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Marche des fiertésA Marseille, les promesses pour les LGBT+ s'envolent-elles avec Michèle Rubirola ?

Par Élie Hervé le 16/12/2020
Marseille

La maire de Marseille, Michèle Rubirola a démissionné. Très volontaire sur les questions LGBT+, son départ vient renforcer les inquiétudes déjà très vives des acteurs de l'égalité des droits dans la cité phocéenne...

Michèle Rubirola laisse son siège de maire. Un peu plus de six mois après son élection, la maire de Marseille a annoncé, ce mardi, mettre un terme à son mandat. Elle prendra la place de première adjointe et Benoît Payan, son adjoint et bras droit, deviendra le nouveau visage de la cité phocéenne.  Une décision qui ne surprend pas, alors que l'entourage de la maire de Marseille avait commencé, dès le mois d'octobre, à laisser entendre qu'elle quitterait bientôt son siège, dépassée par la mission qui était la sienne.  

Et alors que Michèle Rubirola souhaitait mettre en place “une politique de visibilité et de soutien" à la communauté LGBT+ et disait vouloir “ redonner de l'espoir, du courage, de la fierté à toutes celles et ceux qui vivent douloureusement. Qui se sentent traités différemment. Ça comprend aussi les personnes migrantes. Ainsi que les travailleurs et travailleuses du sexe", on ne peut s'empêcher de se demander : son départ est-il un coup dur pour les droits des personnes LGBT+ à Marseille ? 

Retard à l'allumage

Dans un premier temps, les acteurs de terrain seraient tentés de répondre non. Car depuis son élection, les questions LGBT+ ont été reléguées au second plan. “Cela fera l’objet d’annonces séparées”, avait ajouté Michèle Rubirola lors d’une conférence sur les mesures mises en place en urgence pour les personnes les plus fragilisées par la crise sanitaire, courant octobre. Alors que le second confinement touche à sa fin, aucune déclaration n’a été faite. Plus encore, un plan d’aide pour les associations LGBT+ de 25.000 euros - qui devait être voté lors du conseil municipal du 21 décembre, a été abandonné. Et la promesse d'ouverture d'une maison des LGBT+ en décembre ou au début de l'année 2021 semble définitivement intenable. 

Il semblerait même que le projet ait du plomb dans l'aile. Si cet été la désormais ex-maire de Marseille annonçait, avoir “ réussi à obtenir un accord de principe du département, de la région et de la métropole pour ouvrir un lieu qui fonctionnera de façon autonome” d'ici la fin 2020, le projet est au point mort. Alors que le département a doublé la ville, et ouvert sa maison pour les personnes victimes de violences, la mandature s'est retrouvée seule avec son projet, sans partenaire, sans lieu... et sans agenda. 

Pas les moyens des ambitions

Pourtant, la maire de Marseille s'était bien entourée. Pour porter ses ambitions de justice sociale, elle avait nommé  Théo Challande Névoret adjoint en charge de la lutte contre les discriminations. Pendant tout le confinement, cet élu a rencontré les associations LGBT+, listé les différents besoins et écouté les doléances.

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Un changement de méthode et d’image qu’ont salué l’ensemble des acteurs LGBT+ marseillais. “Nous avons un interlocuteur à la mairie qui a plus d’ambition que la majorité précédente”, expliquait alors la Pride Marseille. Les associations voulaient y croire. Mais peu à peu les rencontres s’espacent, les appels se font plus rares et les rêves d’une ville fière s’effacent. “Théo [Challande-Névoret] est ambitieux pour Marseille mais je pense qu’il n’a pas les moyens de ses ambitions. A la mairie, on l’empêche d’agir”, explique une élue sous couvert d’anonymat. 

Et le manque d'entrain de certains élus sur ces questions rendrait aussi le travail difficile pour les plus volontaires. C'est en tout cas ce qu'explique Lee Ferrero, élu en mairie de secteur et membre fondateur de l'association d’entraide aux personnes trans, Transat. Il regrette “un manque de connaissance plus qu’une réelle envie de blesser", mais ne cache pas son inquiétude. "Si on veut que notre projet soit applicable, il est nécessaire qu’il soit d’abord compris en interne. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Douche froide

Force est de constater que la plus petite décision relative au sort des personnes LGBT+ à Marseille semble politiquement compliquée. Le plan de 25.000 euros (et ce n'était que 25.000 euros) à destination des LGBT+ a  été retiré de l’agenda du conseil municipal sans aucune explication. “Pour les LGBT, aucune annonce ne sera faite avant l’an prochain, dans le meilleur des cas”, ajoute le service communication de la Mairie. Une douche froide pour les associations LGBT+ qui attendaient beaucoup de l'ère Rubirola. 

Et l'arrivée de Benoît Payan à la tête de la mairie n'est pas pour rassurer. Les élus nous décrivent un ex-premier adjoint qui a "d'autres choses à gérer", et un homme pour qui les questions LGBT+ ne sont pas son "domaine de compétence". Et  si Théo Challande-Névoret avait l'oreille de Michèle Rubirola, ce n'est pas forcément aussi fluide avec le nouveau maire de Marseille. Difficile, dans ces circonstances, de se ne pas se demander si les promesses de campagne du Printemps Marseillais à destination des personnes LGBT+ vont être tenues... ou non.