Enfants nés d'une GPA à l'étranger : pourquoi les associations homoparentales s'inquiètent

Par Nicolas Scheffer le 29/01/2021
GPA

Alors que la Cour de cassation oblige la transcription automatique des états-civils, le projet de loi bioéthique veut obliger le parent d'intention d'adopter son propre enfant né d'une GPA. Une situation qui contrevient à l'intérêt de ces enfants.

Les familles homoparentales auront-elles bientôt moins de droits ? Dans une tribune publiée par Liberation, un collectif d'associations interpelle les parlementaires sur les droits des enfants nés d'une Gestation pour autrui (GPA) à l'étranger. La loi bioéthique pourrait obliger le parent non-biologique à adopter son propre enfant.

Des enfants "privés de protection"

"Nombreuses sont les personnes qui se sont mobilisées pour que les enfants nés par GPA ne soient pas discriminés dans leurs droits fondamentaux : l’identité, la filiation et la nationalité. Au motif que la GPA est interdite sur le sol français, des mécanismes insensés sont venus priver de protection ces enfants pourtant nés dans des pays étrangers où une telle pratique est légale et encadrée", écrivent les auteurs de la tribune.

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Ils rappellent qu'après plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), la Cour de cassation a fait évoluer l'arsenal juridique. En 2015, "elle a autorisé la reconnaissance de la filiation envers le père présumé biologique. Puis, en juillet 2017, elle a également ouvert la voie à l’adoption de l’enfant par le conjoint du père", rappellent les militants.

Une jurisprudence balayée

Mais il restait une discrimination : le parent d'intention devait adopter son propre enfant, alors qu'il était reconnu dans le pays de conception de l'enfant. "Pourquoi ces enfants devraient-ils subir une insécurité juridique durant la procédure d’adoption, souvent longue, chaotique et légalement impossible dans certaines configurations familiales (veuvage, divorce, séparation, maman solo, couple de concubins ou de pacsés) ?", demandent les associations. Le ministère de la justice a promis une circulaire, pour faciliter les démarches. Le ministère de la justice n'a jamais répondu aux questions de TÊTU sur les contours de cette circulaire.

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En décembre 2019, la Cour de cassation a décidé que l'acte de naissance étranger devait être intégralement transcrit, pour les couples homos comme hétéros. "Une solution satisfaisante a été trouvée par la Cour de cassation pour respecter les droits des enfants : permettre à ces enfants d’être inscrits sur le livret de famille de leurs parents, en application de la loi commune, sans aucun passe-droit", jugent les auteurs de la tribune. Plusieurs centaines d'enfants sont concernés par cette décision.

L'article 4bis en question

Malgré cette décision qui est dans l'intérêt supérieur de l'enfant, elle est menacée par l'article 4bis du projet de loi bioéthique. Ce projet de loi arrive en seconde lecture au Sénat en séance plénière à partir du 2 février. Lors de son passage à l'Assemblée, le gouvernement a soutenu un retour en arrière obligeant l'adoption intraconjugale pour le parent non-biologique. "Il s’agit de tenter de dissuader les couples d’avoir recours à la GPA en punissant les enfants, un raisonnement que pourtant la CEDH condamne", regrettent les militants.

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Les associations appellent les sénateurs à revenir sur cette formulation, "au nom de l'intérêt supérieur de ces enfants". Mais à la chambre haute, Les Républicains, farouchement opposé à la GPA, sont majoritaires. La plupart veulent amoindrir un texte déjà en deçà des espérances.

 

Crédit photo : Zach Vessels / Unsplash