Deux hommes dansent ensemble en prime time, ça valait bien à Bilal Hassani le titre de personnalité têtu· de l'année ! Rencontre avec le jeune artiste qui a ajouté de belles cordes à son arc avec Danse avec les stars.
Interview Florian Ques & Thomas Vampouille
Photographie Christopher Barraja
Rivaliser avec Dita von Teese à Danse avec les Stars, c’était un life goal ?
Bilal Hassani : Totalement ! Elle m’avait contacté avant Danse avec les stars parce qu’elle était intriguée par mon profil. Ça m’avait beaucoup touché. Je suis toujours sidéré quand je la vois parce que, bon, c’est fucking Dita von Teese ! Et parce qu’elle est, évidemment, extrêmement performante. Pendant le tournage de l’émission, son humilité me surprenait tous les jours. Son éthique de travail est un exemple à suivre. Elle est incroyable. En plus, elle connaît Michelle Visage, qui, grâce à elle, va me faire une vidéo dédicacée, donc je suis très content ! (Rires.)
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C’était trop bien de te voir danser avec un garçon ! Tu as dû batailler pour que ce soit accepté ?
Étonnamment, ça a été assez simple. TF1 comme la production n’ont pas vraiment questionné mon choix. Ils ont compris que c’était le moment de le faire. Mais ça aura pris du temps : 11 saisons ! Mais quand on voit que le premier couple de même sexe n’est arrivé que cette année dans l’émission américaine, à la 30e saison, on est plutôt fiers de constater qu’on a été plus rapide qu’eux à passer ce cap !
Avec Jordan Mouillerac, vous semblez avoir noué une grande complicité au fil des épreuves…
J’avais passé mon casting avec lui, et on a tout de suite eu un bon feeling. J’étais très content qu’il soit choisi pour être mon partenaire. On ne vient pas des mêmes mondes, on ne partage pas les mêmes cultures, mais on a appris beaucoup de choses l’un de l’autre. Et sur le parquet, chaque vendredi, c’était comme si nos âmes se connectaient. C’était magique comme sensation.
On avait interviewé Jordan au début de l’émission. Il était adorable mais on ne le sentait pas très au courant des questions LGBTQI+. Tu lui as donné des cours ?
Ah mais oui ! D’ailleurs, il m’avait dit : “J’ai une interview avec Tuto (sic)” ! (Rires.) C’est vrai qu’il n’y connaissait absolument rien, mais je l’ai formé, semaine après semaine. Mon objectif, c’était de l’emmener à un ball. (Rires.)
Avec qui d’autre aurais-tu aimé danser dans l’émission ?
Ça aurait bien marché, je pense, avec Christophe Licata. Humainement, c’est quelqu’un d’incroyable. On parlait tout le temps du fait qu’on aimerait bien danser à quatre avec Dita.
Le public a découvert l’athlète Bilal. Même si, plus jeune, tu as fait de la danse, tu savais que tu étais capable de ça ?
Je n’avais jamais fait ces styles de danse là, et je ne me croyais pas du tout capable d’assurer à ce point. Deux jours avant le premier prime time, je disais à mes ami·es que je voulais abandonner ! Mais j’ai toujours été très persévérant, donc je savais que je ne lâcherais pas, que je continuerais jusqu’à ce que ce soit un minimum bien. Et puis j’ai commencé à réaliser ce dont mon corps était capable, et je trouve ça fou ! En fait, ça m’a permis de comprendre que j’étais très dur avec moi-même. Mais plus les semaines passaient, plus je prenais du plaisir.
Même certains de tes détracteurs ont été bluffés par tes performances !
C’est ce qui m’a le plus surpris. Ça m’a fait bizarre, d’ailleurs, de recevoir une telle approbation, surtout de manière aussi unanime, parce que je me suis plutôt habitué au fait d’être hyper clivant. Avant l’émission, toute mon équipe se préparait à me préserver en vue de l’énorme exposition qui allait arriver, et était prête à me couper l’accès aux réseaux sociaux. Finalement, même les remarques que j’ai pu lire, en mode “c’est pas juste, il est trop fort”, étaient évidemment beaucoup plus agréables que l’habituelle homophobie !
Tu t’attendais à une nouvelle vague d’homophobie ?
Je m’attendais à l’Eurovision bis, avec des “oh ! mon Dieu ! On ne peut pas avoir ça dans nos télés !”, ou “remboursez notre redevance !”. (Rires.) Il y en a eu, évidemment, mais beaucoup moins, ce qui m’a énormément surpris, et même ému. Peut-être que les choses avancent, que les gens commencent à s’habituer à la diversité et l’acceptent plus facilement.
C’était ton but en participant à cette émission ?
Je m’étais surtout dit qu’il fallait qu’on se fasse remarquer pour nos prouesses en danse plutôt que pour le fait qu’on soit un couple de même sexe. Ma mission, c’était que ça devienne une banalité. La télé est un média un peu daté et que certains jeunes ne regardent plus vraiment, mais, Danse avec les stars, c’est un rendez-vous des familles. Je suis très fier qu’on ait pu ouvrir des conversations.
Au fait, tu es nommé personnalité têtu· de l’année. Heureux ?
Mais je suis trop content ! Ce magazine m’a beaucoup accompagné durant mon adolescence. Quand je repense au Bilal qui lisait son têtu· en cachette, ça fait plaisir de se dire qu’aujourd’hui je peux fièrement apparaître dessus, et en une !
Tu as été victime d’homophobie à grande échelle. Vous en parlez avec ta mère ?
Lors de la première année d’exposition médiatique, ça a été très dur. Mais, aujourd’hui, on a des réflexes : quand je suis trop sur Twitter, par exemple, elle va parfois m’enlever le téléphone des mains. On essaie vraiment de minimiser la place que ces commentaires occupent dans notre quotidien. Il ne s’agit pas d’être dans le déni, mais, si on ne les regarde pas, ils ne sont pas là.
L’actualité nous a encore rappelé la violence du harcèlement scolaire. C’est un combat que tu comptes mener ?
Avec ma mère, on a rencontré le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, il y a quelques semaines, à notre initiative, pour parler du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement. Je sais que mon combat ne s’arrête pas à une danse en prime time. Il y a des actions qu’on peut et qu’on va mettre en place pour faire en sorte que de moins en moins de jeunes se sentent isolé·es.
Ce qui m’attriste le plus, c’est de voir les mêmes schémas se répéter, les mêmes histoires avec les mêmes trajectoires qui se terminent toujours de la même manière… Si l’on devait trouver un point positif, c’est qu’on en parle davantage. On peut au moins remercier les réseaux sociaux pour ça : ils mettent en lumière ces histoires dont on ne parle pas suffisamment. Mais ça ne bouge pas assez.
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Et à l’école, tu penses qu’il manque quoi ?
On devrait beaucoup plus en parler en éducation civique, et on devrait vraiment apprendre aux jeunes à se comporter correctement en société, à devenir des êtres humains décents, surtout au collège. C’est une période où les ados sont cruels, et il faut les accompagner beaucoup plus.
Tu racontes dans ton livre que ta mère t’a accepté très tôt…
On parle de la femme qui m’a offert ma collection de Barbie quand j’avais 5 ans, qui s’est toujours battue pour que je puisse exprimer mon identité, qui m’a commandé ma première perruque pour un concert de Lady Gaga… Mais j’avais quand même peur. C’est pour ça que je dis toujours de prendre son temps avant de faire son coming out. Je pense qu’elle a toujours vu en moi ma singularité, mais elle attendait patiemment que je me sente prêt à lui en parler.
Chanteur, danseur, c’est quoi la prochaine étape pour Bilal Hassani ?
Il ne faudra pas être surpris si vous voyez un jour une comédie musicale avec Bilal Hassani à l’affiche. J’ai envie d’explorer toutes les formes d’art possibles et imaginables.
Et le troisième album, il est pour quand ?
Il n’est pas prêt ! Mais j’ai fait une grosse partie du travail avant de m’engager dans Danse avec les stars. J’explore beaucoup, j’ai envie de créer et de faire de la musique que je pourrai réécouter dans cinq ou dix ans. Ça demande un petit peu de temps.
Tu as prévu quoi pour 2022 ?
Après l’émission, je me suis promis une bonne pause. Ensuite, je vais évidemment finir cet album, puis ma priorité ce sera la scène. J’ai envie de chanter devant des gens, ça me manque.
Tu vas donc prendre des vacances, chanceux. On t’a vu en photo avec Cassem. Vous partirez tous les deux ?
Malheureusement, nous ne sommes plus ensemble. Mais tout va très bien, et je ne lui souhaite que des bonnes choses. Combiner ma carrière et l’investissement que demande une relation de couple, c’est quelque chose que je dois encore apprendre à gérer.
Tu peux retourner vers ton premier crush : Justin Bieber !
On y retourne, c’est parti ! Yassin, avec qui je fais le shooting, était aussi mon crush pendant une période – n’hésitez pas à le mettre dans l’article. (Rires.)
2022, ce sera aussi l’année de l’élection présidentielle…
Oui, d’ailleurs je vous annonce que je vais me présenter !
Imagine ! Quelle serait ta première mesure en tant que président ?
Babe, I don’t know! Je pense en tout cas que je serais beaucoup plus à cheval sur les sanctions liées aux agressions LGBTphobes. Le gouvernement est un peu trop laxiste sur ce sujet-là. Ma priorité serait le bien-être psychique et la santé mentale, qui me semblent primordiaux en ce moment. Après, je sais que je serais un très mauvais président. Remarquez, avec ce qu’on nous propose, la barre n’est pas non plus hyper haute. (Rires.)
Tu suis les débats ? Tu es plutôt optimiste ou inquiet ?
J’ai envie de croire que tout ira bien, mais c’est vrai que ça m’inquiète de voir des phénomènes comme Éric Zemmour. C’est beaucoup trop d’exposition pour ce petit homme ! J’espère que ça ne prendra pas trop d’importance au moment où les vraies décisions devront être prises. Mais je ne serai jamais plus inquiet qu’optimiste parce que la peur, c’est justement ce qu’ils voudraient qu’on ressente. Je préfère positiver et me dire que l’être humain est capable d’être conscient et de réfléchir correctement.
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Coiffeur Gabriel Basseur
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Assitant lumière Soraya Sanini
Assistant photographe Julien
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