Abo

NoëlIls fêtent Noël avec leurs potes queers : "On est plus heureux avec cette famille d'adoption"

Par Tom Umbdenstock le 22/12/2020
Noël

Les fêtes de fin d'année peuvent être une période compliquée pour les personnes LGBT+ rejetées par leur famille. Alors chaque année, Grégory, Jordan, Benoît et beaucoup d'autres retrouvent leurs familles queers pour Noël. Ils nous racontent.

Chaque année en décembre, c'est le même rituel. Alors qu'une majorité des gens se préparent avec plus ou moins d'enthousiasme à rejoindre leur famille pour les fêtes, Benoît, Grégory, Jordan et beaucoup d'autres personnes LGBT+ s'organisent pour passer Noël... entre potes. A 27 ans, Benoît ne fête pas Noël avec sa famille. Ses parents l'ont prévenus, quand il a fait son coming out il y a quelques années : “tu sais que tu pourras pas revenir à la maison.” De toute façon, dans sa famille - dont les membres sont témoins de Jéhovah - on ne fête pas Noël.

A LIRE AUSSI : Les grands-parents face au coming out 

Mon premier Noël c’était en 2016. J’habitais toujours chez mes parents. Je travaillais dans une boutique, et ma responsable, Julia était bisexuelle et hyper ouverte. Elle faisait son réveillon de Noël toute seule. Moi je n’avais rien de prévu, raconte-t-il. Je suis allé chez elle. Je lui ai fait à manger. Elle était hyper touchée.

"Mes papas adoptifs"

Depuis ce jour, fêter Noël est presque devenu une habitude pour lui. Et souvent entouré de personnes LGBT+. Il se souvient d'une soirée “chez un couple de potes qui m’a invité moi et quelques autres personnes. Ils ont acheté un arbre de Noël spécialement pour l’occasion. Ils m’ont dit que j’étais comme la famille. Ca m'avait beaucoup touché qu’ils se soient donnés autant de mal.” Ce soir de Noël, “ce couple de mecs, c’était un peu mes papa adoptifs.

A LIRE AUSSI : La belle idée de cet anglais pour réconforter les personnes LGBT+ rejetées par leurs familles à Noël

Depuis trois ans, Jordan, 24 ans, fête Noël aussi sans sa famille. Il fera cette fois le réveillon avec “plusieurs copines bi que je connais depuis longtemps, dont une qui est ma colocataire." On comptera en plus “deux amies récemment rencontrées qui sont en couple.” Il imagine que certaines de ses convives se retrouvent pour les fêtes parce que “leur côté LGBT a été un peu refusé de la part de leur famille. D’autres parce qu’elles préfèrent Noël avec des gens qu’elles aiment et qu’elles ont choisi.” Cette année, Jordan précise que “officiellement c'est la première fois que je fais ça avec des personnes LGBT. D’autres fois c’était des travailleuses du sexe, des féministes... ou simplement des personnes qui ne voulaient pas avoir des conversations déplaisantes avec leur famille.” 

Rejet familial

Gregory, 44 ans, observe à Noël une "incidence du rejet et d’un passé familial lourd dans la communauté homosexuelle. Sans faire de généralités, je vois bien que beaucoup de mes amis ont des familles un peu compliquées.” Cette année, il a organisé un réveillon avec six amis LGBT : deux femmes lesbiennes et quatre hommes gays. Le tout "un peu à la dernière minute en s’apercevant qu'untel ou unetelle restent à Paris et ne rentrent pas dans famille respective. Le hasard fait qu’on est tous LGBT.” Il explique que “les six qui seront à table, je ne vais pas dire qu’il y a un rejet familial pour tous. Mais les un.e.s et les autres sont plus heureux avec cette famille d’adoption à Paris.

A table, ils se racontent leurs Noël effroyables. Il se souvient notamment l'histoire de cet ami, dont la mère "faisait toujours des photos de chacun avec leurs conjoints. Et lui, elle le faisait poser avec le chien, bien qu’il avait un copain depuis des années. J’ai un autre copain qui s’est carrément fait mettre à la porte depuis les études. Il n'a jamais passé Noël en famille depuis.” De son côté, “ça fait pas mal d’années qu’ils sont au courant et qu’ils ont eu le temps de digérer. Je n'ai pas à me plaindre. Les premiers mois ça a été un peu le drame. Mais depuis j’y ai passé des Noëls avec mon dernier ex, qui a très bien accueilli.” Il précise cela dit que pour lui “la période de Noël n’est jamais réjouissante en famille.” 

Un nouveau rendez-vous

A 59 ans, Jean se souvient de “moments difficiles quand j’ai quitté le foyer de mes parents. J’ai passé trois ou quatre Noël seul chez moi. Quand t’entendais les bouchons de champagne à côté, et que toi t’es avec tes pâtes et ton jambon.” L’habitant du Cotentin explique que “depuis que j’ai une maison d'hôte, Noël c’est avec les amis du coin. Je leur ai proposé de venir pour Noël et le nouvel an.” Plusieurs d’entre eux sont LGBT.

Parmi ceux qui viendront cette année, il y aura Philippe, “que j’ai connu quand j’avais 21 ans. C’était mon petit ami. Je suis toujours resté ami avec lui, malgré des périodes où on s’est perdus de vue.” On comptera aussi Humbert “que j’ai rencontré dans une formation de jardinage il y a 10 ou 11 ans.” Alors que le gîte de Jean est devenu un point de rencontre entre personnes LGBT du coin, Noël s’est ainsi imposé dans leurs rendez-vous. Chaque année, “je passe deux trois jours à cuisiner. Depuis des années je fais le pain. De 20h à 22h on picore, puis on mange vers minuit, avec la bûche, le champagne, et la bise."

Safe Noël

Ces safe Noël sont aussi un moyen simple pour lui de se préserver de remarques désagréables. Il se souvient d’une année où “on a été invités avec mon mari en Haute-Loire chez des amis gays qui avaient des amis hétéros. On s’est fait chambrer.” Alors quand Jean fête Noël avec ses amis LGBT, “on se parle de nos amours, de nos problèmes. On se soutient les uns les autres. Il y a des gens qui dans leur cadre de travail ne sont pas toujours respectés du fait de leur sexualité.”

A LIRE AUSSI : Manuel de survie queer pour les fêtes de fin d'année en famille

Benoit considère qu’on peut durant ces retrouvailles “parler plus librement de la famille et ses relations conflictuelles. C’est un sujet où on peut plus se lâcher et dire les choses comme on le pense." Pour lui, les soirs de réveillon entouré par des amis LGBT c’est “comme dans n’importe quel contexte queer où c’est plus libéré, relaché. On peut parler de choses plus librement que avec ta famille qui peut être hétéro.” On éprouve là une “sensation de liberté où on peut parler de tout, ce qu’on a sur le cœur, de questions comme l’identité de genre.”. C’est selon lui le meilleur moyen d’éviter les fameuses "remarques homophobes du tonton bourré". 

Ambiance plus fun

Ces Noëls entre amis LGBT préservent aussi des ambiances moroses. Comme le dit bien Jean, les Noël en famille, “c’est pas toujours très folichon."  "Vers 22h30, 23h, ils vont se coucher. La dernière fois que j’ai fait Noël chez eux il y a quatre ans, avec mes parents, mon frère et mon frère adoptif c’était un peu pénible parce qu’on ne savait pas quoi se dire.

Jordan compare ses derniers Noël et ceux dont il entend parler : “Par rapport au Noël que les autres vivent, j’ai l’impression qu'à mes Noël à moi, il n’y a aucune dispute, aucune chose malaisante de dite. Une bonne ambiance. Je suis sûr qu’on va manger une raclette.” Au programme cette année? "On sera dans une grande maison où on va pouvoir investir l’espace, boire de l’alcool, parler politique, apprendre à se connaître... Et une de mes colocs m'a dit qu'elle aimerait danser."

L'esprit de Noël

Plus pragmatique, Gregory explique que Noël n’est “ni plus ni moins qu’un très bon dîner, parce qu’on s’accorde un budget plus large. Comme on est avec des amis que nous voyons régulièrement, les sujets de conversation seront un peu de tous les jours. Mais ce qu’il y aura sur la table est un peu plus élaboré" dit-il avec malice. Benoît considère que ces retrouvailles sont “Un Noël upgradé avec des gens que t’aime trop fort.” Un moment “où tu peux manger et boire comme tu veux sans que papa maman te jugent, où tu peux mettre de la musique.

Hors période de pandémie, “on pouvait même aller en club après.” Il se souvient d’une année où ses amis et lui sont allés à la Station à Paris. Un lieu “hyper queer” avec une ambiance qui ressemble peu à la messe de minuit : “C’était bien dark spectrum avec de la techno qui tape”. Cette année, Jordan annonce que “on va se faire des tatouages à Noël. Une de mes copines est tatoueuse. On va marquer le coup pour se rappeler de cette soirée.Ces soirées entre amis sont donc surtout l’occasion de vivre un moment spécial avec ceux qu’ils aiment retrouver toute l’année : “La famille qu’on s’est choisie et avec laquelle je vis la plupart du temps.” Et c'est pas ça, finalement, l'esprit de Noël ?