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séries"Queer as Folk" : comment la première série gay est devenue mythique

Par Alexis Patri le 24/08/2021
Queer As Folk UK/US

"Queer As Folk" a bousculé la télévision des années 2000 par sa représentation de l'homosexualité masculine. Et aidé toute une génération de gays à s'assumer. Alors qu'elle débarque sur Arte, les fans de la série racontent.

Nuit d'été, 1999. Mika a 14 ans. Enfoncé dans le canapé en cuir blanc du salon, l'adolescent zappe, seul. Il presse le bouton "4" de la télécommande, celui de Canal+. Une chaîne qu'il ne voit habituellement qu'en lignes cryptées sur le poste de télévision de ses parents. Mais pas ce soir-là. Car Mika passe les vacances chez sa tante, abonnée à la chaîne. Il est sur le point de regarder pour la première fois la version britannique de "Queer As Folk". Une série qui met en scène un groupe d'hommes homosexuels de Manchester. Cette découverte va changer sa vie. Ce soir-là, Mika comprend deux choses. Il est homosexuel. Et il n'est pas seul.

Cette série - d'abord une version britannique de 10 épisodes, puis l'année suivante une américano-canadienne de cinq saisons délocalisée à Pittsburgh - a révolutionné la représentation de l'homosexualité masculine à la télévision. Grâce à elle, de nombreux hommes gays ont pu comprendre, vivre et assumer leur orientation sexuelle.

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Son importance est telle que, 20 ans plus tard, 8 épisodes d'une version modernisée de la série culte de Russell T Davies ont été annoncés sur la plateforme Peacock, avec de nouveaux personnages. L'occasion pour TÊTU de recueillir les témoignages des fans de la série sur la manière dont cette fiction a bousculé leurs vies.

"Queer as Folk" : comment la première série gay est devenue mythique

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Expérience solitaire

« Je regardais 'Queer As Folk' en secret, tard le soir », se remémore Laurent, 30 ans. Un point commun avec Mika, et tous les fans avec qui nous avons échangé. A l'instar de Marc, 33 ans. Il a attendu de quitter la maison familiale pour débuter la saison 1, « enfin seul dans un appartement, suffisamment loin de chez mes parents », précise-t-il.

"Je devais avoir 13 ou 14 ans", se souvient quant à lui Antoine, 26 ans, qui est tombé sur la version britannique "en zappant" tard sur M6, un vendredi soir.

Des accès aux épisodes tous hasardeux et solitaires qui n'étonnent pas Arnaud Alessadrin, sociologue ayant travaillé sur la série. Selon lui, « au début des années 2000, il fallait avoir des stratégies pour contourner des barrières à la fois psychologiques, géographiques et économiques ».

« Les VHS et les DVDs étaient soit dans les rayons 'gays', soit absents des magasins, illustre-t-il. Le téléchargement était encore freiné par un sentiment de honte, les difficultés techniques de l’époque et, pour les plus jeunes, la crainte de se procurer la série via l’ordinateur familial. D’autant que la version américaine est longue, et que les abonnements à internet coûtaient encore très cher. »

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Premiers émois

Résultat, ceux qui ont tout de même pu voir « Queer As Folk » en 1999 et 2000 appartiennent, selon le sociologue (et peu importe leur âge), à la même « génération » : celle qui a connu la première série gay à l'époque où il n'en existait aucune autre. Une différence fondamentale avec la jeunesse actuelle. "Aujourd’hui, les plus jeunes qui découvrent les fictions LGBT ne le font plus via LA première série gay, explique-t-il. Ils ont le choix entre plusieurs fictions sur ce sujet. »

Cette génération de la « première expérience sérielle gay » a ainsi connu, grâce à "Queer As Folk", ses premiers bouleversements émotionnels . « J'ai eu mes premiers émois sur la mythique scène de sexe entre Nathan (Charlie Hunnam) et Stuart (Aiden Gillen), confie ainsi Antoine. C'est à ce moment-là que j'ai compris que, moi aussi, j'aimais les hommes. » Un passage qui a également marqué Mika, qui se remémore aussi "la fameuse scène des vestiaires".

 

"Des gamines rêvaient d’être des princesses. Des gamins rêvaient d’être des footballeurs. Et moi je voulais être Nathan."...