Pour le têtu· de l'hiver actuellement chez vos marchands de journaux, nous avons rencontré les membres du groupe Hyphen Hyphen. À l'âge de la maturité, le trio français vise la cour des grands avec un nouvel album, C'est la vie, rempli des sonorités ayant bercé leur adolescence. Délivrant au passage un message de pugnacité qui fait du bien en ces temps de montée de la haine.
Photographie Audoin Desforges pour têtu·
L’audace comme credo, le trio français Hyphen Hyphen est bien décidé à répandre sa positive attitude par-delà les frontières. Fort d’un concert “magique” à Central Park, à New York, en juin, Adam, Line et Santa se sont senti pousser des ailes. “On a toujours visé haut et loin, garantit Santa, la chanteuse. On a toujours dit qu’on voulait remplir les plus grands endroits possibles.” Pour leur nouvel album, C’est la vie – une expression bien française très appréciée des Américains –, ils visent d’ailleurs une tournée aux États-Unis.
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Pour réussir ce pari, ils ont travaillé avec Glen Ballard, qui a collaboré, entre autres, avec Michael Jackson, No Doubt et Katy Perry. Ce méga producteur américain les a découverts en 2019 sur la scène du Zénith, à Paris, avant de se frayer un chemin jusqu’à leur loge. “Il a eu pour nous un rôle de mentor, explique Santa. On lui envoyait nos compositions, il écoutait, il réécrivait les textes, il donnait son avis… Il a eu un rôle vraiment important dans la clarification de nos émotions et la simplification de nos paroles.”
Un album contre la solitude
Avec une pugnacité nouvelle, le groupe veut faire de sa musique un refuge dans un monde divisé, qui se délite. “En ce moment, la solitude peut être si grande qu’on veut être un espace pour les gens différents, appuie Santa, leadeuse implicite de la bande. La musique peut offrir cet endroit de sécurité et de profonde bienveillance. On fait quand même face à une crise mondiale à tous les niveaux.” La situation en France préoccupe aussi beaucoup le groupe, notamment la montée de la transphobie et les fractures sociétales, qu’ils jugent de plus en plus nombreuses.
“Le fond du problème, c’est l’intolérance : les gens n’acceptent pas le vivre-ensemble. C’est sans doute ce qui explique pourquoi la première version de l’album était très triste, analyse Line, la bassiste. On trouvait ça lourd. Il nous fallait de la lumière. C’est pourquoi l’on est repartis sur nos influences d’ados.” Lorsqu’on tend l’oreille, une touche de The Verve est perceptible sur le titre “Own God”, tandis que l’envolée lyrique dans le refrain de “Too Young” évoque Lady Gaga, période Born This Way. “Je trouve même qu’il y a une petite vibe d’Alanis Morissette [dont Glen Ballard a produit Jagged Little Pill] sur certaines chansons”, fait remarquer Line. Le tout donne un troisième album à l’énergie folle, qui refuse de choisir entre la pop et le rock, avec un côté délicieusement régressif pour mettre du baume à l’époque.
"Le simple fait d’exister et de s’assumer, c’est déjà politique en soi. Il ne faut pas baisser le regard."
Avec leurs traits noirs tracés au marqueur Posca sur les joues, arborés comme des peintures de guerre, les trois inséparables se rêvent guerriers défenseurs de la bienveillance. “Ce n’est pas parce qu’il y a une montée de la haine, qu’il va falloir se cacher, assène Santa. Il ne faut pas baisser le regard. Il s’agit de se battre en étant soi-même. Car le simple fait d’exister et de s’assumer, c’est déjà politique en soi. Le vrai défi, au bout du compte, c’est de réussir à être soi-même sans jamais se dénaturer. On a appris à accepter qui on était jusqu’à devenir un porte-étendard de causes qui, au début, nous paraissaient trop grandes pour nous.”
Fier Hyphen Hyphen
Fièrement lesbienne, Line pose un regard tendre sur la découverte de son orientation sexuelle durant son adolescence et se réjouit d’avoir pu l’explorer en même temps que Santa. Selon Adam, dont l’identité lorgne plutôt vers la pansexualité, les trois ont toujours manifesté un désintérêt total pour les étiquettes : “C’est compliqué de se définir quand on n’en a jamais ressenti le besoin.”
Depuis leur catapultage en 2015 sur la scène musicale française, et alors que la fin de leur vingtaine se profile, ils estiment avoir beaucoup évolué. “On a vécu des choses qui nous ont nourris, affirme Line. Notre timidité s’est estompée, on a davantage confiance en nous et ça se répercute sur la musique qu’on fait ; on ose mieux dire ce que l’on ressent.” Et ils peuvent compter sur leur amitié inébranlable qui, depuis le lycée, a toujours été là pour les soutenir.
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