travail du sexe"Les putes ont plus que jamais besoin de nous !", alerte Act Up-Paris

Par Act Up Paris le 05/11/2020
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Act Up-Paris appelle à prendre en compte la précarité des travailleurs·ses du sexe due au reconfinement. L'association demande la création d'un fonds de solidarité et réaffirme l'urgence de clore une politique abolitionniste, dans une tribune à TÊTU.

Ce lundi, Elisabeth Moreno, la ministre en charge de l’Egalité Femmes-Hommes et de la  Diversité, a réuni des associations LGBT+, « généralistes » selon le Ministère, pour échanger sur  les différents dispositifs d’accompagnement et d’aides aux personnes LGBTQI les plus exposées  durant la crise sanitaire. A cette réunion, on pouvait constater l’absence criante des associations de  santé communautaire organisées par et pour les travailleurSEs du sexe. 

Cette manœuvre est bien connue de touTEs à qui s’est déjà frotté de près au sujet. Ecarter  les putes pour mieux parler à leur place – voire pas du tout. Marlène Schiappa, qui était alors en  charge de ces questions depuis 2017, n’a rien fait  pour permettre aux travailleurSEs du sexe d’avoir accès à un fonds d’urgence pendant et après le premier confinement– le 1er avril 2020, 17  députés ont alerté Madame Schiappa, en vain. 

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Mépris gouvernemental

Cette situation catastrophique se répète et se  prolonge avec le second confinement. Son irresponsabilité a aggravé la situation sanitaire, psychologique et sociale des travailleurSEs du sexe en les renvoyant directement à la mort. Rappelons également que depuis la loi de pénalisation des clients de 2016, les effets sont désastreux, aussi bien pour les personnes concernées, elles-mêmes, que pour les associations de  santé qui les suivent. Pire encore – et on se demande sincèrement jusqu’où cela ira – Madame Schiappa se cache désormais derrière Gérald Darmanin pour accompagner les politiques abolitionnistes, répressives et autoritaires à l’œuvre dans le pays

Ce mépris gouvernemental pour la vie, les meurtres et décès de personnes trans TDS se retrouve  dans le "plan LGBT" de la DILCRAH et du ministère de l’Egalité. Les discriminations LGBTQIphobes sont mises sur le devant de la scène, toujours en grande pompe. Mais d’autres aspects de ces mêmes discriminations semblent être volontairement invisibilisés. Parler de la putophobie et prendre en compte l’impact des différentes formes de violences qui en résultent sur les contaminations par le VIH, sur l’accès aux soins en général, sur les droits des minorités, est un sujet central pour nos communautés et ne l’est pas pour le Ministère de l’Egalité. 

Des crédits pour la prévention initialement sucrés

Autre constat, aucun avis du Conseil scientifique ne prend en compte la situation des TDS. Là  encore, cette invisibilisation du sujet, malgré les nombreuses alertes des associations, en dit long sur  une idéologie morale qui imprègne l’ensemble des rouages de la démocratie dite « sanitaire ». Etonnant quand on sait que son président, Jean-François Delfraissy, siège au Conseil  d’administration de Sidaction.  

Dernier rebondissement, lundi soir, deux amendements en faveur des TDS et des associations de lutte contre le VIH-SIDA ont été adoptés. Ils visent à renforcer nos financements à partir de janvier 2021 puisque nous constatons une diminution de près de 70.000 euros entre 2016 et 2018 des crédits pilotés par la DGS. S’ajoute également le manque de financement liés à l’affaiblissement financier des partenariats avec des bailleurs tels que Sidaction ou Solidarité sida qui n’ont pas pu organiser sereinement une  levée de fonds digne de ce nom, à cause du  durcissement des mesures de lutte contre le Covid-19. Mais un virus ne doit pas en cacher un autre.

Le bénévolat ne suffit pas

Ce qui est fait sur le terrain avec trois bouts de ficelles est considérable,  en cette période de couvre-feu, de confinement, de spirale infernale contre nos mobilisations et de  déni démocratique. Cela relève du défi permanent, on le sait. Les TDS trans, migrantEs, séropositifVEs suiviEs par Acceptess-T et la Fédération Parapluie Rouge, les TDS asiatiques de  Belleville suiviEs par Les Roses d’Acier et Act Up-Paris, sont des initiatives qui permettent  d’accompagner au plus près les personnes. 

Des cagnottes sont créées. Des maraudes sont organisées pour distribuer du matériel de prévention.  Des colis alimentaires sont distribués. Des aides pour payer le loyer existent. Tout un réseau  militant s’active sur les réseaux sociaux pour apporter un soutien concret aux TDS sans attendre des  aides de l’Etat qui ne finissent jamais par arriver à temps. Nous faisons. Point barre. Nous le faisons  parce que la lutte contre le VIH-sida nous l’a enseigné. 

Malgré un engagement des bénévoles, l’entraide communautaire et associative s’épuisent au fil des mois. La faute à un  manque de soutien, des forces militantes en  sous-effectifs qui ne permettent pas aux actions de se faire dans de bonnes conditions, du sentiment de ne pas être écouté malgré nos expertises, de chaque centime  à justifier.

Pourquoi les communautés LGBTQI+ doivent soutenir les putes

Les luttes des putes sont incontournables pour nos communautés. Elles sont la trame de fond de  nos colères et de nos revendications depuis plusieurs décennies. La précarité pour beaucoup d’entre  nous, due à un contexte sanitaire, politique et économique défavorable, a accentué les difficultés du  quotidien.   Il faut pouvoir subvenir à ses propres besoins et donc de fournir plusieurs  fois par semaine des prestations à caractère sexuel moyennant contrepartie pour payer les factures,  le loyer, la bouffe, les études. La situation actuelle des TDS nous permet de nous rendre davantage  compte du mépris de l’Etat pour leurs revenus qui reposent essentiellement sur la survie.  

Le travail du sexe questionne une sociologie de la précarité et des discriminations. En tant que personnes lesbiennes, gays, bi, trans, inter, queer, et séropos, nous savons ce que nous devons aux travailleurSEs du sexe en matière de prévention, de sensibilisation, d’acquis  sociaux et de libération sexuelle. Depuis longtemps. On s’en souviendrait plus facilement si un Centre des archives LGBTQI+ existait à Paris.  

Les conquêtes sociales des TDS sont les nôtres. Nous ne devons pas les exclure ni oublier leurs mobilisations.. Nous avons le droit de disposer de notre corps, d’en faire le réceptacle du plaisir, de la jouissance, du pouvoir contre une société hétéropatriarcale dominante. De revendiquer haut et fort nos choix tout en défendant nos droits fondamentaux que sont l’accès aux soins, la justice, l’égalité. Il faut en finir avec ce déni.

 

Crédit photo : msmornington / Wikimedia Commons