul Valery et en cours dans une autre université. "Le Crous a été saisi il y a quelques semaines de cette même demande et ce sera mis en oeuvre rapidement", promet-il.
Perte de sentiment communautaire
Aujourd'hui, ce qui agace le plus le sénateur, c'est l'indifférence et la résignation. "Il y a quelques années, lorsqu'il y avait des manifestations, on voyait des personnes signer des pétitions, manifester le lendemain, aujourd'hui, c'est devenu très difficile de mobiliser des foules", regrette-t-il. Même si justement, des manifestations ont eu lieu pour rendre hommage à Doona. "Une exception", balaie le montpelliérain.
À l'entendre, la vie communautaire a perdu de sa superbe par rapport à la fin des années 90, à cause de l'émergence des applications et de la fermeture de lieux communautaires. "On parlait de ghetto, mais c'est grâce au ghetto que des solidarités se créent alors que les applications renforcent l'individualisme", regrette-t-il. Alors, il interpelle les pouvoirs nationaux et locaux et demande un plan de soutien aux lieux communautaires, fragilisés par l'épidémie de Covid-19. Ça tombe bien, le sénat va bientôt devoir amender le budget de l'année 2021.
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