Dans un lycée de Perpignan, un enseignant vit un enfer après avoir été outé par une collègue. Harcelé de longue date, l'éducation nationale n'aurait pris aucune mesure.
La justice est passée, mais le calvaire de Pierre ne s'est pas arrêté à l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui lui a donné raison. Depuis 2014, alors qu'une collègue a outé Pierre (prénom d'emprunt) de façon malveillante, cet enseignant au lycée Jean-Lurçat de Perpignan vit un enfer. Auprès de France bleu, il dénonce le laissez-faire de l'établissement et du rectorat, malgré les demandes répétées depuis plusieurs années.
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D'après le récit du média local, tout aurait commencé en 2014, quand une professeure d'espagnol aurait dévoilé auprès de ses élèves l'orientation sexuelle de Pierre. Pendant ses cours, elle aurait tenu des propos homophobes, le qualifiant de "pédé". Après cela, Pierre aurait découvert des tags insultants sur sa voiture, deux lettres anonymes laissées dans son casier, il raconte également entendre des propos injurieux dans son dos en salle des profs.
Aucune sanction de l'éducation nationale
Pendant ce temps, le médecin de Pierre l'aurait placé en congé longue maladie. Mais côté lycée, rien ne bouge : aucune sanction se serait prononcée par l'établissement, malgré une enquête administrative interne qui conclut, en janvier 2017 qu'il "serait souhaitable dans l'intérêt du service de déplacer l'enseignant afin de rétablir un climat serein pour les enseignants et les élèves". La professeur d'espagnol n'aurait reçu aucune sanction, l'administration se contentant de lui demander "d'adopter à l'avenir un positionnement conforme à [ses] obligations de professeure".
C'est donc à la justice que s'adresse Pierre. La professeure d'espagnol est finalement condamnée en première instance, en février 2019. Les magistrats ont retenu une "volonté de nuire", un comportement "en contradiction de ce qui est attendu de la part d'un éducateur" et la condamnent à 4.000 euros de dommages et intérêts. Une peine confirmée en appel l'année suivante, indique France bleu. Pourtant, en salle des profs, le calvaire de Pierre se poursuivrait.
Le lycée n'a pas sensibilisé les élèves
"Les élèves n'ont reçu aucune sensibilisation et Pierre est toujours confronté à sa tortionnaire en salle des profs", confirme à têtu· David Malazoué, vice-président de SOS homophobie qui suit ce dossier depuis des années. "Malheureusement, aucune sanction forte n'a été prise pour éloigner cette professeure de Pierre, qui, une fois revenu de son congé maladie a été replongé dans la situation qui l'a fait souffrir. D'autant qu'une sanction judiciaire n'empêche aucunement une sanction disciplinaire", poursuit le militant qui est également avocat.
Une décision de l'administration également critiquée par le Défenseur des droit, qui, toujours selon France Bleu a rendu, en juillet 2021, un rapport jugeant que "l'administration aurait dû, dès qu'elle a eu connaissance des faits litigieux, au moins depuis 2016, entamer une procédure disciplinaire à son encontre, ce qui aurait évité de donner l'impression de banaliser les faits ainsi dénoncés". "La situation évoquée est suivie avec grande attention par le service des ressources humaines de l'académie qui accompagne l'enseignant dans la prise en compte de la situation de harcèlement qu'il a dénoncée en 2014", répond laconiquement le rectorat.
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