justiceLe parquet général soutient une femme transgenre qui veut être reconnue comme mère

Par Nicolas Scheffer le 12/04/2021
Toulouse

Le parquet général de la Cour d'appel de Toulouse souhaite que les juges reconnaissent une femme transgenre comme mère. La décision doit être rendue en septembre.

Le parquet général a émis un avis favorable. S'il est suivi par la Cour d'appel de Toulouse, ce serait une première en France. Claire (prénom modifié) est une femme transgenre. Cette mère demande aujourd'hui à l'état civil d'être reconnue comme mère et non comme père de sa fille de six ans.

"Claire est une femme à l'état-civil, elle est parent biologique de l'enfant, donc elle doit apparaître comme mère sur l'acte de naissance de l'enfant", remarque son avocate, maitre Clélia Richard. Pour qu'elle soit reconnue comme mère, la justice a conseillé aux parents de passer par une procédure d'adoption. "Elle ne pouvait pas adopter un enfant qu'elle avait conçu !", s'emporte l'avocate.

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Cette mère doit affronter un parcours du combattant judiciaire. En 2016, en première instance, le tribunal de grande instance de Montpellier a rejeté sa demande. Puis, en 2018, la Cour d'appel de Montpellier lui a accordé le statut de "parent biologique". Le jugement avait alors été cassé par la Cour de cassation, en septembre dernier.

Un "rendez-vous manqué"

L'avocate avait alors parlé de "scandale", de "rendez-vous manqué". Elle a donc fait appel à Toulouse. La Cour devra rendre sa décision en septembre après une audience devant les cinq juges de la chambre civile en juin. "C'est une procédure qui présente de forts enjeux de société et soulève des questions juridiques complexes, qu'il appartient désormais à la Cour d'appel de Toulouse de trancher", remarque auprès de l'AFP Franck Rastoul, le procureur général de Toulouse.

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Il plaidera en faveur de cette mère car il estime que Claire "doit pouvoir figurer sur l'acte de naissance de l'enfant en qualité de mère". Selon les réquisition du procureur, c'est dans l'intérêt de l'enfant de pouvoir "mener une vie familiale normale, conforme à l'identité de genre et à l'état-civil de ses deux parents".

Des réquisitions qui enthousiasment l'avocate de Claire. "Les conclusions du parquet général sont plutôt satisfaisantes, l'essentiel pour nous c'est d'avoir une filiation maternelle établie", insiste-t-elle. Mais rien est joué : en juin 2020, le parquet général avait déjà plaidé en faveur de Claire, mais n'avait pas été suivi par les juges.

"On refuse l'application de la loi"

En cas de décision négative de la part de la Cour d'appel, l'avocate avait déjà annoncé aller jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme. "La Cour européenne des droits de l'Homme a été saisie de cas, en Allemagne et au Royaume-Uni, d'enfants nés après la transition et dont la filiation a été établie sur la base du sexe d'origine. J'espère que la France va donner l'exemple", souligne-t-elle.

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"Ce qui nous choque, c'est qu'il faille passer par la justice pour établir la filiation", regrette Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (AGPL). On lui refuse l'application de la loi, puisque la loi devrait lui reconnaitre le statut de mère en tant que parent biologique et femme à l'état civil. On marche sur la tête." Pour l'AGPL, "la France stagne par rapport à d'autres pays qui font évoluer leur législation. On espère que cela va évoluer très vite et qu'elle pourra avoir gain de cause devant la Cour d'appel, ce serait une victoire".

 

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