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NoëlManuel de survie queer pour les fêtes de fin d'année en famille

Par Rozenn Le Carboulec le 24/12/2018
fêtes de fin d'année

Ces jours-ci, comme à chaque fin d’année, tu te demandes comment survivre à Noël ou au Nouvel an en famille ? Comment faire face à ton oncle homophobe et aux débats sur la PMA, entre les petits fours et le foie (ou faux) gras ? Pas de panique : Têtu est là pour toi.

1. Si tu n’as pas fait ton coming-out

"Et alors, les amours ? Tu n’as pas un.e petit.e copin.e ?" Comme chaque année, la question revient dès les premiers échanges avec ta tante. Comme chaque année, tu te contentes de répondre avec un rire gêné. Tu joues sur ton côté pudique, sur le fait de ne pas avoir envie de parler de ta vie privée avec ta famille. Et tu sais quoi ? Ça marche.

Quel est le problème des gens, à vouloir te caser absolument ? Tu pourrais très bien être hétérosexuel.le (ça arrive même aux meilleur.e.s) et célibataire. La pression à être en couple à tout prix est épuisante, et rien ne te force à répondre à cette question. Au lieu de l’habituel "non", tu peux donc simplement rétorquer à ta tante que ça ne la regarde pas.

Tu peux aussi opter pour la stratégie qui consiste à mettre les pieds dans le plat : "Oui, et il/elle s'appelle X". Détrompe-toi, ça ne gâchera pas nécessairement la suite du repas. Il n’y a pas de bon ou de mauvais moment pour faire son coming-out, et on est parfois agréablement surpris par ceux que l’on redoute le plus.

Si tu n’en as ni l’envie ni le courage (ce qui est parfaitement compréhensible), contente-toi de lui retourner la question, ça marche à tous les coups : "Tu me demandes à chaque Noël, mais toi, tout va bien dans ton couple ?". Elle est peut-être au bord du divorce. Ou célibataire depuis que son grand amour du lycée l’a quittée. Crois-nous, elle changera donc rapidement de sujet.

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2. Si tu n’as pas d’enfants

C’est souvent la question qui suit celle des "amours". Surtout si tu passes le cap des 30 ans et que tu es une femme, on te renvoie sans cesse à ta sacro-sainte "horloge biologique". "C’est pour quand, les enfants ?"

Déjà, réponds-leur que tu n’es pas obligé.e d’en vouloir plusieurs. Même pas obligé.e d’en avoir un seul, d'ailleurs. C’est ton choix, pas celui de tes parents ou grands-parents. Et le fait d’être homo ou bi.e n’y est pour rien. Si tu avais été hétéro, tu en serais sûrement au même stade de ta vie. Tu privilégies les "plans cul" et les sorties en ce moment ? N'hésite pas à leur rappeler que tu préfères les grasses mat' aux couches sales (eux n'ont soit plus le temps de sortir, soit dépensé beaucoup trop en baby-sitter). Et qu'un bébé qui te vomit dessus tous les quatre matins, très peu pour toi. 

Si tu veux, en revanche, des enfants avec ta compagne ou ton compagnon, ou seul.e (rappelons que l'adoption, la coparentalité et on espère bientôt la PMA sont possibles en tant que célibataires), sache que tu es loin d’être une exception. Plus d’une personne LGBT en âge de procréer sur deux (52%) souhaite avoir un enfant au cours de sa vie, dont près de deux lesbiennes sur trois (62%), selon un sondage de l’Association des familles homoparentales (ADFH). Alors, réveille l'esprit militant qui sommeille en toi et mets ta famille à contribution en leur rétorquant : "J’en aurai quand vous militerez pour la PMA ou la GPA". Effet garanti.

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3. Si la PMA est au coeur des débats

On y vient ! Cette fameuse procréation médicalement assistée (PMA), de laquelle tout le monde débat. Et principalement ceux qu’elle ne concerne pas. Un rappel qui ne fait pas de mal entre deux part de bûche. N’hésite donc pas à monopoliser la parole sur le sujet, et d’autant plus si tu es lesbienne ou bisexuelle : tu as tous les droits. Enfin presque, justement. 

Les couples de femmes et les femmes seules n’ont pas attendu l’Etat français pour avoir des enfants via PMA. Et heureusement, car elles s’en mordraient les doigts maintenant. Les familles homoparentales existent déjà, reste à leur donner des droits pour protéger ces parents et ces enfants. Si des membres de ta famille sont contre, sache qu’ils représentent une minorité : les trois quarts des Français (75%) sont favorables à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions.

Entre deux gorgées de champagne, de clairette de Die ou de Champomy, montre leur ce très beau clip réalisé par SOS Homophobie. L’association met par ailleurs à disposition un kit « vrai/faux » pour répondre aux clichés sur la PMA, n’hésite pas à t’en inspirer.

A LIRE AUSSI : « L’égalité n’attend pas » : SOS Homophobie lance une campagne sur la PMA pour toutes

Dans son magazine paru le 21 novembre dernier, TÊTU a également publié un "petit kit de survie pour faire face aux débats sur la PMA" (page 84). File le consulter, il pourrait bien t’aider !

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4. Si tu as un oncle homophobe

Dis-toi qu'on en a tous un. Ou une tante, un père, une mère, une soeur, un frère... A moins que tu aies une famille parfaite, mais on sait toutes et tous que ça n’existe pas. Tu auras sûrement au début du mal à le remettre à sa place. Tu feras semblant de rire à ses blagues graveleuses, doublées de remarques homophobes ou transphobes, alors que tu rugiras intérieurement. Il aura peut-être même défilé aux côtés de la Manif pour tous, contre tes droits. Mais à part ça, il n’est pas LGBTphobe, non. On y croit.

Explique-lui que chaque agression, verbale ou physique, t’impacte directement. Que les personnes LGBT ont subi suffisamment de violences ces derniers temps, et qu’elles n’ont franchement pas besoin qu’on leur gâche, en plus, les fêtes de fin d’année.

N’hésite pas à lui dire que les actes LGBTphobes ont augmenté de 15% entre janvier et septembre 2018 par rapport à la même période en 2017. Le nombre d’appels sur la ligne d’écoute de SOS Homophobie a, quant à lui, explosé : plus 37% en septembre 2018 par rapport à septembre 2017.

Si tu es gay, il y a de grandes chances pour que ton oncle multiplie les allusions plus ou moins directes à la sodomie. Un très simple "Dis donc tonton, le sujet te travaille encore plus que moi, t'es sûr que t'as rien à nous dire ?" devrait le calmer jusqu'au dessert. Et s'il en remet une couche, n'hésite pas à jouer le/la prof relou en lui parlant longuement et en détails du sujet qui le passionne tant. En lui expliquant notamment que la sodomie, comme les antibiotiques, n'est pas automatique chez les gays. Tonton relou sera saoulé plus vite que tu ne le penses et évitera le sujet à l'avenir.

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5. Si tu ramènes ton copain / ta copine pour la première fois

Tu appréhendes ce moment depuis longtemps. Après un coming-out qui ne s’est pas trop mal passé, tu prévois de venir au repas de famille avec ton copain ou ta copine. Ou alors, tu comptes le/la ramener sans vraiment faire les présentations, en laissant ta famille croire que vous êtes simplement "ami.e.s" ou "colocataires". Plus c'est gros, plus ça passe. Dans tous les cas, ne l’abandonne pas en terre hétér-inconnue sans l’avoir briefé sur chaque membre de ta famille. Et reste de préférence à ses côtés.

Les couples homos ont trop tendance à se cacher, par peur de gêner, voire choquer. Mais c’est aussi en se montrant qu’on fait évoluer les gens. Tu as envie de l’embrasser, de lui tenir la main, de finir son reste de bûche avec sa propre petite cuillère, voire pire, de l’appeler par un de ces surnoms que tu trouves tellement mignon mais qui, à coup sûr, va faire déglutir ton grand-père ? Ne te retiens pas. Vous avez votre place au même titre que n’importe qui autour de la table. Ce n'est pas parce que tonton relou et tatie Danielle n'ont pas forniqué depuis Giscard que vous devez vous retenir de gestes de tendresse publique.

Sinon, tu peux aussi opter pour l’option lâcheté et l’abandonner dans la cuisine avec ta cousine Marie-Dominique, qui va l’adorer. Compte sur lui/elle pour se mettre tous les membres de ta famille dans la poche. Tu l’as peut-être sous-estimé.

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Crédit photo : Jon Olav Eikenes/Flickr.