Devenu une icône gay en deux rôles marquants de jeune homo dans les séries Les Grands (OCS) et Sex Education (Netflix), Sami Outalbali interprète au cinéma le rôle principal d’Une Histoire d’amour et de désir, signé Leyla Bouzid.
À quelques jours de la mise en ligne par Netflix de la troisième saison de la série Sex Education (le 17 septembre) dans laquelle il incarne le mystérieux et séduisant Rahim, c’est un acteur heureux que TÊTU a rencontré pour évoquer son premier rôle principal au cinéma, celui d’Ahmed, jeune étudiant en littérature arabe dont la vie va être bouleversée par sa rencontre avec Farah, jeune Tunisienne venue à Paris pour suivre le même cursus.
Le film, Une Histoire d’amour et de désir, vient de remporter le prix du meilleur film au Festival d’Angoulême, et Sami Outalbali celui du meilleur acteur. "Une vraie consécration pour le film ! Cela me donne envie de me dire qu’il faut travailler encore plus à essayer de faire des beaux films, encore", commente-t-il modestement. Il nous parle de ce film bouleversant et sensuel, sorti en salles ce mercredi 1er septembre, de ses rôles marquants et de sa vision de la masculinité, des codes et des clichés, mais aussi de la saison 3 de Sex Education et de ses projets au cinéma.
Comment avez-vous envisagé ce personnage d’Ahmed, étudiant d’origine algérienne très loin des clichés habituels ?
Sami Outalbali : Déjà, il m’a parlé parce qu’il est loin de moi. Le corps a été une grosse partie du travail, Ahmed est tout le temps un peu contrit, contracté, en retenue. Il n’y a aucune fluidité dans son corps, dans ses mouvements. Au théâtre, on nous apprend à laisser partir les mouvements comme des impulsions, là je devais retenir parce qu’Ahmed est dans la sur-réflexion permanente, il ne fait que ça. Et le chemin qu’il parcourt dans le film, je le trouvais beau. J’aime ce que ça raconte de la jeunesse des quartiers, de la jeunesse d’origine maghrébine qui n’a pas toujours forcément un lien avec ses origines. On a souvent l’image des jeunes dont les parents sont marocains, tunisiens, algériens ou égyptiens, qui partent tous les étés au pays mais une grande partie d’entre nous n’a pas de lien avec tout ça. Moi j’en ai fait partie, la première fois que je suis allé avec mon père dans ma famille à Casablanca, au Maroc, j’avais 14 ans ! Je suis resté quinze jours pour rattraper un peu le temps.
Finalement, il y avait quand même ce point commun avec le personnage d’Ahmed…
Oui, dans ce rapport aux origines, et puis je suis aussi quelqu’un qui est beaucoup dans la réflexion, donc c’était intéressant d’extérioriser ça dans un rôle. Je n’étais jamais sûr d’être au bon endroit, j’ai donné ma vision de ce rôle magnifique qui aurait pu être très différent avec un autre acteur. Il est très complexe et il y a la rencontre avec ma partenaire extraordinaire, Zbeida Belhajamor. Lors du casting, nous avons beaucoup joué les regards qu’il y a dans le film et qui sont à la fois très contenus et très puissants, et tout est passé immédiatement, il y avait une vraie tension, c’était fou. On ne s’est presque pas revu avant le tournage pour garder intact la tension, la maladresse, les moments de froid de la relation qu’on ressent dans le film. On a joué une histoire d’amour très forte et très puissante en étant presque encore des inconnus l’un pour l’autre. Nous n’avons pas usé la relation.
Le titre dit tout, c’est une histoire d’amour et de désir : le défi, c’était de devenir un vrai vecteur de sensualité ?
Ahmed est tellement loin de ça, il n’a tellement pas conscience de la sensualité qu’il peut porter que c’est intéressant à jouer. Tu te détaches et tu fais confiance à la réalisatrice, qui a un regard magnifique sur ses personnages. Et tu as envie de créer dans les yeux de ta partenaire le désir qu’elle est censée avoir pour Ahmed même s’il incarne un vrai blocage. C’est une expérience très riche. Quand j’ai lu le scénario, j’ai appelé Leyla Bouzid immédiatement parce que je voulais le faire. Il y avait une évidence. C’est loin des clichés sans artifice.
"Quand j’ai des rôles qui bousculent un peu les conventions, j’adore ça."
En vous faisant connaître du grand public avec notamment des rôles marquants de jeunes hommes gays, est-ce que cela vous a permis d’envisager la masculinité de façon différente ?
Peut-être, oui. Moi j’adore jouer avec la masculinité en général. Ma masculinité n’est pas conventionnelle, je peux paraître parfois très efféminé, parfois beaucoup moins. J’essaie de ne pas trop me poser de questions sur ma propre masculinité mais quand j’ai des rôles qui bousculent un peu les conventions, j’adore ça. J’aime beaucoup aussi l’idée, sans prétention aucune, que de voir des personnages comme Ilyès dans Les Grands, Rahim dans Sex Education ou Ahmed dans ce film, cela puisse aider des garçons à se reconnaître dans ces visions différentes de la masculinité. Pour en revenir aux mouvements, des personnages comme Ilyès ou Rahim laissent une plus grande possibilité, dans la démarche, dans les gestes, dans la fluidité du corps. J’ai toujours pensé que quels que soient mes rôles, gays ou hétéros, ce sont des histoires d’amour que j’ai jouées avant tout. Le but, à long terme, c’est qu’on puisse voir des histoires d’amour sans même se poser la question avec deux garçons, deux filles, des personnes non-binaires ou transgenres.
Quand on est un jeune acteur, la question se pose de ne pas se laisser enfermer dans des rôles, de jeune gay par exemple ?
Bien sûr, mais c’est dommage. J’ai envie de pouvoir jouer énormément de choses et, même si j’adore jouer ces rôles-là, il ne faut pas que cela soit au détriment d’autres. Si je m’enferme dans ces rôles, cela risque d’être aussi contre-productif donc j’aime bien l’idée de me balader, de me mettre en danger comme sur Une Histoire d’amour et de désir que j’ai tourné juste après Sex Education. Je sortais du personnage de Rahim, qui est un rôle secondaire dans la série mais qui est très imposant, qui a confiance en lui, qui parle peu mais quand il parle, ça doit un peu impressionner !
"Je n’ai pas envie qu’on m’attribue des combats, ce n’est pas mon rôle."
Tu es très identifié dans la communauté gay, est-ce qu’on vient souvent te parler dans la rue ?
Parfois, et ça fait très plaisir. C’est une chance de faire un métier qui permet que les gens viennent me voir pour me parler de mon travail, de ce qu’ils ont vu et aimé ou pas. Créer le dialogue, le contact, surtout après ce qu’on vient de vivre ou qu’on vit un peu encore, c’est important et c’est trop cool. Et ce qui s’est créé auprès de la communauté, c’est génial mais c’est aussi le signe qu’il y avait des manques. Si ce genre de personnages et d’histoires étaient arrivés avant, la société aurait avancé plus vite. Mais moi je fais ce que je veux, je ne fais rien de façon consciente, je n’ai pas envie qu’on m’attribue des combats, ce n’est pas mon rôle. Quand je fais mon métier, le but c’est de faire entendre la voix de ceux qu’on n’entend pas toujours mais je n’ai aucune prétention d’être un porte-drapeau ou un combattant. Il y a des gens qui ont un vrai courage, une vraie force et qui sont des vrais héros, qui tous les jours se battent et œuvrent pour des causes !
Que pouvez-vous nous dire de la saison 3 de Sex Education, qui débarque le 17 septembre sur Netflix ?
Je ne peux rien dire du tout si ce n’est que c’est une des meilleures saisons, je suis très content de tout et ça va être vraiment génial. Le tournage est archi-pro mais aussi archi-drôle, on rit énormément tout le temps ! Les loges sont un peu un camp de vacances, un grand camp de camions-loges, et il faisait très beau pendant le tournage donc c’était vraiment très joyeux. C’est une belle série, ludique et intelligente, qui se fait dans la joie. Sex Education a une vraie volonté de faire évoluer les mentalités et, de voir que la série touche autant, c’est vraiment génial !
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Vous avez tourné également un autre film cet été…
J’ai tourné dans Novembre, de Cédric Jimenez, qui parle des attentats de 2015. Je joue un flic de la section anti-terroriste, un rôle qui n’a rien à voir avec ce que j’ai fait avant, et je pense que ça casse aussi des clichés. Le rôle est très beau et intéressant, et c’est un film touchant et important sur ce moment très dur qu’on a tous vécu.
Vous êtes désormais connu à l’étranger, est-ce vous vous autorisez à rêver d’une carrière internationale ?
Je passe des castings à l’international et cela me permet d’envisager des choses. J’adorerais faire un film avec Sorrentino. Je suis un ultra fan de La Grande Bellezza, ce serait un vrai rêve de faire un film comme celui-là, un film sur la beauté. Ou un méchant dans un James Bond ! Je veux continuer à rêver autant que je veux… Avoir le choix et faire ce que je veux, c’est la vraie liberté !
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