Alors que de nombreux rassemblements ont lieu cette semaine pour honorer la mémoire de Doona et dénoncer la transphobie, une amie de la jeune étudiante - qui s'est donnée la mort la semaine dernière à Montpellier - ne décolère pas.
Il était 17h30, mercredi quand Daria*, étudiante de 25 ans découvre que son amie Doona s’est jetée sous un train. Depuis, c’est une colère sourde qui l’envahit. A Têtu, elle raconte la violence du quotidien de son amie, et espère que son histoire fera changer les mentalités.
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Vous êtes la première personne a avoir publié l'histoire de Doona sur Twitter. Aujourd’hui, vous dites vouloir témoigner pour que l’on garde un autre souvenir d’elle. Vous nous racontez ?
Doona était une amie proche, à l’écoute avec qui on pouvait parler et rire. Je sais que l’on dit ça de façon systématique pour les personnes disparues, mais c’était vraiment une personne gentille. On vient toutes les deux d’un milieu conservateur et nous nous sommes rapprochées d’abord en parlant de cette violence au sein de nos familles. Très vite nous sommes devenues proches et on se parlait tous les jours. De tout, de rien. Du quotidien. De sa violence aussi. Et peu à peu, elle a commencé à se livrer et à parler de son mal-être et de la transphobie qu’elle subissait... On ne se rend pas compte de la violence de ces micro-agressions quotidiennes.
Par exemple, Doona était lesbienne. Mais elle avait très peur d’aller dans des soirées LGBT parce qu’elle ne savait pas comment elle allait être regardée par les autres femmes. Elle a déjà été rejetée et ne voulait pas qu’une femme qui lui plaise la voit comme un monstre parce qu’elle est une personne trans. Et peu à peu, elle s’est refermée. Partout où elle allait, elle avait la sensation de ne pas être à sa place. De ne pas avoir sa place dans ce monde. Que ce soit dans la rue, dans les soirées lesbiennes ou encore à la fac.
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Le comportement du Crous envers Doona est pointé du doigt. Pensez-vous que ce soit justifié ?
C’est extrêmement violent ce qu’elle a vécu là-bas. Systématiquement, ils la mégenraient et utilisaient son dead name. A cela s’ajoute les remarques quotidiennes, les insultes qui pleuvaient et cette sensation d’être coincée. De ne pas pouvoir respirer, ni aller ailleurs. Cet été, elle allait mieux. Et puis à l’approche de la rentrée ces angoisses sont revenues. Elle avait très peur de retourner dans sa chambre du Crous. Mais avec des parents plutôt transphobes et une bourse de 400€ où pouvait-elle aller ailleurs ? Et peu à peu, on l’a perdue. Samedi dernier, elle a fait une première tentative de suicide. Les pompiers sont venus la chercher dans sa chambre au Crous et à l'hôpital, là encore, ça s’est mal passé.
Là-bas aussi elle a été victime de transphobie ?
Oui. Une patiente l’a insultée. Et personne n’a réagi. Pas un médecin, pas un personnel de l’équipe soignante. Personne. Là encore, ils ont utilisé son dead name. Et l’ont nié dans son identité. Quand elle est sortie de l'hôpital, elle nous a dit de plus jamais vouloir aller dans un hôpital. Elle a refait une tentative de suicide deux jours plus tard. Cette fois-ci c’est un ami à nous qui l’a conduite dans une clinique privée. Peu après être retournée dans sa chambre étudiante, le Crous qui a fait savoir que si elle recommençait, elle perdrait sa chambre. [Contacté par Tetu, le Crous de Montpellier nie les accusations formulées.] Ce jour-là, elle nous a envoyé un message d’adieu. Il était 17h. On est arrivé à 17h30 à la gare. C’était trop tard. Depuis, le Crous a récupéré sa chambre. Quant à son enterrement, je ne pense pas qu’on sera les bienvenus. Et j’ai très peur maintenant que sur sa tombe, ce soit son dead name et qu’elle soit mégenrée à tout jamais.
Plusieurs rassemblements en hommage à Doona sont organisés cette semaine dans toute la France.
#SoutienDoona pic.twitter.com/wFHmjIaV6f
— Extimité (@Extimite_) September 27, 2020