LGBTQI+Alexis, 21 ans : "Il faut arrêter d’assimiler l’organe génital au genre"

Par Benjamin Soyer le 12/08/2021
Alexis

Dans nos vies queers, il y a celle d'Alexis, 21 ans, lassé par le raccourci, souvent emprunté par les personnes cishet (cisgenres hétéros), consistant à lier l’identité de genre et l’identité sexuelle. Le jeune homme a accepté de nous raconter son parcours, ses révoltes, ses espoirs.

4 août 2021. C’est le Jour J pour Alexis, 21 ans, qui vient de subir son intervention de réassignation sexuelle. “Exténué mais vivant !”, s’empresse-t-il de poster sur ses réseaux sociaux dès son réveil. Pour rassurer ses proches, mais sans doute avec soulagement aussi, alors qu’il confiait quelques jours auparavant à TÊTU qu’il s’agissait à ses yeux de la date la plus importante de sa vie. Pour ce garçon transgenre, la mastectomie et l’hystérectomie n’étaient que “des étapes intermédiaires”. “J’ai bientôt terminé ma transition. La concrétisation, ce sera le 4 août”, trépignait-il alors. Alexis peut se reposer : c’est désormais chose faite. 

Retour à notre rencontre avec le jeune Lyonnais. Fier de sa transidentité, il fait cependant partie de ceux qui n’aiment pas y être sans cesse renvoyés. D’où le dilemme qui se pose à lui : à l'issue de sa transition, faudra-t-il garder l’étiquette “homme trans”, quitte à en porter le poids, ou bien gommer cette partie de son identité pour ne plus avoir à s’en justifier ? Sans trancher, le jeune homme l'assure : “Même après l'opération, je serai toujours trans, parce que c’est mon vécu et mon histoire”. Un vécu qu’il aimerait cependant conjuguer au passé, et ne pas forcément voir “subsister”. Sur ce point, ses espoirs convergent vers l'après-4 août : “Vu qu’il y a une grosse assimilation avec le corps, je ne correspondrai plus à l’image qu’on appose sur le mot ‘trans’.” 

Milieu gay et sacralisation du pénis

Car Alexis voudrait le crier : il faut cesser de résumer l’homme trans à son parcours de transition et à ses caractéristiques génitales. En particulier, martèle-t-il, au sein de la communauté gay : “Il faut que les mecs cis gays arrêtent d’assimiler l’organe génital au genre”. L’étudiant en médecine sait de quoi il parle. Lui qui se définit comme “PD homoflexible” ne relationne qu’avec des hommes depuis un an. Et il le confirme, être trans dans un milieu gay, “ça expose à plus de rejet, voire de danger”. En cause, l’imaginaire collectif qui associe, de manière assez automatique, homme et pénis, versus homme trans et vulve : “Il y a vraiment une sacralisation du pénis, et les cis gays font souvent ce raccourci”

Alexis, lui, estime avoir été privilégié par son apparence, “plus cis normée que d’autres mecs trans”. Et ce, même avant l’intervention qu'il a choisie de réassignation sexuelle consistant, en bref, à l’externalisation de la verge et la pose d’implants testiculaires. 

"Transphobie par ignorance"

Un terme, “privilège”, qu’Alexis emploie également quand il déclare à TÊTU ne pas avoir subi de "réelle" discrimination due à sa transidentité. “Rien de vraiment violent”, assure-t-il. Seulement de la “transphobie par ignorance”, ainsi que quelques propos “déplacés”. Des personnes qui l’arrêtent dans la rue pour lui demander s'il est un homme ou une femme. Des médecins, aussi, qui lui conseillent de tenter telle expérience sexuelle pour être sûr de sa transidentité, ou encore d’attendre la fin de ses études pour se décider. Des études de médecine, rappelle le jeune homme avec une pointe d'ironie, soulignant qu'il en a “pour onze ans”…

Sur Grindr, application essentiellement conçue pour les rencontres gays, Alexis se réjouit d’être passé “entre les mailles du filet” d'une plateforme qui “reste très transphobe”. L’étudiant explique avoir déjà été bloqué quand il révélait sa transidentité, mais rien de frontal. “Je n'ai jamais eu de problème personnellement, mais ce n’est pas pour autant que ça se passe bien d’une manière générale”, distingue-t-il en nous renvoyant vers le compte Instagram “Personnes trans VS Grindr”, une mine de témoignages mêlant fétichisation, transphobie et hypersexualisation. “Grindr est essentiellement une appli gay, pour la communauté cis gay. Si tu n’en fais pas partie, ça peut être plus ou moins violent”, sait Alexis, d'expérience. 

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Comme toutes les personnes trans, il connaît bien l'ignorance générale sur les transidentités. Et la persistance de certains clichés, qui ont la vie dure. “On a toujours cette association : ‘homme trans = homme avec un vagin’”, s’agace-t-il. Le jeune homme, qui a changé de prénom il y a deux ans, a débuté la prise d’hormones en septembre 2018, quelques mois à peine avoir compris qu’il était concerné, “malgré lui”. Puis a subi une mastectomie (retrait chirurgical des seins) en juillet 2020, et une hystérectomie (ablation de l’utérus, des trompes et des ovaires) il y a deux mois. Et de développer : “Associer l’homme trans au vagin, c’est hyper réducteur. Chaque mec trans est différent. On n’a pas tous les mêmes pratiques, les mêmes dysphories, les mêmes transitions. C’est très restrictif de partir du principe qu’un mec trans a un vagin. Ça crée un imaginaire collectif qui nous met dans une position qui n’est pas forcément la nôtre”.

Pédagogie sur la question transgenre

Pour lutter contre les idées reçues, Alexis teste la pédagogie. “Au début de ma transition, je faisais beaucoup d’éducation militante sur mon compte Instagram. J’ai un peu laissé tomber il y a un an, mais je pense à m’y remettre”. Aussitôt dit, aussitôt fait. Peu avant son intervention de réassignation sexuelle, le jeune homme a publié un post dans lequel il explique en quoi consiste l’opération – la métoïdioplastie –, conscient que “la médiatisation de cette technique est encore extrêmement rare” en France. 

Un chemin pédago que beaucoup de militants LGBTQI+ ont décidé d'emprunter en parlant davantage de ces sujets sur les réseaux sociaux. “Il y a une bien meilleure visibilité aujourd’hui, se félicite Alexis. Quand j’ai commencé ma transition, il fallait fouiller pour tomber dessus.” Une visibilité bienvenue, générant une vague de soutien de la part de personnes davantage sensibilisées à la question. Mais dont le jeune homme souligne le revers de la médaille, “puisque plus on est visible, plus on est vulnérable”. Par exemple, “de plus en plus d’individus savent à quoi correspondent les cicatrices de mastectomie en double, et ça peut mettre les personnes trans porteuses de ces cicatrices en danger.”  Éduquer, donc, pour éteindre ces haines mais aussi pour que l’homme trans soit socialement considéré comme un homme, simplement, au même titre que les hommes cis. Même si chacun a sa propre histoire et sa propre identité.

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