RussieEn Russie, Ioulia Tsvetkova est poursuivie pour "pornographie" après des dessins féministes et pro-LGBT+

Par Nicolas Scheffer le 13/04/2021
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Une artiste est poursuivie en Russie pour avoir diffusé des dessins "pornographiques" de femmes nues ou dénudées. Ioulia Tsvetkova risque jusqu'à six ans de prison.

À 27 ans, Ioulia Tsvetkova encourt jusqu'à six ans de prison en Russie. Elle est poursuivie pour "fabrication et diffusion illégale matériaux pornographiques (sic)". Son procès, qui a débuté ce lundi 12 avril, se déroule à huis clos car les images dites "pornographiques" - à l'origine du procès -  y seront diffusées. Résultat, la jeune artiste n'a pas non plus le droit de communiquer à propos du contenu de son accusation.

Des dessins de femmes dénudés

Ses amis ont tout de même indiqué qu'elle est poursuivie pour des dessins de femmes nues ou dénudées publiés en 2019 sur le réseau social VKontakte. "Les femmes vivantes ont des poils sur le corps, et c'est normal !", pointait la légende d'une illustration. On pouvait y voir une femme nue avec des poils sur les jambes et le pubis.

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D'autres dessins montraient "une femme avec du ventre, et c'est normal !", quand une autre était présentée avec des rides. La série s'intitulait "La femme n'est pas une poupée". À trois reprises, l'affaire a été renvoyée par le procureur aux enquêteurs pour réexamen. Elle a finalement été confirmée et transmise à la justice en février dernier.

Deux amendes pour "propagande homosexuelle"

Ioulia Tsvetkova, résidant à Komsomolsk-sur-l’Amour à 8.500 km de Moscou, a déjà été condamnée pour des publications sur internet. Deux fois, elle a reçu une amende pour "propagande homosexuelle". À l'époque, elle indiquait son intention de faire appel de ces condamnations. Elle avait notamment publié un dessin représentent deux matriochkas amoureuses, se tenant la main en dessous d'un arc-en-ciel. Sur un autre, elle avait représenté la cathédrale Saint-Basile de Moscou avec le mot "LGBT". Ces dessins étaient publiés sur un groupe Facebook interdit aux mineurs.

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En juillet dernier, une enquête a également été ouverte après qu'Ioulia Tsvetkova a publié un message dénonçant la révision constitutionnelle engagée par Vladimir Poutine. Cette révision inscrit notamment dans la Constitution que le mariage est "l'union d'un homme et d'une femme". Elle offre également des pouvoirs supplémentaires au président russe.

"Ici, toute forme d’activisme fait peurJ’avais déjà eu des problèmes après avoir organisé une leçon sur le goulag au centre communautaire, et une autre fois pour une discussion sur la guerre… Mais les accusations à caractère 'sexuel' sont faites pour effrayer, pour faire honte", témoignait, dans un article du Monde Ioulia Tsvetkova, il y a un an.

Amnesty International inquiète

"Les autorités russes doivent cesser de vouloir cacher cette absurdité kafkaïenne derrière des portes closes, et garantir son droit de bénéficier d’un procès public. Nous appelons à nouveau la Russie à abandonner immédiatement toutes les charges pesant sur Ioulia Tsvetkova, à arrêter de prendre pour cible les féministes, les défenseur·e·s des droits des LGBTI et les autres militant·e·s, et à garantir la liberté artistique de toutes les personnes", a indiqué dans un communiqué Natalia Zviaguina, la directrice du bureau moscovite d’Amnesty International.

La mère de la militante, Anna Khodyreva, a dénoncé auprès de l'AFP que le procès soit tenu à huis clos. Elle n'a donc pas pu y assister. "Tout est fait pour nous ayons le moins d'informations possible", regrette-t-elle.

"Cette procédure s'inscrit dans un mouvement de harcèlement des personnes LGBTI en Russie. La loi de 2013 qui interdit la 'propagande homosexuelle' renforce la stigmatisation. Comme le rappelle la Cour européenne des droits de l'homme, cette loi est 'incompatible avec les valeurs d'une société démocratique'. Non seulement cette procédure est absurde et injuste, mais elle a aussi des répercussions dramatiques sur la santé mentale de Ioulia Tsvetkova, puisqu'elle a été assignée à résidence pendant 5 mois et qu'elle risque six ans de prison", regrette auprès de TÊTU Sebastien Tüller, responsable des questions LGBTI à Amnesty International.

 

Crédit photo : Capture d'écran Facebook / Yulia Tsvetkova