EgypteEn Égypte, les forces de l'ordre piègent, arrêtent et torturent des personnes LGBT+

Par Nicolas Scheffer le 05/10/2020
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Human Rights Watch dévoile des témoignages terribles de personnes LGBT+, torturées par les forces de l'ordre égyptiennes après des arrestations arbitraires. L'ONG dénonce le silence de la communauté internationale.

"Les autorités égyptiennes semblent être en lice pour battre le record régional des pires atteintes aux droits des personnes LGBT+", s'étrangle Human Rights Watch dans un communiqué. L'ONG a documenté des cas d'arrestations de personnes LGBT+ suivies d'actes de torture en Égypte. Ces témoignages ont pu être mis à jour "avec l'aide d'une organisation de défense des droits des personnes LGBT+ au Caire", qui a souhaité rester anonyme "pour des raisons de sécurité".

Des fouilles sur les réseaux sociaux

HRW raconte avoir reçu le témoignage de "15 personnes, dont des LGBT+ poursuivies entre 2017 et 2020 en vertu des lois vagues et discriminatoires portant sur la 'débauche' et la 'prostitution'". L'organisation a également interrogé des avocats et des activistes. L'OGN fait état d'arrestations arbitraires, dans la rue, à cause de l'expression de genre des personnes arrêtées. Mais également de pièges "via certains sites de réseaux sociaux ou des applications de rencontre", et de fouilles illégales du contenu de téléphones. Surtout, "les procureurs utilisent ces éléments pour justifier des détentions prolongées sans jamais mettre en doute la véracité des rapports de police et lançant des poursuites judiciaires injustifiées à l'encontre de ces personnes".

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C'est ainsi que Malak el-Kashif, une femme transgenre d'à peine 20 ans a été arbitrairement détenue pendant quatre mois. Cette activiste pour les droits humains déclare avoir été harcelée et agressée sexuellement dans une prison pour hommes en 2019. Un tribunal administratif a rejeté une demande en appel pour que le ministère prévoit des lieux de détention séparés pour les détenus transgenres.

Des tortures répétées

Les témoins persécutés disent avoir subi, de la part des policiers du "harcèlement verbal et des violences physiques allant des claques à la torture au moyen d'un tuyau d'arrosage ou en les attachant pendant des jours". Les agents de police "incitent souvent les codétenus à violenter les personnes LGBT". HRW dénonce des "passages à tabac graves et répétés ainsi que des violences sexuelles, souvent commises sous le prétexte d’effectuer des examens anaux forcés ou des 'tests de virginité'"

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Un homme témoigne aussi d'actes de torture au Caire, en 2019. Les policiers l'auraient frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Ils l'auraient ensuite obligé à rester debout pendant trois jours dans une pièce sombre et peu aérée, ses mains et ses pieds également attachés. "Ils ne me laissaient pas aller aux toilettes. J’ai dû mouiller mes vêtements et même déféquer dedans. Je n’avais toujours aucune idée du pourquoi de mon arrestation", raconte-t-il.

Le harcèlement de la communauté LGBT+ depuis 2017

Depuis 2017, les autorités égyptiennes ont interdit aux médias "de montrer des homosexuels ou de promouvoir leurs slogans". La même année, les forces de l'ordre égyptiennes avaient placé en détention Sara Hegazy pour avoir brandi un drapeau aux couleurs de l'arc-en-ciel lors d'un concert au Caire. La militante ouvertement lesbienne a raconté avoir été victime de torture par des policiers qui avaient incité ses codétenues à la frapper et la harceler sexuellement. En juin dernier, elle s'est donné la mort au Canada où elle vivait en exil.

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"La mort tragique de Sarah Hegazy aurait dû déclencher une onde de choc et de solidarité mondiale, mais l’Égypte a continué sans ciller à cibler et violenter des personnes LGBT+, simplement en raison de qui elles sont", déclare dans le communiqué Rasha Younes, chercheuse au programme Droits LGBT+. "Les autorités égyptiennes semblent être en lice pour battre le record régional des pires atteintes aux droits des personnes LGBT+, tandis que la communauté internationale garde un silence affligeant", regrette-t-elle. En mars à l'ONU, l'Égypte a refusé de reconnaître l'existence des personnes LGBT+ et refusé de protéger les droits de tous les égyptiens sans discrimination.

 

Crédit photo : Alfaz Sayed / Unsplash