Hospitalisé à la suite d'une infection au monkeypox, ou variole du singe, Nicolas, jeune homme gay de 24 ans, nous raconte son calvaire.
Au bout du fil, la voix est affaiblie. Nicolas s’excuse de ne pas être très audible. Épuisé, fiévreux et la gorge extrêmement douloureuse, le jeune homme âgé de 24 ans a été hospitalisé la veille des suites d’une infection au monkeypox (ou variole du singe) et plusieurs jours d’errance diagnostique. Plus de dix jours après sa contamination, il ne voit pas venir l’amélioration que lui ont promise les médecins.
"Le week-end du 25 juin, j’ai commencé à avoir mal à la gorge et à me sentir fatigué. Avec les changements de température récents et la climatisation, j’ai pensé à un coup de froid et je ne me suis pas inquiété", raconte à têtu· l’infirmier lyonnais. Le lundi suivant, il se sent trop faible pour aller travailler et consulte son médecin qui diagnostique une angine et lui prescrit des antibiotiques. "J’avais une fièvre importante et je ne pouvais plus bouger", se souvient-il. Il passe les journées du lundi et du mardi alité, sans constater aucune amélioration. "J’ai déjà eu des angines et ça ne m’a jamais fait cet effet-là. Alors le mardi soir, j’ai appelé la maison de santé et j’ai consulté à nouveau."
Monkeypox : les HSH particulièrement touchés
Dès lors que Nicolas explique au médecin de garde qu’il est HSH (homme ayant des relations sexuelles avec des hommes) et sous PrEP, le praticien suspecte une gonococcie – bien que les maux de gorge ne soient pas caractéristiques de cette infection. Le bilan sanguin réalisé dès le matin revient négatif. Le jeune homme continue d’avoir de la fièvre, de souffrir de la gorge ainsi que de maux d’oreilles et constate que ses ganglions sont gonflés. Un ami avec qui il avait passé la soirée et la nuit de la fête de la musique a les mêmes symptômes, et il songe alors au monkeypox. "J’ai soulevé mon t-shirt et inspecté mon torse : j’avais comme des piqûres de moustique, assez discrètes, disséminées. Alors, j’ai appelé le Samu où l’on m’a un peu ri au nez en me disant que ce devaient être des allergies." Nicolas insiste pour être redirigé vers le service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Croix-Rousse. Il s’y rend le mercredi matin pour subir un test PCR destiné à dépister le monkeypox, avant d'être renvoyé chez lui malgré son état.
Verdict le soir : Nicolas est positif au monkeypox. "Malgré le manque d’explications reçues de la part de l’ARS [agence régionale de santé, ndlr], j’ai appelé toutes les personnes avec qui j’avais été en contact et dont j’avais le numéro de téléphone en leur conseillant d’appeler le 15." Depuis, tous ont pu être vaccinés en post-exposition, comme le préconise la Haute autorité de santé (HAS), non sans une certaine insistance de leur part…
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Le jeudi matin, l’état de Nicolas ne s’est pas amélioré, il empire même. "Ma gorge était encore plus douloureuse et je n’arrivais plus à manger ni à boire. J’ai voulu prendre conseil auprès du service de maladies infectieuses et tropicales, où on m’a simplement dit que faute de traitement, on ne pouvait rien faire pour moi." Inquiet, d’autant plus qu’il vit seul et se trouve très diminué, l’infirmier appelle à nouveau le Samu… qui le renvoie vers le service de maladies infectieuses. Il appelle alors SOS médecins, ce qui lui vaut une consultation hâtive sans auscultation et une prescription de morphine qui provoque des vomissements.
Hôpital, isolement et questions
Le vendredi matin, épuisé et déshydraté, Nicolas est enfin hospitalisé. Après cette semaine de lutte pour être correctement diagnostiqué et pris en charge, il se dit soulagé et rassuré, même s’il redoute la période d’isolement qui va suivre son hospitalisation – un isolement d’au moins trois semaines après le début des symptômes est en effet requis pour les personnes positives au monkeypox. Le jeune homme déplore surtout le laxisme teinté d’homophobie dans l’attitude des différents médecins qu’ils a consultés – de la mauvaise piste sur la gonococcie à l’infectiologue qui lui a fait la leçon sur ses pratiques, qu'il rapporte en ces termes : "Avec ce qu'il se passe en ce moment, vous auriez pu faire autre chose que sortir et avoir des relations sexuelles…".
Et puis, une zone d’ombre demeure : Nicolas ne sait pas par qui, ni exactement comment, il a pu être infecté. "On m’a dit que si j’avais autant de douleurs à la gorge, c’est que j’avais dû être contaminé en pratiquant une fellation. Or, je suis actif et je ne me souviens pas avoir sucé qui que ce soit…" Rappelons ce qui fait à ce stade consensus dans le milieu médical : le monkeypox se transmet lors de contacts rapprochés, notamment lors des relations sexuelles, par le contact de la peau ou des muqueuses (bouche, mains, sexe, anus) avec les lésions causées par l’infection, par les gouttelettes (postillons, éternuement…) et la salive ainsi que par le partage de linge (vêtements, draps, serviettes…), d'ustensiles de toilette (brosse à dents, rasoirs…), vaisselle, sextoys, seringues, etc. La transmission par le sperme n’est pas encore confirmée même si des traces de virus y ont été retrouvées par des chercheurs italiens.
En cas de symptômes évocateurs (fièvre, courbatures, fatigue, maux de tête, maux de gorge, atteintes oculaires, éruption cutanée…), il est recommandé d’appeler le 15 ou son médecin traitant ou bien encore un centre de santé communautaire, comme les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic. Nicolas conclut : "Je plains celles et ceux qui seront contaminés à leur tour", notamment faute d’être vaccinés. Le 30 juin dernier, nous apprenions que la DGS allait demander à la Haute autorité de santé (HAS) l'autorisation d'ouvrir la vaccination contre la variole du singe, aujourd'hui encore réservée aux cas contacts, pour les populations exposées, tout particulièrement les HSH multipartenaires. La décision et la mise en place d’un dispositif de vaccination ne devraient intervenir qu’autour du 14 juillet et ce alors que les contaminations se multiplient.
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