Le Conseil d'État a retiré le Bénin, le Sénégal et le Ghana d'une liste de "pays sûrs" de l'Ofpra. Ces États pénalisent et discriminent leurs ressortissants LGBTQI+, rappelle la juridiction administrative.
Le Bénin, le Sénégal et le Ghana ne font plus partie des pays dits "sûrs" de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le Conseil d'État a retiré ces trois États africains d'une liste de 16 pays qui n'avait pas été mise à jour depuis 2015. Cette liste permet à la France de refuser les recours des demandeurs d'asile des nationalités concernées. Cette décision, rendue vendredi 2 juillet et motivée notamment par la protection des personnes LGBTQI+, devrait permettre de faciliter la procédure d'asile en France. Cela fait suite à une plainte de plusieurs associations, dont l'Ardhis, qui accusaient en 2019 l'institution de ne pas avoir mis sa liste à jour - alors que la situation des personnes LGBT+ dans ces pays se dégradait.
Des pays qui discriminent les personnes LGBTQI+
Au Sénégal et au Ghana, l'homosexualité est pénalisée et au Bénin, les personnes LGBTQI+ sont très régulièrement discriminées. La semaine dernière, la justice béninoise a condamné pour la première fois un homme à six mois de prison ferme pour s'en être pris à trois femmes transgenres, rapporte RFI. En mai dernier au Sénégal, une manifestation demandait d'augmenter les peines pour homosexualité. Le gouvernement a assuré qu'il ne légaliserait "jamais" l'homosexualité. Au Ghana, une candidate à l'élection présidentielle promettait, en décembre dernier, d'enfermer les homos dans des cellules séparées pour éviter des "actes abjects".
"Compte tenu de l'existence de dispositions législatives pénalisant les relations homosexuelles au Sénégal et au Ghana et de la persistance de comportements, encouragés, favorisés ou simplement tolérés par les autorités de ces pays, conduisant à ce que des personnes puissent effectivement craindre d'y être exposées à (des) risques, l'Ofpra ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, tenir ces États pour des pays d'origine sûrs dans l'examen des demandes présentées par leurs ressortissants", déplore la décision de justice.
Une interprétation limitée
"Une victoire en demi-teinte", regrette Aude Le Mouellec-Rieu, présidente de l'Ardhis, association de défense des demandeurs d'asile LGBTQI+. "On se réjouit que le Conseil d'État ait respecté l'esprit de la loi en retirant de cette liste les pays qui pénalisent l'homosexualité. Néanmoins, il fait une interprétation limitée de cette problématique, puisque les personnes LGBTQI+ subissent des persécutions intrafamiliales, sociétales, qui ne sont pas seulement de l'ordre du légal", juge la militante. Selon elle, la "totalité de la liste aurait dû être abrogée".
Cette décision "améliore les garanties procédurales et les conditions d'accueil pour les ressortissants de ces pays", se félicite le Forum réfugiés-Cosi, autre association impliquée dans le dossier. Ces trois pays représentent moins de 2.000 demandeurs d'asile en 2020 dont 1.600 pour le Sénégal.
Des procédures d'éloignement caduques
Ce retrait est surtout rétroactif. Conséquence, les décisions d'éloignement prises contre ces personnes, toujours en phase de recours, sont caduques, indique Forum réfugiés-Cosi. Tout comme les aides financières "qui doivent donc être rétablies", poursuit l'asso.
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Les demandes fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre "font l'objet d'une attention particulière" de la part d'agents "spécifiquement formés à ces problématiques relevant de l'intime", assure l'Ofpra. L'office "prend acte" de la décision du Conseil d'État et affirme que cette décision "n'a aucune incidence (...) sur la possibilité pour ces ressortissants de bénéficier du statut de réfugié (...) quand un examen fait apparaître un besoin de protection".
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