Parce qu'on adore sa pop, sa musique et ses engagements, Hoshi méritait bien une couv' et un poster dans notre numéro Fierté. têtu· a donc rencontré la jeune artiste, avec qui on a discuté harcèlement, scène francophone musicale lesbienne, et amour évidemment.
Elle a signé l’hymne populaire le plus queer et engagé de tout l’Hexagone. Avec son entêtant “Amour censure”, Hoshi épingle les comportements LGBTphobes et se positionne ainsi comme l’une des jeunes voix militantes dont la scène musicale contemporaine a besoin. Mais l’artiste n’a pas toujours désiré ce rôle de porte-étendard. En vérité, elle l’a même fui pendant un temps. “Une question de légitimité”, confie-t-elle. Ses doutes se conjuguent désormais au passé. En 2021, Hoshi n’a plus peur de revendiquer qui elle est ni ce qu’elle représente. Une hardiesse qu’elle véhicule dans sa musique en prônant des valeurs essentielles comme l’amour de soi, de l’autre, de la planète, et de cette communauté à laquelle elle est plus que jamais fière d’appartenir. Elle le prouve avec Étoile flippante, une réédition de Sommeil levant.
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Si, à 15 ans, on t’avait dit que tu deviendrais une chanteuse populaire et ouvertement lesbienne, comment aurais-tu réagi ?
J’aurais dit : “Arrête tes conneries.” (Rires.) Déjà, prendre une guitare et chanter devant des gens, c’était un enfer pour moi. Alors assumer ouvertement qui j’étais, ce n’était même pas envisageable à l’époque.
Et ça te fait quoi d’avoir un poster de toi dans têtu· ?
Je suis vraiment honorée, c’est incroyable !
Tu reviens avec Étoile flippante, une réédition de Sommeil levant comportant 13 morceaux inédits. Comment les as-tu sélectionnés ?
Je les ai tous créés pendant le confinement, dans le prolongement de Sommeil levant, après sa sortie. Ils n’auraient pas pu constituer un album à part entière. Ce sont vraiment des titres qui manquaient à l’album. Certains sont intimistes, notamment un en guitare-voix et un autre en piano-voix, et d’autres tabassent un peu plus.
Hoshi, c’est ton nom de scène. Sinon, tu t’appelles Mathilde. Fais-tu la distinction entre ces deux parties de toi ?
En réalité, il y a très peu de différences. Je suis peut-être moins timide quand je suis dans mon personnage. Mathilde ne pourrait pas monter sur scène. La musique m’a sortie de ma bulle de timidité. Mais, même aujourd’hui, si on va dans un bar et que tu me demandes de prendre une guitare et de chanter, ça va me faire très peur. J’ai d’ailleurs horreur de chanter dans une soirée devant des gens.
Pas de soirées karaoké pour toi ?
Oh non ! J’en ai quand même fait une il y a plus d’un an. En plus, j’étais un peu pompette… Je n’en garde pas un très bon souvenir !
Avec ton single “Amour censure”, tu t’es clairement positionnée comme une porte-parole de la cause LGBTQ+. C’était évident pour toi ?
Il a d’abord fallu concevoir le morceau, et ça a été éprouvant. Je savais qu’en sortant cette chanson on allait ensuite me poser des questions. J’ai hésité entre la sortir en ne disant rien, ou bien accepter de raconter toute l’histoire qu’il y avait derrière. Ce que j’ai fait. Forcément, ça a été un peu difficile au début mais, en réalité, ça m’a libérée.
A-t-on tenté de te dissuader de sortir ce titre ?
Mon label ne m’a jamais poussée à sortir “Amour censure”, mais il ne m’en a pas empêchée non plus. Il y a eu une sorte d’accord entre nous. En revanche, mes parents ont versé une larme quand je leur ai fait écouter le morceau. Ma grand-mère, elle, l’écoutait en boucle sans comprendre le fond. Elle a compris que j’étais lesbienne quand j’ai reçu toute cette haine, après avoir demandé à ma mère ce que le mot “homophobe” voulait dire.
Te rappelles-tu du tout premier coming out que tu as fait ?
C’était au collège, sur Skyblog. (Rires.) J’avais un blog privé, où je postais à la façon d’un journal intime. J’avais quelques amis qui me suivaient et j’ai pu en discuter avec eux. C’était cool, car personne ne l’a mal pris. J’ai eu de la chance. Dans mon noyau, c’était accepté. Ce sont plutôt les gens autour qui ont posé problème…
Tu as connu la lesbophobie dès l’adolescence. Comment es-tu parvenue à te construire ?
Avec du recul, je pense que je m’y suis mal prise. Quand je me suis fait agresser, à 15 ans, ça a été violent. J’ai porté plainte, et la personne a eu un rappel à la loi. Après ça, je me suis dit que c’était réglé et que j’allais bien. Mais, de longues années plus tard, quasiment au moment de l’écriture d’“Amour censure”, je me suis finalement rendu compte que ce n’était pas le cas. Ce titre a vraiment été ma thérapie. Maintenant, je peux en parler librement.
Tu as aussi été victime de cyberharcèlement. Tu restes malgré tout présente sur les réseaux sociaux ?
C’est facile d’être accro aux réseaux, donc j’essaie de me limiter. À cause du harcèlement dont j’ai été victime après les Victoires de la musique, j’ai d’ailleurs réduit le nombre de stories que je poste. À l’époque, je n’en mettais déjà plus des endroits où j’étais, parce que j’avais peur qu’on me retrouve. J’ai reçu des menaces de mort. Et j’en reçois encore.
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Comment gères-tu ces déferlements de haine ?
C’est dur pour moi, mais ça l’est aussi pour mon entourage. Ma mère peut faire une crise d’angoisse dès qu’elle voit quelque chose de négatif à mon propos. Des gens ont également tenté de la trouver. C’est parti très loin. Depuis que j’ai porté plainte, j’ai l’impression que ça les a calmés. L’enquête est toujours en cours, et il va y avoir un procès. Je ne veux pas lâcher, parce que je tiens à ce que cette histoire serve d’exemple.
Aujourd’hui tu écris des chansons sur ton amour des femmes. Te souviens-tu de celle qui t’a fait te poser des questions ?
Quand j’ai acheté l’album Paradize d’Indochine, je devais avoir 8 ans, j’étais petite. La pochette, c’était une meuf à poil. Je me disais que ça avait l’air cool. (Rires.) J’ai beaucoup écouté la chanson “Marilyn”, qui parle un peu de cette recherche identitaire. J’avais l’impression que ça abordait les questions que je me posais, et ça m’a permis de relativiser. La visibilité n’était pas celle que l’on a aujourd’hui.
La scène musicale francophone lesbienne est de plus en plus importante : Angèle, Suzane, Pomme…
Il y a quinze ans, on n’avait pas de représentantes. Nous sommes donc ces enfants qui ont grandi et qui ont manqué de ça. Aujourd’hui, on se permet de faire les choses parce qu’on sait que c’est devenu possible. Pouvoir être lesbiennes et faire de la musique, c’est une liberté que toutes n’ont pas eue avant nous. On rattrape le temps perdu.
Te sens-tu proche d’elles ?
Bien sûr ! On s’entend toutes très bien. J’ai eu la chance de faire plusieurs concerts avec Angèle durant l’été 2019, et Suzane a déjà fait mes premières parties. C’est une vraie pote. Pomme, je la connais moins, mais il nous arrive de discuter de temps en temps. Ensemble, on se sent forcément moins seules. On ne se parle pas tous les jours mais on sait qu’on sera toutes présentes s’il arrive quelque chose à l’une d’entre nous. Il y a une vraie solidarité.
Souvent, vous hésitez à être des “porte-drapeaux”. Pourquoi ?
Pour ma part, j’avais peur de ne pas pouvoir assumer ce rôle. Il y a beaucoup de gens qui parlent mieux que moi, et dont c’est d’ailleurs le métier de défendre les droits LGBTQ+. Donc c’était avant tout une question de légitimité. Mais, en y réfléchissant bien, je pense que faire de la musique et défendre ces causes vont ensemble. Derrière nos personnages, nous sommes des êtres humains. En tant que femme lesbienne en France, j’ai aussi envie de défendre ce que je suis au-delà de ma musique. Et si ça peut aider des jeunes à aller mieux, je le fais avec d’autant plus de plaisir.
Tu te sens proche de la communauté lesbienne ?
C’est une communauté à laquelle j’appartiens. À la base, je suis quelqu’un qui aime bien sortir, même si c’est devenu compliqué depuis quelque temps. J’ai mes petites adresses, et je sortais à pas mal de soirées queers. C’est important de pouvoir se réunir, notamment pour des combats comme la PMA pour toutes. J’ai fait plusieurs manifestations, secrètement parfois, parce que ça me tient fortement à cœur.
Que penses-tu de l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la PMA pour toutes ?
J’ai cru qu’il allait se passer quelque chose de cool en 2020. Puis le Covid-19 est arrivé, et la PMA pour toutes est complètement passée à la trappe. Le pire, c’est que La Manif pour tous continue ses actions, et que l’État le tolère. Le sentiment d’oppression que suscitent ces personnes est toujours là. Je reçois d’ailleurs quotidiennement des messages d’inconnus qui me disent : “La PMA ne va pas passer.” C’est limite devenu un outil de provocation, et ça me fait mal au cœur.
As-tu envie d’avoir des enfants un jour ?
Je ne suis pas encore fixée sur cette question-là. Je ne ressens pas non plus de pression, mais je veux en tout cas avoir le choix d’avoir un enfant ou pas. S’il peut être conçu en France, c’est encore mieux, car j’aime mon pays.
Il y a une autre cause qui te touche : l’écologie, dont tu parles sur ton titre “Enfants du danger”…
C’est vraiment quelque chose d’important pour moi. Il y a toujours des gens pour dire qu’on s’en fiche de l’écologie et qu’il faut absolument manger de la viande. Ce sont des boomers, pour la plupart. (Rires.) Mais il faut se rappeler qu’on vit sur la Terre. Pour moi, en prendre soin n’est même plus un engagement : c’est une obligation. Ça passe par des gestes quotidiens, de la vigilance lorsqu’on fait nos courses… Il ne faut plus penser qu’à sa poire, et les gens commencent à ouvrir les yeux là-dessus. Après, notre mobilisation se fait à petite échelle. C’est à l’État et aux personnes haut placées d’agir et de prendre le relais.
Tu n’es donc pas seulement une voix pour la communauté LGBTQ+, tu l’es aussi pour la jeunesse…
Au-delà de mon orientation sexuelle, des jeunes s’identifient à moi pour mes engagements. Mais j’ai l’impression que ma musique est encore plus fédératrice que ça. Dans mes concerts, c’est très éclectique : j’ai des enfants, des ados, des parents et des grands-parents. On me dit parfois que mes morceaux permettent à des plus jeunes d’entamer des discussions avec leurs parents. Si je peux servir à ça, c’est cool.
Sur ton titre “Migracœur”, tu parles d’idylles éphémères. Tu es plutôt en mode “migracœur” ou bien ton cœur n’est plus à prendre ?
Mon cœur est complètement pris par Gia. (Rires.) J’en parle un peu sur mes réseaux. Je l’ai rencontrée il y a quatre ans, et on ne s’est jamais quittées. C’est aussi ma manageuse. Avant, je pouvais rapidement avoir des sentiments pour une personne. J’avais envie d’aimer. Je passais d’un cœur à un autre et je m’attachais réellement. Mais bon, quand c’est possible, c’est tellement mieux d’être posée comme je le suis maintenant.
Quel est ton meilleur souvenir en tant que lesbienne ?
Quand j’ai embrassé une danseuse à la fin des Victoires de la musique. Beaucoup de médias l’ont présentée comme ma copine – c’était bizarre, d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, j’ai embrassé une autre femme en prime time sur France 2. Je me suis alors dit que j’étais fière de me battre contre l’homophobie et que je l’étais encore plus de pouvoir aimer qui j’avais envie d’aimer.
Pour toi, c’est quoi la fierté ?
C’est être qui l’on est sans culpabiliser de l’être. C’est pouvoir se lever le matin, accepter d’être soi, et être heureux·se. Tout simplement.
Crédit : Charlotte Abramow