L'évolution rapide du nombre de contaminations à la variole du singe (monkeypox), en particulier parmi les hommes gays et bi, a d'abord pris de cours les autorités de santé. Lesquelles ont fini par délivrer cette semaine des informations plus nettes sur le parcours de soin en cas de symptômes.
C'est pendant le week-end de la Pride de Paris que Mathieu (prénom modifié) se rend compte en se douchant qu'un bouton anormal est apparu sur ses testicules. Rien de très douloureux à ce stade, mais, prudent, il prend vite rendez-vous chez sa dermatologue, qui pense à une verrue. "Elle a brûlé mon bouton à l'azote, je vous laisse imaginer la douleur", s'étrangle auprès de têtu· le pauvre jeune homme, qui voudrait ne jamais revivre un tel moment…
À lire aussi : "Je plains ceux qui seront contaminés" : un malade du monkeypox raconte son calvaire
Deux jours plus tard, patatras, deux autres boutons surgissent dans la même zone. "On a tous eu des verrues à la piscine, on sait que ça n'apparaît pas comme ça", pense-t-il alors, d'autant que la fièvre fait à son tour son apparition. Un bilan IST plus tard (négatif), Mathieu pense à la variole du singe, ou monkeypox. Il appelle alors le 15, comme préconisé dans ce cas sur le site de l'Agence régionale de santé (ARS), pensant trouver de l'aide. Mais il s'entend expliquer que s'il n'a pas de grosses cloques d'eau, il ne s'agit certainement pas du virus qui essaime depuis deux mois en France parmi la communauté HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). En réalité, on sait désormais que les symptômes du monkeypox peuvent grandement varier selon les malades, et se font parfois bien plus discrets que la description théorique de la maladie. Démuni, Mathieu décide de se rendre aux urgences.
Las, le garçon ressort de l'hôpital avec une ordonnance de paracétamol contre la fièvre, ainsi que de la biseptine et des compresses pour nettoyer ses plaies, en attendant de réaliser un test PCR dans un autre hôpital. En l'occurence, Saint-Antoine finit par l'accueillir en consultation, plus d'une semaine après ses premiers symptômes. C'est là que le diagnostic est confirmé : variole du singe. Pour y parvenir, le parcours de soin de Mathieu aura donc été semé d'embûches… Ces derniers jours, les témoignages faisant état de ces errances diagnostiques se sont multipliés, montrant que les autorités sanitaires tardaient à prendre la mesure de cette épidémie et à y répondre de façon efficace. Ce mardi 5 juillet, enfin, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France a donné des consignes claires pour la prise en charge des suspicions de monkeypox. On vous les ddétaille.
Soupçon de variole : appelez le 15
Reprenons à partir des symptômes. Il faut d'abord garder à l'esprit que la période éruptive de lésions cutanées (les boutons et les croûtes) et des muqueuses est secondaire. Elle suit généralement – mais pas nécessairement – une période invasive pendant laquelle la personne malade peut éprouver une fièvre de plus de 38 degrés, des maux de tête, des frissons, une grosse fatigue, des crampes et des douleurs (du dos notamment) ainsi qu'un gonflement des ganglions. À noter que tant qu'une personne ne présente pas de symptôme, elle n'est pas considérée comme contagieuse.
À lire aussi : Monkeypox : symptômes, transmission et prévention de la variole du singe
Attention, tous ces symptômes ne surviennent pas toujours, et peuvent aussi bien se suivre que se superposer. Quoi qu'il en soit, dès que vous soupçonnez une variole du singe, les autorités préconisent d'appeler le Samu (15), comme l'a fait Mathieu, afin de se faire orienter vers la bonne spécialité de médecine en fonction des symptômes. Le diagnostic du monkeypox doit être confirmé par un test PCR, qui peut être réalisé dans n'importe quel laboratoire puis analysé dans un établissement spécialisé (à Paris, les hôpitaux Bichat et Pitié-Salpétrière). L'ARS ne nous a pas encore précisé s'il était nécessaire d'avoir une ordonnance pour le test.
Isolement et vaccination des cas contacts
En cas de diagnostic confirmé, il vous faut respecter une période d'isolement de trois semaines à partir du début des symptômes. Il est alors particulièrement important, cela va sans dire, d'éviter tout contact sexuel avec d'autres partenaires. Un arrêt de travail vous est alors prescrit, ou bien une autorisation de télétravail à temps plein. La guérison survient spontanément en deux à quatre semaines, les médicaments prescrits ne servant qu'à traiter la fièvre et la douleur.
L'isolement préconisé est plutôt strict car il s'agit d'éviter surtout que les personnes à risque de forme grave (immunodéprimées, femmes enceintes, jeunes enfants) entrent en contact avec les malades. Le linge contaminé doit être nettoyé à plus de 60 degrés. L'ARS recommande également que les animaux de compagnie n'aient pas de contacts avec une personne malade de la variole du singe, ou au moins de porter des gants (oui, oui) pour les toucher.
Non soumis à l'impératif d'isolement, les cas contacts peuvent demander une vaccination contre la variole. Entre alors en jeu le vaccin Imvanex, dit de troisième génération, qui doit être injecté "idéalement dans les 4 jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard", indique à têtu· la direction générale de la Santé (DGS). Problème remonté du terrain : il est très difficile d'obtenir des créneaux de vaccination. En Île-de-France, neuf hôpitaux pratiquent la vaccination des cas contacts (Bichat, Pitié-Salpétrière, Saint-Antoine, Saint-Louis, Lariboisière, Raymond-Poincaré, Avicennes, Kremlin Bicêtre et, à partir du 11 juillet, Hôtel-Dieu). Notez qu'à ce stade, la vaccination n'est possible qu'en semaine et à des horaires de bureau.
HSH : vite nos doses !
Pour la suite, comme l'a révélé têtu·, la Haute autorité de santé (HAS) a été saisie par le ministère de la Santé en vue d'élargir la vaccination aux hommes gays multipartenaires. Cette recommandation devrait être annoncée dans les prochains jours. En revanche, le nombre de vaccins disponibles n'est pas communiqué et des inquiétudes commencent à se faire entendre quant à l'état suffisant des stocks. "Alors que les États-Unis vaccinent déjà à tour de bras les populations à risque, le démarrage de la vaccination en Europe est, à nouveau, particulièrement lent", s'est plaint l'eurodéputé Pierre Karleskind dans un communiqué en réaction aux 109.090 doses de vaccins commandées par l'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA).
L'Autorité nationale de sécurité du médicament indique que la vaccination antivariolique a une efficacité de 85% pour la prévention du monkeypox, après un schéma vaccinal complet, c'est-à-dire deux doses à au moins 28 jours d'intervalle. "Une dose suffit si le patient a déjà été vacciné contre la variole dans le passé. En revanche, trois doses sont recommandées pour les patients immunodéprimés même s’ils ont été vaccinés contre la variole", précise à têtu· la DGS.
Comment se prémunir en attendant la protection vaccinale ? Certains gestes barrière s'imposent pour les populations exposées, au premier rang desquels la réduction (temporaire) du nombre de partenaires sexuels. Si le monkeypox n'est pas une IST à proprement parler, l'expérience montre que dans cette épidémie, l'essentiel des contaminations survient en effet lors de rapports sexuels.
Crédit photo : Unsplash