Repris quelques jours avant le premier confinement, le Spijkerbar à Amsterdam risque de ne pas véritablement ouvrir. Ses propriétaires tirent la sonnette d'alarme.
C'est l'un des bar gay les plus anciens d'Amsterdam. Steven Koudijs et Tomas Adamer ont repris le Spikerbar le 1er mars 2020. Les deux repreneurs n'avaient pas anticipé qu'une pandémie mondiale allait les empêcher de lever le rideau de fer pendant un bon moment. Alors, pour protester et se faire entendre, ils ont retiré leur logo de la devanture et se sont rebaptisés... IKEA.
Un IKEA, avec son logo jaune et bleu, dans le centre-ville étriqué d'Amsterdam, bordé de ses canaux, ça interpelle ! Surtout quand il remplace le premier bar gay, fondé en 1978. "Au début, nous nous sommes dit que nous allions investir pour rénover le bar qui était un peu décrépi", explique Steven Koudijs à Euronews.
Une capacité d'accueil drastiquement limitée
Puis, entre juin et octobre, les propriétaires ont enfin pu servir des verres à leurs clients. Mais la capacité d'accueil a été limitée à 25 personnes maximum. "Nous avons eu la possibilité d'agrandir notre terrasse extérieure qui compense en partie la limitation d'accueil. Mais pour l'intérieur, nous avons dû embaucher un videur pour vérifier le nombre de personnes présentes", poursuit-il depuis son bar vide.
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Depuis la mi-octobre, le bar a dû fermer de nouveau et les charges se sont accumulées. "Le loyer est de 5.500 euros par mois. Nous avons également fait un emprunt de 200.000 euros pour le matériel, avec un taux d'intérêts de 6%", se désole-t-il. Au total, il doit payer 10.000 à 12.000 euros chaque mois pour que l'établissement ne ferme pas définitivement.
Une cagnotte de crowdfunding
"On ne peut pas tenir comme ça bien longtemps. Janvier et février vont être vraiment difficiles, après, il faut qu'on puisse rouvrir", souffle le propriétaire. Pour recevoir des aides, il a besoin de montrer le chiffre d'affaire du bar des mois précédents... Mais impossible pour lui qui vient d'ouvrir. "Je pourrais éventuellement utiliser le résultat de l'ancien propriétaire, mais il a quitté le pays", explique Steven Koudijs à l'agence de presse européenne.
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Alors, en décembre, il a décidé de recouvrir le Spijkerbar du logo IKEA. En même temps, il a lancé une campagne de crowdfunding, qui lui a rapporté 15.000 euros sur les 60.000 euros dont il a besoin. Il a changé de nom non pas pour pouvoir rester ouvert, comme d'autres grands magasins. Mais il veut attirer l'attention sur la difficulté de sa situation.
Un deux poids, deux mesures
"De grands magasins sont ouverts, avec de nombreux clients qui ne peuvent pas respecter la distance sanitaire. Je veux pas blâmer les gérants, mais s'il y a un confinement, il doit s'appliquer à tous. Ensuite, on voulait montrer que le centre-ville change énormément avec des magasins de grandes marques. Je trouve ça terrifiant qu'on ne puisse pas protéger un endroit aussi fou et cozy que le Spijkerbar", insiste le gérant.
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"Tous les commerces non-essentiels sont fermés. Les cafés ne font pas exception. La seule possibilité pour eux de rester ouvert, c'est de changer de type d'entreprise. Pendant le confinement, ça voudrait dire qu'un bar ou un restaurant pourrait devenir un magasin alimentaire. Dans ce cas, il n'aurait pas besoin de demander une nouvelle licence commerciale", indique à la même source Eva Plijter, une porte-parole de la ville d'Amsterdam qui ajoute que la vente à emporter est aussi autorisée.
Plus qu'un commerce, un esprit de liberté
"Nos clients viennent nous voir pour la chaleur, pour boire une bière et jouer au billard. La plupart d'entre-eux sont des habitués. Le Spijkerbar, c'est un peu leur salon, et représente une grande partie de leur vie sociale", indique le gérant. "Depuis 1978, ce bar symbolise la liberté. Ici, tout le monde est accueilli sans peur, sans jugement, sans exclusion ou rejet. J'espère que cet esprit de liberté pourra perdurer", ajoute le propriétaire du lieu.
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La France, elle non plus n'est pas épargnée. Paris en particulier où de nombreux lieux emblématiques des nuits queer pourraient mettre la clef sous la porte. Les propriétaires des établissements disent être criblés de dettes, notamment à cause des loyers trop élevés. TÊTU a dévoilé que Le Gibus, Le Tango, Le Banana café, Le Depot ou encore La Mutinerie sont dans une situation très compliquée après dix mois de fermeture.
Crédit photo : Capture d'écran Youtube / De Telegraaf