justiceLa cour d'appel confirme la relaxe de Riadh B., l'homme accusé de viol par Édouard Louis

Par Nicolas Scheffer le 08/02/2022
Edouard Louis

La cour d'appel de Paris a confirmé la relaxe de Riadh B., jugé pour agression sexuelle sur l'écrivain Édouard Louis qui l'avait accusé de viol. L'avocate de la défense regrette "une décennie de calomnie".

La vérité judiciaire n'est pas celle d'Édouard Louis. Ce lundi 7 février, la cour d'appel de Paris a définitivement relaxé Riadh B., poursuivi pour agression sexuelle à l'encontre de l'écrivain. Édouard Louis l'accusait de l'avoir violé la veille de Noël en 2012, mais le parquet avait requalifié l'accusation qui a inspiré à l'auteur un livre, Histoire de la violence, publié en 2016. Ce jugement vient confirmer celui prononcé en première instance, qui avait relaxé Riadh B. (renommé Reda dans le livre) des faits d'agression sexuelle mais l'avait condamné pour vols avec violence. Cette condamnation pour vols a été confirmée en appel, mais pas la circonstance aggravante de la violence.

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Riadh B., un Algérien sans papiers aujourd'hui âgé de 36 ans, a finalement été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour le vol d'une tablette et d'un téléphone portable. Mais il aura passé onze mois en détention provisoire avant d'être libéré sous contrôle judiciaire. Depuis son arrestation, il a toujours nié le caractère non consenti de rapports qu'il a qualifiés de "fougueux mais pas brutaux".

"Reda" dans "Histoire de la violence"

C'est le 25 décembre 2012 qu'une plainte pour viol et tentative de meurtre est déposée par Édouard Louis. L'écrivain, aujourd'hui âgé de 29 ans, déclare avoir rencontré dans la rue Riadh, qu'il fait monter chez lui vers quatre heures du matin. Ils ont alors des relations sexuelles consenties sur fond d'alcool. Mais l'auteur de Pour en finir avec Eddy Bellegueule assure que l'homme serait ensuite devenu menaçant, l'aurait étranglé avec une écharpe avant de le violer sous la menace d'une arme puis de partir avec son téléphone et sa tablette.

"Vers six heures, il a sorti un revolver et a dit qu'il allait me tuer, le lendemain, les démarches médicales et judiciaires ont commencé", écrivait l'auteur au sujet de "Reda" dans son récit diffusé à 50.000 exemplaires. Après instruction, les faits ont été requalifiés d'agression sexuelle comme, à l'époque, dans de nombreux autres cas de violences sexuelles, évitant un procès aux assises au profit du tribunal correctionnel. Lors de l'audience en première instance, l'écrivain disait ne pas se souvenir de l'écharpe ni du pistolet et regretter le caractère punitif de la justice.

Édouard Louis se dit "abattu"

"Après avoir eu à supporter une décennie de calomnie et de violations de sa présomption d'innocence, Riadh B. est aujourd'hui définitivement innocenté", ont salué ce lundi ses avocates, Marie Dosé et Judith Lévy. Quand Emmanuel Pierrat, représentant Édouard Louis, estime que "cet arrêt [de 50 pages, ndlr] souligne la difficulté pour les victimes de violences sexuelles de faire valoir leurs droits"

Auprès de Livre Hebdo, Édouard Louis a réagi à la décision de la cour d'appel en faisant référence à Primo Levi, évoquant les rescapé des camps de concentration nazis qui "rêvaient qu'ils racontaient ce qu'ils avaient vu et vécu, mais la personne à qui ils ou elles s'adressaient ne les écoutaient pas". Et d'ajouter : "Je suis sonné, abattu même, qu'une ou un juge ait pu remettre en question mon récit". Ce jugement, estime au contraire l'avocate de la défense Marie Dosé auprès du Point, "dit simplement que l'État de droit nous protège de l'arbitraire et nous protège du règne de la dictature de l'émotion".

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Crédit photo : Enzo Tonati pour TÊTU