Cette loi russe vise à interdire le changement d'état civil pour les personnes trans. Elle pourrait avoir un effet rétroactif et empêcher les mariages de couples hétéros.
La Russie va proposer des amendements au Code de la famille pour "renforcer l'institution familiale". Mais c'est surtout une occasion supplémentaire pour l'exécutif de rendre la vie des personnes trans encore plus impossible. Cette nouvelle loi prévoit de leur interdire de changer de genre sur leur état civil et empêchera les couples hétéros de se marier. Elle devrait même avoir un effet rétroactif.
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Dans ce pays, les personnes transgenres sont considérées comme "malades mentales" et n'ont même pas le droit de conduire. Cette loi "Mizulina", du nom de la parlementaire conservatrice Yelena Mizulina qui la porte, doit être débattu à la Duma en septembre. En 2013, Yelena Mizulina a réussi à faire voter l'interdiction de "la propagande gay" et à décriminaliser les violences conjugales. En juillet, elle a défendu des amendements constitutionnels pour définir la famille comme hétéro et empêcher les mariages et l'adoption de couples homo.
"Ils croient que les gens changent d'état civil pour se marier"
En empêchant le changement d'état civil, les législateurs interdisent de fait aux couples hétéros avec une personne trans, de se marier. "Dans leur tête, ils croient que les gens changent d'état civil pour pouvoir se marier. Je ne vois pas d'autre explication", explique Tatiana Glushkova, une juriste du Projet de défense des droits des personnes transgenres (Transgender Legal Defense Project), citée par le Moscow Times.
Pour les juristes, ces amendements ouvrent une boite de Pandore dans le harcèlement des personnes trans. Certains pointent que l'impossibilité de changer d'état civil va avoir un effet rétroactif auprès des personnes qui ont déjà fait le changement administratif. Elles pourraient se voir assigner leur genre de naissance, même si aujourd'hui, l'administration reconnaît leur véritable genre. Jusqu'en 2018, le changement de genre était décidé au cas par cas.
Fragilité législative
Après un diagnostic psychiatrique, les personnes trans doivent se rendre à l'état civil. Alors que certaines administrations effectuent la modification immédiatement, d'autres demandent un jugement d'une Cour de justice. Si la loi passe en l'état, les citoyens devront refaire les démarches en sens inverse afin d'être enregistrées dans le genre qui leur a été assigné à la naissance, avant le 1er janvier 2022.
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"Cela montre que les parlementaires ne savent même pas le processus de changement d'état civil en Russie, explique Tatiana Glushkova. Sans parler de l'atteinte aux droits humains, ces amendements ne tiennent pas la route techniquement". Pour l'heure, il n'est pas sûr que les mariages de personnes trans seront annulés rétroactivement.
Les LGBT, des citoyens de seconde zone
Yekaterina Messorosh, une activiste trans du T-Action dénonce le signal de l'État russe à la communauté LGBT+. "Le but principal est de considérer les personnes LGBT+ (et dans ce cas particulièrement les personnes trans) comme des citoyens de seconde zone", explique-t-elle. "Si l'Etat abaisse les droits des trans, beaucoup de Russes y verront une raison pour nous traiter de la même manière", craint Alan Leongard, un moscovite de 25 ans.
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