TunisieEn Tunisie, des militants se mobilisent après l'arrestation d'une activiste queer

Par Nicolas Scheffer le 03/03/2021
Tunisie

Un sit-in a eu lieu ce lundi devant le tribunal de Tunis pour réclamer la libération de Rania Amdouni. L'activiste queer est harcelée depuis des semaines par la population et, selon elle, par la police.

"Ma vie est menacée, je ne me sens plus en sécurité, même dans mon appartement. La police est venue me chercher dans mon quartier. Ma sécurité physique est menacée et ma santé mentale se détériore. Les gens me fixent du regard dans la rue et me harcèlent en ligne",  disait il y a quelques jours Rania Amdouni, jeune activiste féministe queer à Human Rights Watch. Après son arrestation le 27 février en Tunisie, un sit-in a été organisé lundi 1er mars devant le tribunal de Tunis pour demander sa libération.

Un visage de la contestation

Depuis le début de l'année, Rania Amdouni est devenu l'un des visages de la lutte pour les droits LGBTQI+ en Tunisie, indique Courrier International. Résultat, depuis janvier, Rania Amdouni a reçu des centaines de messages injurieux sur Facebook. "Elle y était menacée en raison de son activisme en faveur des droits des LGBT+ et de son expression de genre", note Human Rights Watch.

Fin janvier, lors d'une manifestation, des forces de l'ordre l'ont frappé à la poitrine. Elle a indiqué à l'ONG avoir été traitée par les policiers de "pédé" qui "défend les sodomites". Une semaine plus tard, un groupe d'hommes l'aurait attaquée après qu'elle a hissé un drapeau arc-en-ciel lors d'une manifestation à Tunis. La police se serait moquée d'elle, mais n'est pas intervenue. L'ONG de défense des droits de l'homme pointe qu'en janvier, des policiers se sont rendus au domicile de la jeune activiste. Après ces intimidations, elle a quitté son quartier et a voulu se cacher. Elle a également supprimé ses comptes des réseaux sociaux.

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"Nous appelons à sa libération immédiate"

Le 27 janvier, la jeune femme s'est rendue dans un commissariat pour porter plainte contre le harcèlement dont elle est victime, écrit Business News, l'un des quotidiens économiques tunisiens. Mais "au lieu d'enregistrer sa plainte (...), ils l'ont arrêtée !", regrette l'association LGBTQI+ Damj, citée par Kapitalis.

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Dans un communiqué, l'association ajoute que Rania Amdouni "est aujourd'hui dans la prison de Manouba, en attendant son renvoi devant le tribunal de Tunis pour être jugée pour atteinte à la pudeur (...) Nous appelons à sa libération immédiate, inconditionnelle et l'abandon des charges contre elle. Nous demandons sa protection, un suivi sanitaire et psychologique." Un nouveau rassemblement est prévu le 4 mars, date à laquelle Rania Amdouni doit être jugée.

En Tunisien, les activistes harcelés par la police

"Les activistes LGBTI qui persistent à manifester sont terrifiés à l'idée que les forces de sécurité les identifient pendant les rassemblements, les regroupent et les maltraitent en toute impunité",  déclare Rasha Younes, chercheuse auprès du programme droits des LGBT à HRW. "Les forces de sécurité ont pour obligation de protéger le droit de manifester pacifiquement, et non de harceler les activistes dont l’engagement audacieux a contribué à la réputation de la Tunisie en tant que leader régional dans ses progrès en matière de droits humains."

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En Tunisie, les droits des personnes LGBTQI+ ne sont toujours pas reconnus. Le pays pratique encore régulièrement les "tests anaux" pour "prouver l'homosexualité" masculine. L'homosexualité toujours sévèrement réprimée par la loi. Chaque année, des personnes sont arrêtées et condamnées pour leur orientation sexuelle. Le Collectif civil pour les libertés individuelles a recensé 120 procès pour homosexualité en 2019.

 

Crédit photo : Capture d'écran Instagram / @femmes_democrates