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musiqueLéonie Pernet aux Nuits des Arènes : "Ma musique n'est pas queer"

Par Tessa Lanney le 01/09/2022
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Les Nuits des Arènes, c'est un festival qui allie débats, conférences, ateliers, expos mais aussi musique aux arènes de Lutèce. Pour l'occasion, Léonie Pernet, qui s'y produit, nous parle musique, queerness (ou pas) et de son rapport à la nuit.

Musique, débats, conférences, exposition, jeux et autres ateliers, un programme réjouissant autour de l'art et de l'engagement citoyen, le tout au coeur d'un lieu qui fait sens : les arènes de Lutèce, authentique amphithéâtre gallo-romain en plein coeur de Paris. Il ne s'agit pas d'une reconstitution historique mais bien d'un festival de deux jours aux enjeux très contemporains intitulé Les nuits des arènes. Le top départ sera donné le 2 septembre avec une exposition qui donne le ton du festival : "Affichée", par l'artiste Nicole Miquel qui a concocté une série visant à mettre en lumière des femmes rencontrées au détour de bars lesbiens parisiens entre 1990 et 2004. Un "travail de mémoire" mais aussi un "acte politique et féministe" qui inscrit ces femmes dans une "représentation de pouvoir". Outre les activités de jours qui sont accessibles gratuitement, le festival est aussi là pour satisfaire les oiseaux de nuit. Le public queer (mais pas que) reconnaîtra sans doute dans la programmation Rag, directrice artistique du collectif Barbi(e)turix et organisatrices des soirées lesbiennes Wet For Me. Sera également de la partie Léonie Pernet, multi-instrumentiste, chanteuse et productrice qui emmènera le public dans son "Cirque de Consolation", titre de son dernier album.

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Si certains se souviennent de Léonie Pernet organisant et arpentant les soirées queers, l'artiste a désormais laissé la teuf de côté, les yeux rivés sur sa musique. Une musique qui mêle volontiers les genres, flottant – parfois avec une certaine mélancolie – entre musique électronique, musique classique ou néo classique. Forcément, lorsque l'on a demandé à cette artiste qui prend régulièrement la parole sur des sujets politiques de participer à un festival qui regroupe ses domaines de prédilection, elle a de suite accepté.

Qu’est-ce qui t’a décidé à participer au festival Les Nuits des Arènes ?

Léonie Pernet : J’ai fait le Trianon en mars, la Philharmonie en juillet, je n’avais spécialement besoin de rejouer à Paris dans l’immédiat mais j’ai trouvé le projet du festival chammé, orienté politique et société. C’est pour ça que je le fais. Et puis ça permet toujours de rencontrer un nouveau public, c'est une pression les festivals, parce que les gens ne viennent pas forcément pour toi !

Comment tu décrirais ton public ?

Le public de mes concerts est assez varié, enfin il y a quand même beaucoup de queer et de CSP+. Mais quand je vois des personnes racisées par exemple, ça me fait kiffer. Je suis métisse et le racisme ne fonctionne pas de la même façon selon ta couleur. Plus tu es noire, plus tu subis de la négrophobie. Jusqu’à 26 ans, je n’étais pas forcément en phase avec cette partie de moi. Je m'y connecte de plus en plus et je l'explore dans ma musique et dans mes clips. À l'inverse, dans ma vingtaine, j'ai très bien assumé ma queerness alors que je n'assumais pas d'être métisse parce que je manquais de modèles et que j'avais intégré le fait que ça craignait. Je pense d'ailleurs que si en général je suis un peu réticente à parler de queerness, c’est parce que c’est devenu cool. Pas dans les faits évidemment, je ne parle pas de la réalité que connaissent les personnes trans précarisées, mais la queerness est devenue une sorte de parure dans la pop culture. La représentativité de la "diversité raciale" me tient davantage à cœur.

Comment réagis-tu lorsque l'on qualifie ta musique de queer ?

Mes yeux ont tendance à se révulser. Ma musique n’est pas queer même si on la qualifie souvent comme tel. S'il m'arrive de traîter des thèmes queer, je pense notamment à Les Chants de Maldoror, j’ai de nombreux morceaux purement instrumentaux. En fait, je n'aime pas qu'on me classifie de manière générale. Si j’avais pu dire avec une phrase ce que j’essaye de transmettre à travers ma musique, je l’aurais fait. On perd toujours de la saveur et de la substance à essayer de décrire de la musique selon des catégories pré-définies. Tout ce que je fais c’est une proposition en accord avec qui je suis et il revient à chacun de l’interpréter comme iel veut. têtu· l'écoutera sous un prisme queer, Jeune Afrique me parlera sans doute des percussions. C'est cet ensemble qui est intéressant. L’idée même de la musique, c’est de transcender les catégories.

Cependant, tu connais bien le milieu queer et ses fêtes. Dans une chanson de ton dernier album "Mon amour, tu bois trop", tu te livres notamment sur le rapport que tu entretenais avec l'alcool...

La fête queer et les lieux de convivialité ont été importants dans ma construction. C’est souvent le cas lorsque l’on fait partie d’une minorité vulnérable. Dans nos communautés, j’hallucine de voir à quel point la consommation d’alcool et de drogue est démocratisée. Je pense que c’est en partie dû à cette envie de transgression inhérente aux contre-cultures, aux identités alternatives. Pourtant, cet esprit de transgression n’est plus vraiment d’actualité quand on y pense. On n’est pas dans le New-York des années 80. Je pense que c’est amené à s’arrêter, les gens remettent de plus en plus en question le fait de consommer. Seulement, il n’y a pas suffisamment de gens qui vendent le fait que c’est totalement cool de faire sans. C’est ce que j’essaye de faire avec mes modestes outils.

Qu'est-ce qui a fini par te lasser ?

L’alcool et la drogue, c’est cool pour sociabiliser quand on est jeune mais on s’en lasse vite. Un jour on se rend compte que le sujet prend trop de place. Personnellement, ça ne m’intéresse pas de parler de la kétamine d’avant-hier ou de la 3MMC de demain. D’autant plus que la frontière est ténue entre se lâcher et se faire du mal / faire du mal aux autres. La musique électro matche avec certaines drogues de synthèse. Le rapport au son est décuplé, je ne me peux pas dire le contraire. Mais se coucher à 11h du matin, enchaîner trois soirées d’affilée, parler à une centaine de personnes, voir 1000 visages différents, au bout d’un moment, ce n'est pas tenable. Trop d’échange, trop de langage. Quand on sort de ça, c'est plus qu'une bouffée d’oxygène, on revoit la lumière comme on ne l’avait jamais vue.

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Crédit photo : Alexis Patri