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variole du singe"Comme des lames de rasoir dans l’anus" : quand la variole du singe fait (très) mal

Par Laure Dasinieres le 12/07/2022
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Si le vaccin contre la variole du singe (ou monkeypox) est désormais accessible en théorie aux hommes gays et bi, les centres de vaccination ont du mal à répondre à la demande. Du côté des malades, les symptômes se précisent… et ils peuvent être très douloureux.

Il en aura fallu, du temps, pour que la douleur liée aux symptômes du monkeypox soit évoquée par les autorités sanitaires. Ce n’est que le vendredi 9 juillet, lors du premier point presse sur le sujet, que le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a évoqué la souffrance rapportée par de nombreux patients atteints de la variole du singe, insistant sur la nécessité d'une meilleure prise en charge. Explications.

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Derrière les discours soulignant que le monkeypox est une maladie bénigne – parce qu’elle n’est pas mortelle chez nous au sein de la population actuellement la plus exposée, à savoir les hommes gays et bi –, l'écoute des récits de malades et de médecins montre qu'il y existe chez les premiers une vraie souffrance, physique mais aussi psychologique, d'autant plus importante à prendre en compte qu'elle touche à l’intime. 

Variole et douleurs intimes

Corentin a éprouvé ses premiers symptômes – une forte fièvre et des courbatures – le 21 juin. Deux jours plus tard, des lésions au niveau des muqueuses anales sont apparues et, avec elles, de très vives douleurs : "J’avais tellement mal que je n’arrivais pas à dormir – et encore, il fallait que je reste en position semi-allongée. Faire quelques pas était douloureux, même prendre le métro était insupportable du fait des vibrations. J’avais l’impression d’avoir des lames de rasoir ou des oursins dans l’anus."

"Il faut bien dire qu’avoir mal comme ça, saigner et manquer de s’évanouir tellement tu as mal quand tu vas aux toilettes, c’est glauque et tout sauf sexy"

N’ayant alors pas encore été dépisté ni diagnostiqué, Corentin pense à une crise d’hémorroïdes. Il se rend le 24 aux urgences proctologiques de l’hôpital Croix Saint-Simon. Nouvelles souffrances : "Les muqueuses étaient à vif et saignaient. Même si le médecin était adorable, l’examen a été simplement abominable. On m’a d’abord prescrit du paracétamol et une crème anesthésiante locale, mais ça n’a pas été suffisant et j’ai dû demander quelque chose de plus fort qui m’a un peu soulagé." Bien sûr, cette douleur affecte considérablement sa qualité de vie. "Je ne m’alimentais quasiment plus car je pensais au fait qu’il faudrait aller aux toilettes ensuite… J’ai perdu 7 kilos en une semaine. Et puis, il faut bien dire qu’avoir mal comme ça, saigner et manquer de s’évanouir tellement tu as mal quand tu vas aux toilettes, c’est glauque et tout sauf sexy" Aujourd’hui, le jeune homme va mieux mais il se sent encore fragile : "Je sens qu’il reste une protubérance, comme une cicatrice – d’ailleurs, elle se remet à saigner si je fais un repas un peu conséquent."

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De son côté, Julien a eu des symptômes différents mais a aussi fait l’expérience de la douleur. "D’après ce que je savais du monkeypox, je m’attendais à avoir un bête bouton sur les fesses ou sur le pubis… Or, j’ai eu un bouton au niveau d’un testicule et deux au niveau du pénis. Ils ont considérablement gonflé ce qui a créé un œdème douloureux. À cela s'est ajoutée une lymphangite (infection d'un ou plusieurs vaisseaux lymphatiques, généralement due à des streptocoques, ndlr) au niveau de l’aine : mon pubis était lui aussi très gonflé et douloureux."

Quoique bien conscient que les médecins sont surchargés et qu’ils ne connaissent pas encore tout de la variole du singe, Julien déplore la manque d’explications qui, pour lui, a été un facteur d’angoisse majorant la douleur. "Je n’allais vraiment pas bien et les médecins n’expliquaient pas ce que j’avais ni comment ça allait évoluer. Heureusement, mon beau-père est médecin généraliste et il a pu me donner des éléments de réponse qui m’ont permis d’aller mieux. D’ailleurs, après l’avoir vu, j’ai recommencé un peu à manger alors que rien ne passait."

Peur de la stigmatisation et maltraitances

Si Julien va mieux aujourd’hui, tout en continuant à être suivi du fait de la surinfection qu’il a subie, il souhaite aussi témoigner de la souffrance dont il a été témoin dans les salles d’attente de l’hôpital. "C’était extrêmement violent. Lorsque je patientais pour voir le proctologue, j’ai entendu des cris de douleur venant du box de consultation. Et l’un des autres patients qui attendait en même temps que moi hurlait tellement il avait mal et a fini par se mettre à pleurer car il avait peur de ce qu’il allait dire à sa famille et au travail." Parce qu’ils ont témoigné sur les réseaux sociaux, Corentin et Julien ont également reçu de nombreux témoignages d’autres malades, rapportant de vives douleurs et une peur d’être outés ou stigmatisés du fait de leur infection. 

"Nous avons été contraints de mettre en place des modalités d’examen un peu standardisées qui pourraient donner l’impression aux patients qu’ils sont un peu expédiés et pas assez écoutés."

De l’autre côté du bureau d’accueil des services des maladies infectieuses et tropicales, il y a le Dr Bastien Mollo, qui travaille à l’hôpital Bichat à Paris. Il voit chaque jour défiler de nombreux patients atteints du monkeypox, dont certains sont dans un état très douloureux. Conscient des failles d’un système hospitalier au bord de la rupture, il commence spontanément notre entretien par s’excuser de ne pas pouvoir offrir un accueil plus personnalisé aux malades du monkeypox : "Nous voyons la vague monter et nous craignons de ne pas pouvoir contenir l’afflux de malades. Nous en avons déjà beaucoup et nous avons été contraints de mettre en place des modalités d’examen un peu standardisées qui pourraient donner l’impression aux patients qu’ils sont un peu expédiés et pas assez écoutés."

Cela explique en partie l’impression de défaut d’explications et d’écoute ressentie par Julien. Mais les réseaux sociaux se font l'écho de traitements beaucoup plus violents, voire niant la douleur éprouvée, dans d’autres hôpitaux et services. Comme dans le cas narré par @supersero_ sur TikTok, où un jeune homme, cas contact et symptomatique, s’est littéralement retrouvé séquestré aux urgences. Une crainte émerge quant à une maltraitance systémique du corps médical sur les malades du monkeypox, ajoutant une douleur psychologique aux douleurs physiques déjà mal prises en charge. 

Le monkeypox, foire aux symptômes

Revenons à ces douleurs relatives aux purs symptômes de la variole du singe. Le Dr Bastien Mollo explique qu’il constate auprès de ses patients une symptomatologie graduée : "Certains n’auront que quelques petits boutons, semblables à ceux de l’herpès ou de la varicelle, sur des zones non exposées du corps, d’autres auront des boutons visibles qui, sans nécessairement créer de douleur physique à proprement parler, pourront avoir des répercussions psychologiques et sociales, notamment du fait du risque d’outing."

Et puis, il y a toute une catégorie de patients pour qui le monkeypox n’aura rien de l’affection bénigne : "Ceux-là vont voir se développer des boutons très douloureux au niveau de l’anus et/ou des organes génitaux. Des boutons si douloureux qu’ils empêchent de s’assoir, de dormir, de marcher." Il arrive aussi que ces boutons se trouvent précisément au niveau de l’urètre, empêchant le patient d’uriner et nécessitant alors la mise en place d’une sonde. "On voit aussi arriver des patients avec les ganglions inguinaux (au niveau de l’aine, ndlr) très gonflés et douloureux et/ou avec des œdèmes de la verge très impressionnants. Il y a aussi des abcès de la marge anale. Ce sont des surinfections qui nécessitent des traitements spécifiques et un suivi hospitalier." 

En dehors des zones sexuelles, d’autres symptômes extrêmement pénibles peuvent survenir, comme de violents maux de gorge, des panaris et des conjonctivites. Évidemment, à ces douleurs physiques s’ajoutent encore les souffrances psychologiques liées à un isolement de 21 jours. Si, pour évoquer aujourd’hui les symptômes et douleurs liées au monkeypox tel qu’il est présent dans les zones non endémiques comme la France, nous ne pouvons à ce stade nous appuyer que sur les remontées du terrain et les témoignages de patients, une étude européenne vient d’être lancée afin d’offrir une meilleure documentation sur les symptômes de la maladie et la réponse des patients aux traitements. Espérons qu’avec les résultats obtenus, ces derniers bénéficieront d’une meilleure prise en charge de leurs douleurs et d’une meilleure écoute dans l’ensemble des services hospitaliers où il se présenteront.

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Crédit photo : illustration, Unsplash