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streaming"Chair tendre", enfin un personnage intersexe au coeur d'une série française

Par Fanny Evrard le 22/09/2022
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Le monde des séries françaises accueille enfin un personnage intersexe avec la série Chair tendre, sur France.tv Slash, qui nous invite à suivre le quotidien tourmenté d'une ado.

"Moi c’est Sasha, je suis une fille, avec deux bras, deux jambes, un nez, une bouche…" Sasha Dalca, le personnage principal de la série Chair tendre, a 17 ans et arrive en cours d’année dans un nouveau lycée. Elle qui se genrait encore au masculin avant sa rentrée s’intègre petit à petit dans une bande de potes, à qui elle préfère cacher son rapport à son identité. Un secret qui est loin d'être le seul de la série puisque, à quelques mois de sa majorité et au hasard de la programmation d’une opération chirurgicale, Sasha découvre que ses parents et le milieu médical lui ont toujours menti sur son corps… et qu’elle est née intersexe.

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Sasha réfléchit alors aux conséquences des violences intersexophobes – évoquées par flash-back – qu’elle a subies, et s'interroge aussi sur ses premiers désirs amoureux et sexuels, et sur les relations qu’elle entretient avec ses nouveaux camarades ainsi qu'avec sa petite sœur de 15 ans, Pauline. Récompensée du Prix de la meilleure série en compétition française au dernier festival lillois Séries Mania, la saison 1 de Chair tendre est disponible en intégralité à partir de ce vendredi 23 septembre en streaming sur France.tv Slash.

Un casting queer

Au casting, c’est l’androgyne Angèle Metzger qui incarne Sasha, faute de candidat·es intersexes malgré l’envie de la production de réserver le rôle à une personne concernée à la fois par l’intersexuation et par la transidentité. L’actrice trans Andréa Furet “avait été castée pour Sasha, mais elle était tellement féminine qu’on s’est dit qu’elle irait mieux pour le rôle de la bombe du lycée”, indique Yaël Langmann, créatrice du projet. Elle joue donc Cynthia, un personnage secondaire dont la douceur contraste avec le caractère des deux autres amies de Sasha – Anna (Paola Locatelli) et Meeva (Léna Garrel) – beaucoup plus cash, voire cruelles. La clique est complétée par deux adolescents, Alex (Marin Judas) et Sam (Régis N’Kissi).

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Crédit photo : France.tv Slash

Sasha prend également contact au cours de la série avec Loé, membre d’un collectif intersexe, joué par Lysandre Nury – lui-même cofondateur du Collectif Intersexe Activiste. Celui-ci est par ailleurs le premier acteur intersexe out francophone à jouer dans une série française. À noter aussi quelques apparitions de l’acteur Océan dans le rôle secondaire de Grégory, un ami de Cécile, la mère de Sasha, campée par Daphné Bürki. Mais l'une des révélations de la série est de toute évidence Saül Benchetrit, qui joue la soeur de l'héroïne et crève l’écran en traduisant avec justesse (et beaucoup de bruit) les difficultés à se faire une place dans sa famille et au sein de sa nouvelle école.

Intersexuation et adolescence

Si les personnages nouent des intimités variées et se posent parfois la question de savoir si Sasha est lesbienne, l’orientation sexuelle des personnages n’est pas un enjeu pour eux ni pour les scénaristes, contrairement au thème central de l’intersexuation. C’est un sujet qui tenait à cœur à Yaël Langmann depuis dix ans : "Quand j’étais ado, j’ai rencontré une personne de 17 ans qui venait de découvrir son intersexuation. Ça a redistribué les cartes de son bien-être, cette personne était à un moment terrifiant de sa vie."

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La créatrice de Chair tendre a également pris contact avec Loé Petit, qui a confondé le Collectif Intersexe Activiste, afin d'affiner le scénario et l’écriture du personnage de Sasha. "L’idée, c'était de raconter un parcours possible, sans le fétichiser, de montrer des émotions humaines pour que le spectateur puisse se poser des questions", commente Yaël. Car la série, qui aborde sans concession les violences médicales, les agressions, le fétichisme et les interrogations liées à l'identité, veille à rester accessible aux spectateurs ne connaissant rien aux questions intersexes.

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Crédit photo : France.tv Slash

"Si on avait voulu aller au fond des questions politiques, ça aurait nécessité des prérequis que les gens n’ont pas forcément, développe Lysandra Nury. C’est un peu frustrant pour les deux parties, mais la version finale est un bon compromis." Pour l’ensemble des interprètes, cela a également été l’occasion de découvrir la thématique et de s'éduquer sur cette question encore trop peu connue. "Tous les gens [qui découvrent la série] hallucinent sur le pourcentage de personnes concernées et sont choqués que le sujet soit si peu abordé. Il y a un besoin de le questionner", argue le réalisateur Jérémy Mainguy. "Ce projet ne peut pas exister ailleurs que sur France.tv Slash, qui a un véritable intérêt pour la représentation", ajoute Yaël Langmann.

Chair tendre, série pour adultes

Les notions de jalousie dans une fratrie, ou entre potes, ainsi que les relations avec les parents donnent aussi corps à la série. Mais attention, précise à son tour Sened Dhab, directeur de la fiction numérique de France Télévisions, car si ces problématiques adolescentes sont représentées avec beaucoup de réalisme, "Chair tendre n’est pas une série pour ados. On se met à hauteur des protagonistes, mais la série n’est pas faite pour les fans de Skam, par exemple".

Là où la série Skam France, avec ses ados queers, assume de se dérouler à Paris en 2022, les protagonistes de Chair tendre ne sont situés ni dans le temps ni dans l’espace : les ados ont, certes, des smartphones en main, mais roulent aussi à vélo dans la forêt sous une lumière dorée. "On a choisi une esthétique un peu mélancolique, celle des films des années 1990, avec lesquels on a grandi, détaille Yaël Langmann. Ça aurait pu se passer il y a vingt ans, ça ressemble à ma propre adolescence, il faut que chacun puisse s’identifier. On espère parler à plusieurs générations."

Quant au titre, très organique, de la série, il a mis du temps à arriver. Un temps intitulée La Meilleure Moitié, la série est devenue Chair tendre après qu'une amitié se fut formée entre les interprètes durant le tournage. "Ça devait être poétique, ambivalent, il y a eu une longue recherche collective, indique Jérémy Mainguy. Ça vient de la tendresse entre eux, c’est apparu comme une évidence."

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Crédit photo : France.tv Slash